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cinema

Heartstone, un été islandais (Hjartasteinn) de Guðmundur Arnar Guðmundsson

Heartstone, un été islandais (Hjartasteinn) de Guðmundur Arnar Guðmundsson (2016), avec Baldur Einarsson (Thor), Blær Hinriksson (Kristján), Diljá Valsdóttir (Beta), Katla Njálsdóttir (Hanna), Jónína Þórdís Karlsdóttir (Rakel), Rán Ragnarsdóttir (Hafdis)

 

C’est l’été dans un petit village islandais éloigné de tout. Les jeunes du village s’ennuient et tuent le temps de manières diverses. Ils forment une contre-société à l’écart du monde des adultes dans une liberté toute relative. Þór (Thor) et Kristján n’ont visiblement pas le même âge, ou en tout cas le même niveau de maturité, mais ils sont inséparables. Le premier est encore impubère, ce qui le contrarie visiblement. Les autres ne cessent de les asticoter sur leur proximité, assimilée à une relation homosexuelle. Le sujet est par ailleurs assez tabou et mal accepté dans un monde où la réputation est très importante. D’ailleurs, le père de Kristján (alcoolique et violent) a tabassé un autre père de famille dont il avait découvert l’homosexualité, précipitant le départ de ce dernier pour Reykjavik, la lointaine capitale. La pression sociale s’exerce sur les garçons, incités à fréquenter les filles et à flirter avec elles. Kristján semble lui-même encourager Þór à se rapprocher de Beta, une fille de son âge, éternellement flanquée de son amie Hanna.

 

La vie n’est pas facile dans ce bout du monde. Les couples se séparent, l’alcool est souvent un refuge, la violence omniprésente. Le père de Þór est parti, laissant leur mère en charge de ses trois enfants, et pourtant désireuse de continuer à avoir une vie de femme, au grand dam de ses filles. Les relations entre les quatre membres restants font des montagnes russes. Rakel, la grande sœur, est particulièrement féroce avec les autres, tandis que Hafdis a trouvé une échappatoire dans le dessin et les poèmes (macabres et un peu ridicules). Elle aime particulièrement faire des tableaux homoérotiques prenant modèle sur son frère et Kristján, avec leur concours résigné. Bien sûr, ils n’aimeraient pas qu’ils soient divulgués à quiconque, en particulier Þór, très soucieux de normalité.

Hjartasteinn est un film magnifique, à la fois picturalement et émotionnellement. Avec ses teintes d’abord très vives et lumineuses puis qui s’estompent peu à peu, son espace qui se rétrécit, son ciel de plus en plus bas, le film réussit à donner substance à la métaphore visuelle d’une société enfermée dans ses conservatismes. Il mélange le hiératisme de la nature islandaise et des traits de fresque sociale qui jamais n’appuie ou ne tombe dans le didactisme, préférant suggérer plutôt que souligner à gros traits. Le réalisateur a réussi à faire varier de manière organique les humeurs changeantes de son microcosme, qui passe insensiblement d’une émotion à une autre, entre farce, colère, tristesse, amour, drame, etc. L’absence de voix off ou de procédés subjectivants conserve aux personnages une large part d’opacité. Très largement centré sur Þór durant les deux premiers tiers du film, celui-ci ouvre ensuite des fenêtres sur la condition de Kristján, qui conduisent au climax presque tragique de l’œuvre, avant de revenir à Þór. La fin est très ouverte, sans happy end ni sinistrose : on y voit un poisson rejeté à la mer par un enfant, on pourrait le croire mort, et pourtant il reprend vie et s’éloigne… Après la bande-annonce (je suis un peu dubitatif sur ses effets), vous trouverez quelques éléments qui sont susceptibles de divulguer un peu trop pour celles et ceux qui souhaiteraient voir le film.

 

 


 

Bien que très naturaliste (à plusieurs titres) dans sa texture et ses choix filmiques, Hjartasteinn est loin de s’y réduire, de même qu’il évite tout fatalisme. La société qu’il dépeint avec retenue a beau être passablement rigide, elle vit un tournant dans lequel les femmes, très fortes, jouent un rôle essentiel. C’est d’elles que vient l’affranchissement, à l’image de Hafdis, la sœur très gay-friendly de Þór. Cela ne va pas sans tâtonnements : d’une maladresse de cette dernière, encourageant Kristján à vivre sans honte une homosexualité supposée, procède le geste désespéré de ce dernier, qui découvre en même temps que Þór est parti voir Beta alors qu’il avait refusé de lui parler après la découverte par des voyous d’une œuvre de sa sœur les représentant tous les deux en amants enlacés et maquillés.

Film gay ? Ce serait aller vite à la besogne, d’autant que le cinéaste a récusé dans ses interviews que l’on puisse ainsi qualifier la relation entre les deux (pré-)adolescents. Il y a certes de l’amour entre eux, mais il passe essentiellement par des gestes fugitifs et comme volés. Si la nature des sentiments de Kristján est relativement claire, comme le manifestent maints indices, le cas de Þór est beaucoup plus ambigu, tant aussi son conformisme enfantin est plus marqué. En revanche, l’homophobie joue un rôle très prégnant dans le film. Elle s’incarne très fortement dans la figure du père de Kristján, filmé lors d’une brève séquence en train de surveiller subrepticement les gestes des deux garçons. Face à cela, les figures de femmes, de sœurs et de mères sont nettement plus compréhensives, voire incitatives. Mais au-delà de ce « sujet brûlant », c’est toute l’économie morale de cette micro-société qui tourne autour de la question plus large de la réputation, qui donne lieu à une scène particulièrement dure lors de laquelle Rakel frappe sa mère après lui avoir hurlé sa réprobation pour ses aventures avec des hommes du village. Pour autant, Hjartasteinn se départit d’un point de vue moral sur cette moralité de façade, et c’est l’une de ses nombreuses forces que d’être d’une empathie à toute épreuve.

 

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Tir groupé : Le Monde de Charlie, Jitters, Sur le chemin des dunes

La fin de l'année 2012 va être riche pour la figuration des jeunes gays au cinéma :


jitters* Jitters sort en DVD  le 14 novembre après un échec en salles assez regrettable. J'espère que cette nouvelle diffusion permettra un peu d'élargir l'audience d'un film très juste et nuancé. Je redis que je ne diffuse pas la bande-annonce qui est une insulte pour le film.


 

 

 

Le-monde-de-Charlie.jpg* L'adaptation de  Pas Raccord / The Perks of Being a Wallflower (de et par Stephen Chbosky) dont j'avais annoncé la sortie (américaine) en août sera sur les grands écrans français pour les vacances de Noël : Le Monde de Charlie sort en effet le 2 janvier (19 décembre : la date a été changée). J'ai posté la bande-annonce (en v.o. sous-titrée ici). Elle est très pudique sur l'homosexualité de Patrick (joué par Ezra Miller), mais je me suis laissé dire que le film était beaucoup plus direct (ce qui n'est pas étonnant de la part de Stephen Chbosky).

 

* J'en profite pour annoncer une autre sortie, celle de Sur le chemin des dunes, un film flamand de Bavo Defurne, le 5 décembre. Cela fait bien un an que je lis des papiers (en anglais) sur ce film, qui a fait sensation dans nombre de festivals. Par ailleurs, j'ai vu un certain nombre de courts et moyens métrages du réalisateur dans la défunte et regrettée collection Courts mais gay d'Antiprod et je les ai assez appréciés. Dans un style naturaliste qui rappelle certains films de Téchiné, il s'est fait le chroniqueur des émois homos à l'adolescence. Ce premier long métrage est bien dans la même veine, apparemment.
Ci-dessous le synopsis officiel et la bande-annonce (a priori recommandable). J'espère faire un post après l'avoir vu.
"Fin des années 60, une ville oubliée de la côte belge. Pim vit seul avec sa mère, une ancienne reine de beauté devenue chanteuse de cabaret. Pim égaie ses journées en dessinant et en rêvant à des vies imaginaires. Il exprime ses désirs en collectionnant en secret des objets qu’il garde précieusement dans une boîte à chaussures. À l'aube de ses 16 ans, sa relation avec son meilleur ami, Gino, va prendre une autre direction. Quant à la mère de Pim, Yvette, elle a ses propres rêves. Fatiguée de ses soupirants et de sa vie monotone, elle aspire à tout quitter pour partir à la découverte du monde."

 

 

 

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The Perks of Being a Wallflower au cinéma

La blogosphère anglophone s'agite : Stephen Chbosky a tourné un film d'après son roman The Perks of Being a Wallflower (Pas raccord). Le film sort le 21 septembre aux Etats-Unis. Il n'y a pas encore de date pour la France [rajout ultérieur : le 19 décembre sous le titre Le Monde de Charlie], mais j'imagine que le casting et un succès probable aux USA lui amèneront un distributeur. Le rôle de Charlie est tenu par Logan Lerman (plutôt spécialisé dans les films fantastique bourins jusqu'à présent), celui de Sam par Emma Watson (Hermione dans les navets tirés de Harry Potter) et celui de Patrick par Ezra Miller, qui s'est défini lui-même comme "queer" dans une interview partiellement en ligne du magazine Out, site où l'on trouve aussi un article général sur les acteurs du film.

Je suis très suspicieux à l'égard des adaptations de livre au cinéma. Je me méfie des bandes-annonces et de leur caractère trompeur (que de remontages dissimulant une misère ou biaisant totalement le sens d'un film - comme en témoigne celle de Jitters). Je fais une dérogation à tout ceci cette fois :

 

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Jitters de Baldvin Zophoníasson

Jitters (Órói) de Baldvin Zophoníasson (Islande, 2010), avec Atli Oskar Fjalarsson, Hreindís Ylva Garðarsdóttir et Haraldur Ari Stefánsson

Jitters-01.jpgJitters commence hors sol, dans une école anglaise où Gabriel (Atli Oskar Fjalarsson) et Markus (Haraldur Ari Stefánsson), deux adolescents islandais, viennent passer quelques semaines en séjour linguistique. Tout semble les opposer — l’un brun, sérieux, timide et l’autre blond, désinvolte et jouisseur — et pourtant le film s’attache à leur rapprochement, fait de regards, de petites transgressions alcoolisées, de corps qui s’inclinent, jusqu’à un baiser qui clôt la relation filmique de cette expérience anglaise pas franchement dépaysante. Entretemps, le spectateur aura pris la mesure de la sagacité de Markus et de la retenue extrême de Gabriel (dont le prénom et davantage sonnent exotiques à son compagnon de circonstances).
Le dernier plan anglais s’achève sur un baiser, le suivant nous montre un retour au bercail islandais, gris comme une gueule de bois. Le film s’attache franchement au pas de Gabriel, dont le statut de héros du film ne se démentira plus. Peu à peu, sa silhouette dégingandée nous ouvre à son monde : sa mère autoritaire et envahissante (Ingibjörg Reynisdóttir, un peu dans le surjeu), son père et son beau-père, aussi falots l’un que l’autre, et ses amis, des filles surtout, dont il est le confident. Émergent nettement Stella (Hreindís Ylva Garðarsdóttir), son amie de cœur, attachée à lui en une supplique pas vraiment muette, et Greta (Birna Rún Eiríksdóttir), qui cherche à fuir sa mère, alcoolique et volage. Le film se fait pour partie choral : la caméra suit alternativement les quêtes de Gabriel, Stella et Greta, dans une recherche manifeste de parallélisme. Autour gravitent les autres membres de leur petite bande. De fête arrosée en fête arrosée, de conflits bénins en crises plus graves, le film glisse vers un horizon incertain, ni tragique ni guimauve, mais certainement assez sombre, comme la vie sans horizon de ces jeunes à la fois très libres et comme écrasés par le fardeau familial.
Jitters-04.jpgStella a des idées noires. Elle étouffe dans le cocon protecteur que sa grand-mère a tissé autour d’elle depuis la mort de sa mère. Gabriel est sa porte de sortie, mais insuffisante et précaire. Greta, quant à elle, voudrait non seulement fuir sa mère, mais aussi retrouver son géniteur, qu’elle n’a jamais connu. Gabriel est le plus opaque de ces adolescents, et en même temps le plus évidemment stable : durant la quasi-totalité du film, le spectateur le verra donner son épaule aux autres et résister aux assauts de tous ceux qui veulent lui extorquer des paroles intérieures. Lui préfère se taire, écouter et soutenir ses proches. Le réalisateur a mis un point d’honneur à lui garder cette belle et étrange réserve.

Les mots que l’on retrouve dans la presse à propos de Jitters sont assez paresseux : film « sans prétention », « tourné comme un clip », quand on n’insiste pas sur les habituels clichés concernant l’adolescence (« initiations », moment où l’on « se cherche », ce genre…). Il y a sans doute un effet de glissé, de fluidité, dans le montage, qui rappelle vaguement l'univers du clip, et en même temps une dimension quasiment documentaire dans cette histoire douce-amère. Pourtant, Jitters sort très peu des plans rapprochés et d’un filmage quasi claustrophobe de ses personnages, à commencer par Gabriel, que personne ne semble vouloir deviner et qui se révèle aux autres littéralement à son corps défendant. Partant, et contrairement à ce qu’il pourrait sembler, il ne s’agit pas vraiment d’une peinture générique de la jeunesse islandaise et encore moins de la plongée dans la psyché d’un adolescent qui « se cherche » (quand bien même il est peut-être en quête de quelque chose). Avec son titre original, Órói, qui signifie « agitation », « effervescence », « désordre », « tumulte » et sa transposition anglaise, qui tend l’agitation vers la « frousse », la « nervosité », on se situe dans un registre qui est partiellement décalé par rapport au contenu du film : effet de commentaire ou ironie du réalisateur ? Ce ne serait pas le seul plan où se manifesterait un humour très à froid, presque insensible.
Décidément, Órói mérite davantage que cette réception chipoteuse et stéréotypée, même s'il ne s'agit pas non plus sans doute d'une grande œuvre. Pour autant, le portrait singulier qu'il dessine est attachant et les ellipses sont sa syntaxe intime et délicate. Le vrai sujet du film, à mon sentiment, est de dire que les apparences sont trompeuses : d’un bout à l’autre de son retour islandais, Gabriel déjoue l’ensemble des angoisses et des tumultes qui l’entourent. Il porte témoignage silencieusement d’une voie alternative à tout ce pathos social auquel il se dérobe, même s’il semble parfois atteint, voire touché jusqu’aux larmes. Faux film choral, davantage moral, même si c’est discrètement, Órói est un film d’éclosion, porté par des acteurs remarquables, à commencer par Atli Oskar Fjalarsson, tout en mélancolie et en douceur vaporeuse, freluquet qui se laisse deviner habité par une force incroyable.

Le film n'est pas un succès (nous étions quatre au Saint-André des Arts où je l'ai vu, après trois jours d'exploitation) : ne tardez pas si vous voulez le voir sur grand écran ! Livraison en DVD dans quelques mois sinon (par son distributeur français, Outplay)..

(Sous l'image suivante, le propos pourrait vous gâcher l'histoire)

jitters.jpeg

Le casting adolescent du film presque au complet 

 

Peut-on enfin parler de film « gay » ? Sans doute pas dans le sens où la thématique de l’homosexualité viendrait habiter ce que montre le film. Pourtant, après la coupure de la séquence anglaise, la question des sentiments de Gabriel est bien celle qui demeure en suspens, et tout concourt à la faire peu à peu remonter au premier plan. Dans un rapport que l’on suppose mimétique avec l’état d’esprit du héros, elle est d’abord invisible, comme mise sous le boisseau, avant de se frayer doucement un chemin. La scène finale est moins un happy end encombrant qu’une façon de montrer une bonne fois pour toutes la fermeté du personnage, sa vérité simplement tardive.
Nul tourment visible dans le regard de Gabriel, tout à la réalisation silencieuse de sentiments qui font leur chemin, sans que l’on puisse dire comment il les vit. C’est l’une des forces du film que d’en faire longtemps mystère, rendant la figure du héros extrêmement touchante dans ses esquives et ses tâtons — qui n’en sont pas vraiment tant il subit les autres, Markus indécis et toutes ces filles qu’il touche au plus profond et comme à son insu. Mais de la même façon qu'il se sait incroyablement sérieux et fiable, Gabriel ne tergiverse pas quand il s'agit d'aller au bout de ce qu'un baiser lui a révélé.

 

Jitters-05.jpg

 

 

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Dream Boy adapté par James Bolton

À propos de Dream Boy de James Bolton (2007), édité par Optimale (sortie le 13 mai 2009)

 

Je viens de visionner ce film, précédemment annoncé ici parce qu’il s’inspire d’un livre que j’aime. Je comprends désormais pourquoi il n’est jamais sorti en salles, en France du moins. Il fallait une vente directe en DVD pour ne pas éventer la médiocrité du résultat. L’affiche (kistsch et empruntée) est déjà annonciatrice de la laideur et du manque d’intérêt de la chose. L’histoire semble se dérouler de l’autre côté d’une vitre ou d’une plaque de verre, un peu ce qu’on ressent devant certains vidéoclips. Le spectateur assiste à une sorte de résumé laborieux du livre, mal joué, filmé à la sauvette.

Prenez un roman très dense et très écrit. Passez le dans une centrifugeuse pour n’en garder qu’un synopsis. Collez un décor qui vaudra « en gros ». Puis filmez la chose en ayant pour cahier des charges de n’oublier aucun épisode du résumé. Ça vous donnera le genre de résultat qu’est Dream Boy, le film, l’une des pires adaptations cinématographiques que j’aie vues dans ma vie. Adonné à sa très plate et ininspirée mise en images du livre, le réalisateur n’a même pas réussi dans ce modeste registre de l’illustration. La représentation de la « nature », par exemple, semble une sorte d’exercice parmi d’autres, qui donne lieu à quelques cadrages scolaires. La scène de la baignade, l'une des plus belles du livre, tombe complètement à plat faute d'une imagination plastique pour la faire palpiter et d'acteurs convaincants.
Ce qui manque le plus cruellement ici, ce sont des parti-pris de mise en scène, autrement dit un certain abord du matériau. Adapter un livre demande des choix, sinon le résultat est invertébré. L'argent semble avoir manqué.  Pourquoi ne pas avoir resserré le film sur les relations entre les personnages, dans ce cas ? Ou coupé dans la masse pour ne garder que quelques unes des inspirations possibles ? Au lieu de quoi, Bolton essaie de tout reprendre (scènes et thèmes) : la relation gay à l’adolescence, le climat religieux, l'homophobie, l’inceste, la nature, le fantastique, etc. Mais ça fait dix fois trop pour les petits bras de son film, qui ne retiennent rien. Il en ressort une impression de vacuité, de ratage.
Les acteurs sont mal choisis : celui qui joue Roy (Maximillian Roeg) est tout simplement inexpressif, celui qui incarne le père incestueux de Nathan (Thomas Jay Ryan) en fait des tonnes pour un résultat grotesque. Quant à Stephan Bender, il a au moins cinq ans de trop pour le rôle principal, on lui a donné une petite voix qui paraît complètement artificielle (ou sous-enregistrée ?). Les scènes où Nathan et Roy font leurs devoirs frisent le ridicule tant les acteurs ne sont pas crédibles (et il n’y va pas que de leur âge). Comme en plus Stephan Bender est plus grand, on ne croit pas un instant que son personnage pourrait avoir deux ans de moins que Roy : ça fait partie de ces choses qui sont dites dans le film mais qui n’ont aucun écho à l’écran.

Plusieurs scènes ressemblent aux préliminaires dans un porno amateur, et l’ensemble de ce contenu « érotique » finit par occuper une vaste place, au détriment du reste. Quand on a vu les deux acteurs retirer leur tee-shirt pour la quatrième ou la cinquième fois, on a envie de dire : « passez à autre chose ! » (on pourrait se passer complètement de ces scènes érotico-soft). Il n’en reste d'ailleurs que des gestes cliniques et des images à la David Hamilton, pesants arrêts sur image qui sentent la guimauve (on a un aperçu de cette esthétique avec le cliché ci-contre). Et il y aurait tant à dire sur l'interminable et insupportable scène de viol, dont l'étirement relève selon moi de la complaisance pornographique, pas d'une empathie pour le personnage de Nathan.
 
Pour avoir vu ailleurs une déferlante de commentaires enthousiastes, je sais que cette critique ne va pas plaire à tout le monde. Tant pis pour le consensus. Un film mal fichu, sans imagination cinématographique, même basé sur des sujets très forts, reste un navet. Passer sur les défauts et adhérer envers et contre tout fait surtout les affaires d'éditeurs et de producteurs peu scrupuleux.

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"Prayers for Bobby" : bande annonce en anglais





[!] Pour une raison que j'ignore, le texte que j'avais posté à la suite de cette vidéo a disparu. J'en suis désolé : la réécriture est ici.

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Rencontre avec de jeunes hommes remarquables

Quand on me demande quels acteurs j'aime au cinéma, il m'est toujours plus facile de donner des noms d'actrices, parce que celles que j'aime sont assez connues. En revanche, c'est plus compliqué pour les hommes. Bien sûr, comme tout un chacun, je pourrais citer quelques célébrités, mais ce n'est pas pour autant que je me déplacerais pour aller les voir à chaque film qui sort.
 
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Paul Dano au festival de Berlin
En revanche, tel est le cas pour Vincent Branchet ou Paul Dano. Sur Vincent, j'ai déjà écrit un long texte sur ce blog (c'est ici). Je suis attristé par son absence présente dans le cinéma français. J'espère qu'il refera bientôt surface, parce qu'il est inimaginablement doué.
Et donc, j'aimerais écrire quelques lignes sur trois acteurs que j'aime beaucoup et qui sont très mal connus en France. Ils partagent plusieurs caractéristiques qui pourront surprendre : ils ont une vingtaine d'années, ils habitent aux États-Unis et ils se sont distingués dans des films dits "indépendants". En crescendo : Ryan Kelley, Jamie Bell et surtout Paul Dano, qui est le plus à même de devenir un phénomène mondial.
 
 

 

 

Ryan Kelley dans Outlaw Trail
Ryan Kelley est né le 31 août 1986 à Glenn Ellyn dans l'Illinois. Ses parents ont eu cinq enfants et en ont adopté neuf autres. Il a commencé sa carrière cinématographique à deux ans... Il a joué dans un nombre impressionnant de séries télé. Il a notamment marqué les esprits par son interprétation du personnage de Ryan James, le petit garçon qui meurt dans Smallville. Mais c'est surtout dans Mean Creek de Jacob Aaron Estes (2004) qu'il est extraordinaire, aux côtés notamment de Scott Mechlowicz, Rory Culkin et Carly Schroeder. Sa composition d'un adolescent sensible en butte au bashing (harcèlement) et doté d'une grande rectitude morale est en tous points remarquable. Mean Creek est un très grand film, qui n'a pas eu le retentissement qu'il aurait dû avoir. Depuis, Ryan a joué dans plusieurs films dont il était la tête d'affiche : Outlaw Trail de Ryan Little (2006), Still Green de Jon Artigo (2007), à ma connaissance non distribués en France.
Comme vous pouvez le constater sur les deux photos, Ryan Kelley est particulièrement beau gosse.
 
Rajout ultérieur : le 24 janvier 2009 est passé pour la première fois aux USA un téléfilm réalisé par Russel Mulcahy (l'un des deux pères du Queer as Folk américain), intitulé Prayers for Bobby. C'est "l'histoire vraie de Mary Griffith [...] dont le fils gay se suicida à cause de l'intolérance religieuse de sa mère." Depuis, ce téléfilm a été diffusé par M6 sous le titre Bobby seul contre tous. C'est Ryan Kelley qui incarne le personnage. L'histoire est basée sur un livre éponyme de Leroy Aarons (1995) et se déroule dans les années 1980. J'ai consacré un post à ce rôle, qui a fait découvrir Ryan Kelley à une audience large.
(image extraite de Prayers for Bobby)
 
 
HallamFoeReview2.jpgLa carrière de Jamie Bell a commencé comme une fusée avec Billy Elliott de Stephen Daldry (2000), dont il interprétait le rôle titre. Depuis, il a joué notamment dans le magnifique L'Autre rive (Undertow) de David Gordon Green (2004), King Kong de Peter Jackson (2005), Dear Wendy de Thomas Vinterberg et Lars Von Trier (2005), Jumper de Doug Liman (sorti en France au printemps 2008) et surtout le très réussi Hallam Foe de David Mackenzie (image ci-contre, sorti en juillet 2008), etc. Encore un "kid actor", mais qui a su magistralement négocier une carrière exigeante, alternant les grosses productions (La Tranchée, King Kong, La Gloire de nos pères, Jumper) et les films d'auteur (L'Autre rive, Dear Wendy, Hallam Foe).
arts-film-billy-elliott270x210.jpgJamie Bell est né le 14 mars 1986 à Billingham, dans une banlieue prolo du Nord de l'Angleterre. Comme il l'a indiqué dans plusieurs interviews, il y avait bien des proximités entre son itinéraire personnel et celui de son personnage Billy Elliott, sauf que lui a renoncé définitivement à la danse depuis. Il a déjà sa notice sur Wikipédia (voir l'article), un fan club anglais et une cote de plus en plus élevée dans le cinéma anglo-américain, malgré un physique assez peu évident (difficile d'en faire un jeune premier - il  ressemble parfois à Malcolm Mac Dowell !). Les interviews en ligne que j'ai pu consulter montrent un jeune homme particulièrement mûr et soucieux de contrôler sa carrière. Il a été un temps le petit ami officiel de la starlette Evan Rachel Woods. Il est très lié avec Charlie Hunnam (le wonderboy qui jouait le rôle de Nathan dans le Queer as Folk anglais). Dans Jumper (qui a l'air d'être un navet, à en juger par les réactions de ma presse préférée), il donne la réplique à Hayden Christensen, Dark Vador à la retraite.
Jamie Bell est un remarquable acteur, assez anglais finalement, avec ce mélange de naturel et d'énergie qui fait merveille dans L'Autre rive et Dear Wendy. Manifestement, Billy Elliott est une sorte de fantôme qu'il n'a eu de cesse d'exorciser afin de pouvoir vivre une vie d'acteur à part entière, même s'il ne nie pas avoir été profondément et durablement marqué par cette incarnation. C'est un rôle aux antipodes du personnage de Billy dans une adaptation télé de Nicolas Nickleby qui lui a permis d'échapper au poids de ce personnage inaugural (qui ne fut pourtant pas le premier).
Sa composition dans Hallam Foe (en français [sic !] : My Name is Hallam Foe) de David MacKenzie est absolument époustouflante. Il y incarne un post-ado perturbé par la mort de sa mère, qui abandonne le manoir familial pour aller jouer les monte-en-l'air (référence à Spider-man ?) à Glasgow et filer une jeune femme qui ressemble étrangement à la défunte. Cette expérience est une sorte de voyage initiatique qui frôle des expériences-limite (harcèlement, clochardisation, prostitution, inceste, meurtre) sans jamais y basculer. Le personnage est tout à la fois ingénu et inquiétant (voyeur, paranoïaque). Cette ambiguïté est sans doute la clé de voute du film et ce qui fait son intérêt comme peinture d'une jeunesse à tâtons. Le cinéaste me semble avoir retrouvé quelque chose de la grâce du free cinema des années 1960 et particulièrement des films de Lindsay Anderson. Et il a trouvé en Jamie Bell l'interprète parfait (de naturel et de rouerie) pour un rôle assez difficile.
 
5051.jpgJ'en arrive enfin à mon préféré, un acteur qui est déjà immense, alors qu'il est encore très jeune. Paul Dano est né le 19 juin 1983 selon les sites de fan et un an plus tard selon IMDb... Ce qui lui fait bientôt 24 ou 25 ans selon les cas... Non content de faire l'acteur, il joue aussi dans un groupe de rock tout à fait fréquentable, Mook. Pour les curieux, le groupe a une page sur Myspace (facile à trouver).
Paul Dano a été révélé par l'extraordinaire premier film de Michael Cuesta, L.I.E. (Long Island expressway). Il y joue le rôle d'Howie, ado perturbé, poète à ses heures, orphelin de mère, délaissé par un père fraudeur, et sympathisant avec un pédophile au comportement imprévisible (photo ci-dessous). Il a joué finement des seconds rôles dans plusieurs films assez faibles, comme Le Club des empereurs (2002) et Girl Next Door (2003). Dans le troublant The King (2005) de James Marsh, il incarne le rejeton un peu niais d'un prédicateur poursuivi par un fils naturel (incarné par Gael Garcia Bernal). Dans ce film-là, c'est surtout le wonderboy mexicain qui livre un numéro de comédien bluffant.
Paul-Dano---Brian-Cox_LIE.jpg
Long Island expressway
Le rôle explosif et hilarant d'ado mutique et buté (Dwayne) dans Little Miss Sunshine de Valerie Faris et Jonathan Dayton (2006) a valu à Paul Dano un tombereau de louanges. Il faut dire qu'il tenait la dragée haute à une palanquée d'acteurs d'exception : Steve Carell, Alan Arkin, Toni Collette... Il a aussi un rôle de premier plan dans Fast Food Nation de Richard Linklater (2006). Et le rôle du prêtre Eli Sunday dans There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson (qui est sorti en France le 27 février) lui a donné le statut d'acteur de premier plan qui lui manquait.
 
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Paul Dano (g), Paul Thomas Anderson (d)
Ce n'est pas seulement la palette de jeu dont Paul Dano dispose qui impressionne. Il a fait preuve depuis ses débuts d'une exigence artistique hors du commun, alignant les films exigeants (LIE, The King). Dans les interviews dont je dispose, il affirme d'ailleurs ne pas vouloir déroger à cet impératif artistique. Son physique un peu particulier, son gros nez, ses pommettes protubérantes et ses joues creuses, ne font pas de lui le plus bankable des jeunes espoirs du cinéma américain, mais à mes yeux l'un des plus talentueux. Dans There Will Be Blood (photo ci-dessus), il fait encore plus shabby que dans d'autres films, mais son incarnation d'un jeune prêtre fanatique est étonnante. Je ne serais jamais allé voir ce film dans des circonstances ordinaires (le thème me barbait, j'avais lu des critiques mitigées), mais avec Paul Dano dedans, ça change tout. Au reste, le film est complètement écrasé par le numéro de Daniel Day Lewis, omniprésent d'un bout à l'autre. Et la scène finale, grotesquement théâtrale, me semble gâcher l'ensemble...
Presque tous les sites thématiques sur le cinéma en français lui consacrent désormais une notice (il suffit de le googliser). Quant à son groupe, Mook, il s'écoute notamment sur www.reverbnation.com/mook. Il chante (très bien) et joue de la guitare.
Paul Dano est grand ! C'est l'échalas du cinéma.

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La Naissance des pieuvres

 

Naissance-des-pieuvres6.jpgJ'ai enfin pu voir La Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, premier long métrage d'une jeune réalisatrice sur lequel ma presse préférée s'était enthousiasmée durant l'été. C'est un très beau film. Ce que j'en écris ci-dessous est assez analytique, avec des mots peut-être trop précis et des considérations qu'il aurait fallu développer. J'ai peur aussi d'avoir exagéré la dimension intellectuelle d'un film qui peut parfaitement se laisser voir comme une histoire d'adolescence, avec ses rebondissements, son intérêt narratif. Ce n'est sans doute pas l'idéal pour donner envie d'aller le voir. À vous de juger...
Cela se passe dans un coin de France plutôt urbain, dont l'ancrage topographique est réduit au strict minimum, suivant un principe hérité du théâtre : une piscine, deux piaules de fille, un parking souterrain, et quelques bouts de trajets. Ce qui pourrait apparaître comme la marque d'un film fauché renvoie en fait à un projet artistique fort. Naissance des pieuvres est une épure, qui montre quelques relations adolescentes et essaie de suggérer comment des pressions sociales invisibles pèsent sur les choix des personnages et les enferment dans des rôles qui leur interdisent, euh, on va dire le bonheur. Épure aussi parce que plus les protagonistes sont importants dans l'histoire et moins l'on en sait sur leur environnement (familial, social...).
 
Naissance-des-pieuvres5.jpgAu centre, Marie (Pauline Acquart), un faux air de Charlotte Gainsbourg période La Petite Voleuse, poitrine de limande (ça a son importance dans l'histoire), des manières de chat sauvage. Le film semble commencer sous des auspices  extrêmement balisées : une démonstration de natation synchronisée lors d'une fête de fin d'année. Les corps sont apprêtés, uniformisés, les visages maquillés, les expressions faciales grimacées. Un ordre règne, métaphore extrême de règles sociales plus globales. Mais celles-là, le film ne les prendra jamais de face, comme pour mieux indiquer leur règne implacable (mais implicite). C'est un monde temporairement féminin, soumis à une stricte division des sexes, réunissant des filles de tous âges dans une exhibition de grâce dont la caméra semble traquer les artifices.
Marie est là dans les gradins, spectatrice et sans apprêts. Une fille nature. Quand l'équipe des championnes commence son numéro, le spectacle devient un choc pour elle. De quelle nature, on mettra du temps à le savoir. De même qu'on ne sait pas alors comment elle s'appelle et il se passera encore du temps (de film) avant qu'on le sache. En revanche, comme un message subliminal, c'est un autre prénom qui tôt émerge : Floriane (Adèle Haenel), capitaine de l'équipe.
Naissance-des-pieuvres3.jpgIl n'y a pas de vie scolaire, il n'y a pas de familles, il y a juste une fin de printemps ou un début d'été que l'on devine, une tombée de saison. Mais là-dessus aussi planera jusqu'au bout une incertitude. Seule Marie circule, souvent à vélo, entre sa chambre et la maison de sa copine Anne (Louise Blachère), une fille enrobée, mal dans sa peau, et qu'on a vue dès les premiers plans au milieu de petites filles, comme déclassée à son corps défendant.
Marie veut à toutes forces s'introduire dans le monde sous-marin (matriciel ?) de la natation synchronisée. C'est un désir violent où tous les moyens sont bons et le prix à payer hors de compte, une pulsion. La caméra de Céline Sciamma filme cette fascination et ce désir du dehors. Mais cette extériorité du regard suggère que Marie elle-même est soumise à un élan qu'elle n'intellectualise pas. Elle agit en suivant une impulsion, une intuition, sans inhibition. Elle harponne Floriane pour l'implorer de la "faire rentrer". Elle lui demande d'être celle qui lui fait accéder à cet intérieur qu'elle veut investir.
Le pacte est loin d'être évident. Un abîme sépare les deux filles. Le groupe féminin de natation synchronisée côtoie son homologue masculin : les garçons du water polo, avec leurs rites de virilité, vus de loin. Floriane est supposée être l'affranchie, voire la "salope", la fille du régiment. Ce doit être son rôle et elle déploie beaucoup de zèle à s'y conformer. Devant ce spectacle des mœurs, où l'excès est une autre façon de se soumettre à la norme, Marie est celle qui observe en retrait, de plus en plus furieuse. Ça ne passera pas par elle. Elle fait éclater les supercheries en les envoyant balader.
Céline Sciamma a elle-même évoqué Fücking Åmål (1998), le film libérateur de Lukas Moodysson. Pourtant, l'intimité grandissante entre Marie et Floriane (que je n'éventerai pas ici) n'a rien à voir avec ce que racontait le cinéaste suédois. Ici, tout est dans la suggestion, les sentiments ambigus, entremêlés. Il n'y a pas de lutte contre des adversaires. L'adversité, elle est dans la tête des héroïnes. Et il n'y a aucun romantisme complaisant de la part de la cinéaste. À aucun moment il n'y aura d'effet compassionnel à destination du spectateur. Les sentiments sont là, à fleur de peau, mais ils ne nous sont pas donnés en pâture. Les images de piscine sont splendides, qui jouent sur le contraste entre le bleu des bassins, des chorégraphies, et la froideur blanche des vestiaires, ces coulisses borgnes où se révèle crûment la vérité de la trahison et la mécanique des mœurs obligatoires. Mais rien de tout cela n'est filmé pour créer de l'empathie à bon compte.
Naissance-des-pieuvres2.jpgBien entendu, le personnage de Marie surnage. C'est un peu forcé, comme double de la réalisatrice et comme figure rebelle. Mais Pauline Acquart y est pour beaucoup, car elle habite formidablement Marie et sa gamme de nuances rend bien des services au personnage dans ses détours, ses hésitations, son intelligence clairvoyante, son début de maturité. Ses deux partenaires sont elles aussi très crédibles, Adèle Haenel en affranchie de façade qui dissimule mal combien elle est seule et paumée, et Louise Blachère en "grosse" névrosée et puérile (mais non dénuée de lucidité), qui s'affranchit finalement de la commisération (je vous conseille le commentaire d'Anne ci-dessous, très juste, sur l'actrice et son personnage). Voilà un trio de jeunes actrices dans des compositions très naturalistes, tout à fait admirables dans ce registre.
N'ayant vu le film qu'une fois, je n'ai pas eu le temps de m'attarder sur les choix cinématographiques et formels. J'ai mis l'accent sur ce qui me revenait le plus immédiatement à la mémoire. C'est bien évidemment un très beau film sur le féminin et l'adolescence, avec un regard pudique. Ce serait néanmoins le réduire que de l'enfermer dans ces dimensions, qui ne sont qu'une partie de ce que La Naissance des pieuvres suscite.
Une belle promesse pour l'avenir, et ma reconnaissance à Céline Sciamma.

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« Les chansons d’amour » de Christophe Honoré

Synopsis

Chansons-d-amour1.jpgIsmaël (Louis Garrel) et Julie (Ludivine Sagnier) sont en couple depuis huit ans. Quand le film commence, ils forment un drôle de ménage à trois avec Alice (Clothilde Hesme), collaboratrice d’Ismaël à la rédaction d’un journal en ligne. Cette situation n’est pas sans créer des tensions entre les deux amants réguliers. Julie voit régulièrement ses sœurs Jeanne (Chiara Mastroianni), Jasmine (Alice Butaud) et ses parents (interprétés par Brigitte Rouän et Jean-Marie Winling), qui habitent un confortable appartement dans le quartier de la Bastille. Ismaël est un peu la vedette de ce cocon protecteur, ce qui n’est pas sans agacer Julie.
À l’occasion d’un concert, Julie fait un malaise et décède brutalement. La vie de l’ensemble des protagonistes s’en trouve bouleversée. Ismaël plonge dans la dépression, Alice a trouvé refuge dans les bras de Gwenaël (Yannick Rénier), tandis que le reste de la famille de Julie essaie, un peu en vain, de maintenir un lien avec l’homme blessé. Pour échapper à Jeanne, qui campe chez lui, Ismaël est logé un soir chez Gwenaël et rencontre son petit frère Erwann (Grégoire Leprince-Ringuet), un lycéen « beau, jeune et breton/ [qui] sent la pluie, l’océan et les crêpes au citron ». Erwann tombe immédiatement amoureux d’Ismaël, mais celui-ci ne semble pas spécialement enclin à accepter cette aventure d’un genre nouveau…

 

Commentaires

Chansons-d-amour2.jpgCette première comédie musicale de Christophe Honoré est une pierre de plus dans la célébration de Paris. Plus qu’à Jacques Demy, on pense à Jeanne et le garçon formidable d’O. Ducastel et J. Martineau. Le film s’ouvre par un prologue musical captant des images essentiellement nocturnes de la capitale, se saisissant de visages anonymes dans une ambiance orange, marquée par l’éclairage urbain. La B.O. a été confiée à Alex Beaupain, auteur des musiques, mais aussi de presque toutes les paroles des chansons. Parmi les musiciens ayant participé à l’enregistrement figure François Poggio, le brillant guitariste de Florent Marchet. L’ensemble est assez séduisant, y compris la prestation d’Alex Beaupain en chanteur lors de la scène du concert.
Chansons-d-amour9.jpg Dans ce film qui ne dissimule pas les conventions de la comédie musicale, la mayonnaise met un certain temps à prendre. La première partie (la vie à trois) comporte des moments assez drôles, mais elle est un peu poussive. La deuxième (le deuil) a quelque chose d’assez abstrait. Ce n’est qu’avec le surgissement de Grégoire Leprince-Ringuet que le film trouve son rythme. Le cinéaste ne l’a pas arrangé, lui imposant une coiffure grotesque, des fringues ridicules et un pétard en guise de brushing. C’était sans doute pour offrir à son jeune pur-sang une course à handicap. De fait, le numéro de comédien est éblouissant, tant le jeune acteur arrive à porter plusieurs registres à la fois : la naïveté, le désir, le don de soi, un zeste de roublardise, etc. Il était déjà excellent dans Les Égarés d’André Téchiné. Ici, il est le soleil du film. Dans une interview, le cinéaste-écrivain a expliqué que le rôle d’Erwann était une réminiscence de sa montée à la capitale, quand il avait (à peu près) l’âge de son personnage. Ceci éclaire sans doute tout ce qu’il y a de vibrant en Erwann. Le choix d’un acteur qui joue excellemment et chante très bien (il a fait partie de la maîtrise de Radio France quand il était gamin) fait partie de la réussite crescendo du film.
chansons-d-amour2.jpgLe climax de l'oeuvre est atteint lors d’une scène particulièrement sensuelle et tendre entre Louis Garrel et Grégoire Leprince-Ringuet. Rares sont les cinéastes à avoir réussi à montrer l’amour au masculin sous une forme aussi délicate, alors même qu’il s’agit aussi d’une scène de comédie musicale. Il faut d’ailleurs rendre hommage aux acteurs, qui ne se sont pas contentés de « faire leur job ». Quand on se souvient de Heath Ledger dans Brokeback Mountain ou de Jérémie Elkaïm dans Presque rien, on pourrait penser que les acteurs ont parfois du mal à être totalement crédibles dans une scène gay. Ici, preuve est faite du contraire.
Que dire d’autre ? On traverse sans cesse des rues parisiennes hors des passages piétons. On fume frénétiquement. On lit des livres des éditions de l’olivier (qui publient les romans pour adultes de Christophe Honoré). On se moque doucement de la moyenne bourgeoisie, du cinéaste, des bien-pensances contemporaines, mais sans jamais appuyer. De toute évidence, le parti-pris de la légèreté et de la simplicité fait du bien au cinéma de Christophe Honoré, qui en ressort grandi et dégrossi. Et la voix simple et envoutante de Grégoire Leprince-Ringuet...

 

Vaticinations

Chansons-d-amour13.jpgLa carrière déjà prolifique de Christophe Honoré semble se tourner de plus en plus vers le cinéma, délaissant partiellement la littérature, même si cette inflexion n’est pas encore tout à fait convaincante. Fêté par les uns, ignoré par les autres, son cinquième long métrage, Les Chansons d’amour,est sans doute ce qu’il a fait de plus « grand public » jusqu’à maintenant. Tout contre Léo n’a pas eu une grande diffusion, Dix-sept fois Cécile Cassard est une œuvre brouillonne et peu amène, Ma Mère une réussite esthétique au risque de la suffocation, et Dans Paris un film âpre et assez dur. Si Honoré-le cinéaste n’a cessé de se bonifier, il a connu un moment thématique très sombre, aussi bien dans ses livres (La Douceur, Scarborough) que dans ses films (Ma Mère, Dans Paris), à telle enseigne que je me demandais ce qu’il cherchait à exprimer dans cette veine nourrie de Sade et de Bataille. En outre, son dernier texte pour adulte, Le livre pour enfants, est écrit à la diable, dans une langue assez plate.
Chansons-d-amour3.jpgMalgré ses limites, Les Chansons d’amour est plutôt une bonne surprise. Un parallèle me vient assez facilement avec François Ozon, même si ce dernier me semble un artiste nettement plus accompli : à un certain moment de leur trajectoire, ces deux auteurs trentenaires ont voulu sortir de leur image de gay parfaitement assumé pour traiter de thèmes qui ne les concernaient pas directement. Le résultat fut maniériste, sophistiqué et un peu vain. François Ozon s’est à mon avis retrouvé avec Le Temps qui reste, film majeur qui parle de la mort imminente comme personne n’avait su le faire, avec pour la première fois depuis longtemps un personnage central homo. Christophe Honoré trouve une accroche humaine plus juste avec un film ô combien codé — puisque c’est une comédie musicale — dès lors qu’il évoque une relation d’amour entre deux garçons.
Chansons-d-amour6.jpgN’importe qui pourra objecter que ma vision est entièrement subjective et que mon regain d’adhésion tient au fait que je m’identifie plus facilement. Pourtant, je n’ai jamais eu de problèmes avec des cinéastes complètement hétéros comme par exemple Ingmar Bergman, Kira Mouratova, Jean Eustache, Satiajit Ray ou Arnaud Desplechin, voire avec les films hétéros de cinéastes ambigus, comme Le lieu du crime d’André Téchiné, L’Empire des sens de Nagisa Oshima ou Le Messager de Joseph Losey. Par voie de conséquence, je doute de la pertinence de l’objection. J’ai tendance à penser que certains auteurs ne sont tout bonnement pas convaincants quand ils s’adonnent à un pur exercice de style détaché de leur sensibilité. Après tout, se donner des contraintes n’est pas forcément bénéfique. Cela peut au contraire conduire dans des impasses, sauf à ne considérer que la performance en elle-même, et non le film dans son plein déploiement.

 

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Quelques DVD plus ou moins gay et visibles pour des ados 3

J'ai fait ce travail pour des lecteurs adolescents et pour leurs parents.
Pour réaliser la liste ci-dessous, il m'a fallu tenir compte des autorisations légales et de plusieurs critères de choix. J'ai mis une note allant entre o (mauvais) et ***** (très grand chef d'oeuvre). Pour l'instant n'y figurent que des films que j'aime. Voici ceux interdits au moins de 16 ans. On trouvera ailleurs les films tous publics et ceux interdits aux moins de 12 ans.

 

DVD à contenu gay & lesbien pouvant être vus par des adolescents
Films classés « interdit au moins de 16 ans »

boys-don-t-cry.jpg Boys Don’t Cry (1999)
de Kimberly Peirce (USA) 
Avec Hilary Swank (Teena Brandon), Chloë Sevigny (Lana) et Peter Sarsgaard
« Teena Brandon a 20 ans. Victime d'une crise d'identité sexuelle, Teena a toujours voulu être un garçon. Elle décide un jour d'abandonner son passé et débarque à Falls City, sous l'apparence de "Brandon", un jeune homme aux cheveux courts. Très vite adopté par la communauté de jeunes du coin, "Brandon" tombe amoureux de Lana, et de cette nouvelle vie à laquelle ses amis l'aident à croire enfin...Inspiré d'une histoire vraie, un film poignant et bouleversant où l'actrice Hilary Swank incarne remarquablement un personnage au destin tragique. Oscar 2000 de la meilleure actrice. » (jaquette du DVD)
Surtout fêté pour la performance des acteurs, Boys Don’t Cry est un film qui joue avec les limites : de la violence supportable, de la bêtise imaginable, de la noirceur de la vie. Rarement l’Amérique des paumés a été montrée avec une telle froideur. En un certain sens, le caractère tragique du film fonctionne bien, et le spectateur assiste, impuissant, au sacrifice expiatoire d’un être venu d’une autre planète, et tellement désireux de se laisser piétiner. Ça fait assez froid dans le dos. Demeure un sentiment irrécusable d’excès, comme si la corde du pathos résonnait parfois trop fort.
 
 
 
Vincent-Branchet-F-est-un-salaud1.jpgF. est un salaud (1998)
de Marcel Gisler (Suisse)
Avec Vincent Branchet (Béni), Frédéric Andrau (Foggi) et Urs Peter Halter
« Beni tombe amoureux de Fogi, leader et chanteur d'un groupe de rock. L'attitude rebelle de Fogi favorise le désir de liberté de Beni et lui donne la force de vivre hors du milieu social dont il est issu. Il se dévoue corps et âme à son amant à tel point qu'il n'arrive plus à réaliser quel homme est vraiment Fogi. »
Vincent-Branchet-02.jpgCe film raconte la rencontre entre un post-ado naïf (Béni) et un chanteur de rock sombre et brutal (Fogi), à une époque qui pourrait être la fin des années 70 ou le début des années 80. Très vite, Béni s'offre à Fogi, qu'il sait être gay, sans que l'on sache s'il le fait par simple admiration de fan ou par inclination profonde. Leur histoire est celle d'un double enfermement : du chanteur dans une spirale d'autodestruction, de son amant transi dans la dévotion et l'acceptation des tendances dominatrices de son idole. Le film, réussi dans son projet, rebutera qui n'est pas fasciné par l'univers sombre de Fogi (drogues, pulsion de mort, violence). De très belles scènes, parfois à la limite du supportable. L'ensemble est complètement dominé par la figure de Béni, excellemment joué par Vincent Branchet, qui réussit à rendre sensible toutes les contradictions et l'évolution de son personnage. L'interview de l'acteur, en bonus, est extrêmement touchante.
 
 
Paul-Dano-LIE3.jpg
Paul Dano dans Long Island Expressway
L.I.E. (Long Island Expressway) (2003)
de Michael Cuesta (USA)
Avec Paul Dano (Howie blitzer), Brian Cox (big John) et Billy Kay (Gary)
Paul-Dano-LIE2.jpg« A quinze ans, Howie vit une adolescence difficile entre l'absence de sa mère et un père escroc et égocentrique. Pour tromper son ennui, il s'amuse à cambrioler des maisons à Long Island avec des copains aussi paumés que lui. Lors d'un vol avec son meilleur ami Gary, sa route va croiser celle de Big John, un homme étrange d'une cinquantaine d'années, qui semble entretenir une relation ambiguë avec Gary. Howie, intrigué, va partir à la découverte du personnage au risque de se perdre. Grand prix du jury Deauville 2002 »
Ce film est un pur chef d'oeuvre, de délicatesse, de style, de subtilité. Tout est déjà dans le titre abrégé, to lie (mentir), car ce que Howie affronte, autant chez les adultes que chez ses amis, c'est le mensonge et la trahison. D'après moi, c'est là le vrai sujet de cette histoire. Howie a aussi à se découvrir lui-même: orphelin, lâché par son père, mais incroyablement smart et lettré, l'adolescent semble tâtonner dans la définition de son identité sexuelle. L'auteur manie l'ellipse avec une intelligence rare sur ce thème, ainsi que pour traiter un sujet éminemment casse-gueule : la relation d'amitié entre un adolescent paumé, déçu par les mensonges et les abandons de ses proches, et un quinquagénaire pédophile. Toute la réussite de Michael Cuesta tient à son refus d'un traitement complaisant ou dramatisant de ce sujet, sulfureux entre tous. Je tiens à préciser qu'il n'y absolument aucune scène choquante et que l'interdiction au moins de 16 ans me semble hors de proportions. La B.O., sensationnelle, donne un tempo syncopé à cette histoire douce-amère. Les acteurs sont remarquables, tout particulièrement Paul Dano, dans le rôle d'Howie, qu'on a revu depuis dans The King de James Marsh et Little Miss Sunshine et Brian Cox.

 
 
my-own-private-Idaho.jpgMy Own Private Idaho (1990)
de Gus Van Sant (USA) 
Avec River Phoenix (Mike) et Keanu Reeves (Scott)
Scott et Mike sont prostitués et amis. Mais si Scott, dont le père est très riche et qu'il déteste, peut espérer un autre avenir, Mike, quant à lui, traqué par ses souvenirs, sombre dans des crises de narcolepsie. Il est, en outre, secrètement amoureux de son compagnon. Ils voyagent à travers les Etats-Unis, à la recherche de la mère de Mike. Puis, au cours d'un voyage en Italie, Scott tombe amoureux de Carmella et abandonne son compagnon d’errance.
D’après moi, My Own Private Idaho est le film le plus réussi de la carrière de Gus Van Sant, même si c’est plus tard qu’il a reçu une consécration publique. On y retrouve le regretté River Phoenix, étoile filante du cinéma américain, dans un rôle de composition époustouflant. À la différence des récents opus du cinéaste, ce n’est pas un film centré sur une idée unique. Les scènes de théâtre (shakespearien) alternent avec le road movie et les moments d’onirisme. Loin des métaphores totalitaires d’Elephant, des ressassements de Last days ou de l’absurde de Gerry, My Own Private Idaho offre un tout autre cinéma, moins conceptuel, ouvert de tous côtés à diverses brises marines.
 
 
 
Mysterious Skin (2005) mysterious-skin.jpg
de Gregg Araki (Etats-Unis)
Avec Joseph Gordon-Levitt (Neil), Brady Corbet (Brian) et Michelle Trachtenberg
« A huit ans, Brian Lackey se réveille dans la cave de sa maison, le nez en sang, sans aucune idée de ce qui a pu lui arriver. Sa vie change complètement après cet incident : peur du noir, cauchemars, évanouissements... Dix ans plus tard, il est certain d'avoir été enlevé par des extraterrestres et pense que seul Neil Mc Cormick pourrait avoir la clé de l'énigme. Ce dernier est un outsider à la beauté du diable, une petite frappe dont tout le monde tombe amoureux mais qui ne s'attache à personne. Il regrette encore la relation qu'il avait établie avec son coach de baseball quand il avait huit ans. Brian tente de retrouver Neil pour dénouer le mystère qui les empêche de vivre. »
Sur ce film, il a été dit beaucoup de choses. La plus injuste me semble être de l'avoir taxé de "complaisant" envers la pédophilie, ou de noyer son sujet sous un esthétisme de clip. Fidèle à une tradition très anglosaxonne, Gregg Araki a fait un film « behavioriste », c'est-à-dire qu'on ne rentre pas dans la psychologie des personnages, on se contente de les voit agir. Or, il y a encore des gens bien intentionnés pour penser que la seule solution serait de construire ce film comme un procès contre l'affreux entraineur de base ball. Il en est plus encore pour trouver scandaleux le choix d'un personnage d'enfant qui a accepté ce que lui offrait le pédophile. Or, précisément, il me semble que le film d'Araki tend à indiquer à quel point le trauma vécu par Neil (qui se prostitue et fout sa vie en l'air comme un suicide à répétition) est au moins aussi terrible que celui de Brian (qui a « oublié » le viol et s'est cru enlevé par des extraterrestres). En somme, ce que démystifie le cinéaste, c'est le mythe de l'enfant candide et pur. Mais Neil n'est absolument pas acteur de son enfance, il l'a vécue comme un enfant gâté, abandonné à lui-même par sa mère et soumis aux manipulations d'un pervers déguisé en monsieur-tout-le-monde et papa de substitution. Et le pari très difficile du cinéaste est de nous faire assister à ce débauchage sur le fil du rasoir, à cette hypnose des paquets de corn-flakes. En ce sens, il rend beaucoup plus efficace la déconstruction de la pédophilie en évitant l'écueil de la monstruosité à deux balles. On en ressort avec un dégoût profond, pas pour le film, qui est un chef d'oeuvre, mais pour ce gachis de vies, même si la fin est d'une rare élégance. Steve Gordon-Levitt est sublime dans le rôle de Neil adolescent.
 
 
Je rajouterais un film classé « tous publics » de façon tout à fait curieuse, compte tenu de sa thématique et de la crudité de certaines scènes :
Another Gay Movie (2006)
de Todd Stephens
Avec Michael Carbonaro (Andy Wilson), Jonah Blechman (Nico), Jonathan Chase (Jarod) et Mitch Morris (Griff)

« Quatre lycéens gays prennent le pari de perdre leur virginité avant la fin de l'été, synonyme pour eux de rentrée universitaire. Mais le chemin vers la jouissance ne sera pas de tout repos. »
Ce film, à mi-chemin entre la pochade queer et le pur film de genre (le teen movie), est assez drôle, notamment par ses innombrables parodies de scènes d'autres films (ainsi l'évanouissement de Griff regardant dans son slip est un clin d'oeil à une scène de Stand By Me). La plupart des personnages renvoient à un stéréotype : Nico la folle hystérique, Jarod le sportif propre sur lui, Griff le bon élève, Muffler la lesbienne über-masculine, etc. Quant à Andy le seul dont la vie familiale joue un rôle important ses expérimentations « anales » sont l'occasion d'un déluge de situations qui vont du comique de situation au pipi-caca-prout le plus hardcore.
C'est d'un mauvais goût jubilatoire et sans aucune prétention. Le côté artisanal (pour ne pas dire fauché) se sent souvent. L'ensemble est un peu (trop) désarticulé et foutraque, mais dégage une énergie digne des meilleures séries télés américaines de ces dernières années (genre Desperate Housewives et Ugly Betty). Pas la peine d'y rechercher en revanche une recherche artistique.

À venir :
 
Odete (2005) de João Pedro Rodrigues
Tarnation (2005) de Jonathan Caouette

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