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Que de silence ?

Je me suis rendu compte tout à l'heure que je n'avais rien publié sur ce blog depuis le 9 septembre 2010... Autant je ne me sens obligé à rien, autant je suis bien conscient des effets délétères de ce mutisme : over-blog inonde mes pages de publicité indésirable dès que je laisse les choses trop longtemps en l'état, faire une visite doit être très décevant à la longue, etc.

Je n'ai pas envie de rentrer dans des détails ni des justifications. Disons seulement que le travail de suivi du site C'est comme ça pompe l'essentiel de mon temps libre, notamment en accompagnement d'adolescent-e-s, avec lesquel-le-s nous avons une importante correspondance. Et quand je rédige une notice de livre, je ne la republie pas ici. Nous commençons aussi à voir affluer des demandes de journalistes pour des interviews sur le sujet des adolescents homosexuels. C'est plutôt bon signe !

Bref, une activité chasse l'autre... Cela n'a rien de fatal pour autant et la critique littéraire me manque. Je n'ai simplement pas le désir de m'en tenir à des listes ou à des analyses sommaires. Vous parler de Sommeil des Dieux d'Erwin Mortier (que j'ai lu) nécessiterait du temps et sans doute des relectures. Le livre aurait en tout cas toute sa place sur ce blog... La liste des romans candidats ne cesse de s'allonger, alimentant ma paresse.

Je peux déjà vous renvoyer à ce que j'ai écrit sur un roman jeunesse récent de Cathy Ytak ou le roman autobiographique de Claude Arnaud. Il n'est pas dit que ces lectures ne trouveront pas de rebond ici, plus tard... Mais j'ai une masse énorme à écrire pour mon travail au préalable, et c'est assez prioritaire.

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"Un jour cette douleur te servira" adapté au cinéma

Toby-Regbo-1.jpgJ'ai lu aujourd'hui sur l'excellent site Band of Thebes (au 29 mai 2010) qu'une adaptation cinématographique de Someday, This Pain Will Be Useful To You (Un jour cette douleur te servira) de Peter Cameron était prévue, dirigée par le cinéaste italien Roberto Faenza (tournage cet été). Dans le rôle de James Sveck, un acteur britannique de 18 ans dont je n'avais encore jamais entendu parler, Toby Regbo, qui paraît-il joue le rôle de Dumbeldore jeune dans l'adaptation de Harry Potter et les reliques de la mort. Ce garçon est fort mignon. J'espère qu'il est aussi bon acteur...

 

Roberto-Faenza2.jpgJe n'ai jamais entendu parler du réalisateur non plus (il faut dire que les films italiens distribués en France ces dernières années sont rares, et souvent très médiocres). C'est en allant sur IMDb que j'ai découvert que Roberto Faenza avait une filmographie riche de 14 titres depuis 1968 et qu'il était universitaire par ailleurs (est-ce de bon augure ?). Faut-il imaginer une version "internationale chic" de ce livre tellement new-yorkais (aïe!), ou quelque chose de plus personnel, et éventuellement biscornu, comme Michel Blanc relisant Une petite zone de turbulences d'après le so british Mark Haddon ?

 

En tout état de cause, et comme d'habitude, je demande à voir... C'est devenu un passage obligé que de passer les livres à la moulinette du cinéma. Pourtant, le taux de réussite n'est pas très élevé dans cet exercice, souvent laborieux. On pourra toujours arguer que cela donnera une audience nouvelle au superbe livre de Peter Cameron. Voire?

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C'est comme ça

Depuis aujourd'hui est lancé le site C'est comme ça. Je ne vais pas me perdre en commentaires. L'idée, c'est d'apporter un soutien à tous les jeunes LGBT qui se sentent isolés, rejetés, sans repères, et de fournir une information aussi large que possible à un public adolescent "autour" de 15 ans (la fourchette peut être large).  Si d'aventure vous trouvez le projet intéressant ou si vous connaissez des adolescent-e-s que ce site pourrait intéresser ou aider, n'hésitez pas à transmettre l'information. Le communiqué de presse de SOS homophobie reprend pour bonne part un texte d'intention rédigé préalablement. Ce dernier est un peu écrit en "universitaire", mais il est assez fidèle à l'intention et à la somme de lectures, réflexions, échanges qui ont présidé à notre travail. Je l'ai publié ici à ce titre.

Sur le présent blog, effort d'une seule personne, c'est l'occasion pour moi de répéter tout le prix du travail collectif. Ce qui a été réalisé sur le site C'est comme ça, aucun individu ne saurait le réaliser seul. C'est la synergie de sensibilités différentes, le lent travail d'élaboration à plusieurs, les corrections réciproques, qui font le prix du résultat final. Et puis il y a un autre aspect, non négligeable : on se sent tellement moins seul ainsi ! Notre époque met tellement en avant les individus qu'elle en finit par oublier combien un projet s'enrichit et gagne en cohérence quand il est le fruit d'une élaboration collective. Pas la peine d'en rajouter.

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De retour

Après dix mois de silence (ou presque), j'espère pouvoir consacrer davantage de temps à ce blog. L'une des raisons principales de mon mutisme est que j'étais occupé à un autre projet, collectif, et dont je parlerai bientôt. C'était ma priorité. Les choses prenant enfin tournure, j'aurai davantage de temps libre (?).

Bien sûr, je suis désolé pour toutes ces visites dont vous êtes revenu-e-s bredouilles. Mais il faut quand même replacer les choses dans leur contexte : toute cette activité, offerte à titre grâcieux, dévore énormément de mon temps libre. Les posts de ces derniers mois me demandaient toujours davantage de travail : relectures multiples (des livres chroniqués), réécritures (incessantes), exigences sans cesse accrues... Il est arrivé un moment où mener cette activité en parallèle avec ma vie de famille, mon travail, mes activités militantes, etc., est devenu presque impossible. En plus, je ne pouvais plus lire un livre sans me préoccuper de ce que j'allais en dire, au risque de perdre le plaisir simple de l'activité de lecture elle-même. 

 

Peck SproutA l'été dernier, j'ai lu un nombre important de romans pour la jeunesse à thématique gay en anglais, dont certains auraient incontestablement leur place ici. Je pense en particulier au merveilleux Sprout de Dale Peck et à l'hilarant The Screwed-up Life of Charlie the Second de Drew Ferguson.  Et puis il y a l'autre choc de ce s derniers mois, ferguson1.jpgle roman Lake Overturn de Vestal MacIntyre, découvert grâce au site Band of Thebes (qui est une véritable mine pour moi). Ce roman, dans la lignée de Dos Passos, est un monument. Mais le problème crucial, quand vient le moment de rédiger un texte sur un livre de ce genre, ce sont mes exigences toujours plus dévorantes, par rapport à ce que je vais écrire et à la précision des analyses, qui m'intime au minimum de relire.  Avec le temps, c'est devenu presque aussi contraignant que mon activité de lecteur/critique professionnel (ce qui est un peu normal, d'un autre côté).

McIntyre lake overturn

Il y en aurait tant d'autres romans à évoquer, lus entre juillet et mars dernier, parfois encore très présents, parfois déjà tout brumeux dans ma mémoire. Il faut dire qu'ils ne présentent pas tous le même intérêt. J'ai néanmoins référencé tout ce que je pouvais dans la page qui fait l'inventaire des romans LGBT en anglais pour la jeunesse. Je ne promets rien, question recension. Les voici par ordre alphabétique :

 

Nick Burd, The Vast Fields of Ordinary. New York: Dial Books, 2009.

Michael Thomas Ford, Suicide Notes. New York: Harper teen, 2008.

Rigoberto Gonzalez, The Mariposa Club. New York: Alyson Books, 2009.

Michael Harmon, The Last exit to Normal. New York: Alfred A. Knopf, 2008.

Blair Mastbaum, Clay's Way. Los Angeles: Alyson Books, 2004.

Walter G. Meyer, Rounding Third. MaxM Ltd, 2009.

Frank Mosca, All-American Boys. Boston, Alyson publications, 1983.

Frank Anthony Polito, Band Fags! New York, Kensington Books, 2008.

P.E. Ryan, In Mike We Trust. New York: Harper teen, 2008.

Emily Wing Smith, The Way He Lived. Woodbury: Flux, 2008.

William Taylor, The Blue Lawn. Auckland: Harper and Collins New Zealand, 1994.

William Taylor, Pebble in a Pool. Los Angeles: Alyson Books, 2003.

Diana Wieler, Bad Boy.Toronto: Douglas & McIntyre, 1989.

Martin Wilson, What They Always Tell Us. New York: Delacorte Press, 2008.

 

Ce sera tout pour aujourd'hui, mais ce n'est pas faute d'avoir d'autres sujets à évoquer...

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En mai : Dream Boy version filmée, Le Jardin d'acclimatation réédité

Navarre-jardin-2009.jpgQuelques informations glanées ici et là. J'ai appris grâce au site Gay Clic qu'une adaptation du roman Dream Boy de Jim Grimsley par James Bolton (Eban & Charley) sortait en DVD le 13  mai. Et j'ai découvert sur Amazon que les éditions H&O allaient republier Le Jardin d'acclimatation d'Yves Navarre (Nota bene ultérieur : cette réédition est finalement parue en octobre 2009), dans leur collection de poche. S'agissant de deux livres que j'aime énormément, je me réjouis qu'une nouvelle chance leur soit donnée. Je ne sais pas si je pousserai l'enthousiasme jusqu'à publier de nouvelles critiques, mais il y a déjà des bricoles sur ce site si on suit le lien ici.

 

Pour les paresseux, je recopie ma présentation de Dream Boy :

« Nathan est un adolescent ballotté de maison en maison par ses parents, fuyant un lourd et pesant secret dont il est la victime. À l'occasion d'un énième déménagement et de son arrivée dans une petite localité piétiste du Sud des États-Unis, il devient le voisin de Roy, jeune homme à peine plus âgé dont il tombe profondément amoureux. Rapidement, l'un et l'autre réalisent leur commune attirance, à cette nuance que Roy peine à assumer pleinement leur passion. Mais les deux garçons doivent affronter la pesanteur des tabous d'une Amérique rurale confite en religion, les ambiguïtés de Roy et le lourd passé de Nathan, poursuivi par un horrible secret familial.

Ce livre de Jim Grimsley, le dernier traduit en français à ce jour, est un délice, sans doute son oeuvre la plus réussie. L'écriture est moins réaliste et plus poétisée que dans les premiers livres traduits de Grimsley. La délicatesse extrême avec laquelle il dépeint les sentiments de Nathan est un pur enchantement, de poésie et de grâce. Il excelle à rendre sensible tous les émois de son personnage principal, à le rendre extrêmement attachant. À aucun moment le livre, malgré son arrière-fond, ne bascule dans la vulgarité ou la facilité. Le chef d'oeuvre que l'on pouvait attendre de Jim Grimsley. »

 

Sur la question de l'adaptation d'un tel livre au cinéma, je voudrais dire deux choses, l'une relative au réalisateur, l'autre à ce que j'ai pu voir du résultat (des petits bouts). J'avais relativement apprécié un film précédent de James Bolton, Eban & Charley, qui se cognait un sujet casse-gueule : une histoire d'amour entre un adolescent de 15 ans et un homme qui en a presque le double (en sachant que le « cas » — on ne peut plus singulier, on dira — contournait la problématique de la pédophilie en mettant en scène un adulte immature et un garçon très mûr). Mais d'un point de vue strictement esthétique, c'était quand même un film limité…

J'attends de voir cette adaptation de Dream Boy avec un brin d'appréhension. Quand on a profondément aimé un livre, on a tendance à exiger une fidélité scrupuleuse d'une adaptation cinématographique. Or c'est un peu un paradoxe, car il n'y a rien à ajouter à un grand livre (et, assurément, c'en est un), et surtout pas une illustration visuelle. L’une des forces du roman est sa peinture extrêmement sensuelle de la nature américaine. Bolton est-il capable de filmer celle-ci  avec la même grâce qu'un John Boorman (Délivrance) ou un Jacob Aaron Estes (Mean Creek) ? Dans le livre, la relation entre Roy et Nathan est très particulière, inégale sur tous les plans (Nathan est une crevette, mais il a un courage qui fait contraste avec la veulerie de son amoureux). Pour ce que j'ai pu en voir, le casting perd complètement le paramètre de l'ascendant physique de Roy. Autre point sensible : le surnaturel joue un rôle trouble (comme dans d'autres romans « sudistes » de Grimsley), tant et si bien que la critique américaine n'a pas aimé la fin très indécise (et étrange) du livre. Pourtant, elle laisse toute sa place à l'imagination du lecteur. Le risque, après cela, est d'avoir édulcoré les contrastes et tout ce qu'il y a de malaisé, bref, ce qui sort le livre de l'ordinaire.

 

Les trois autres livres traduits de Jim Grimsley, Les Oiseaux de l'hiver, L'Enfant des eaux et Confort et joie ont été réédités en poche chez 10-18, mais pas Dream Boy. Est-ce dû à un échec commercial de l’édition grand format ? Ou est-ce parce que les autres se sont mal vendus en poche et que les éditeurs n’ont pas voulu prendre de risque ? Toujours est-il que ce merveilleux roman mériterait de rencontrer de nouveaux lecteurs...

 

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Oranges sanguines, My Side of the story, en bref

Je m'aperçois que je n'ai rien publié sur ce blog depuis un bon mois. Effet rentrée ? C'est possible. Pour un certain temps encore, je suis pris dans une spirale d'activités qui ne me laissent guère le temps de lire pour mon agrément. Quant aux livres que j'avais promis de chroniquer il y a longtemps, si ce n'est pas fait, l'écart temporel est trop important et imposerait une seconde lecture. Mais je n'ai pas renoncé à vous parler de L'amour comme on l'apprend à l'école hôtelière de Jacques Jouet, ni d'écrire davantage sur les trois premiers romans d'Erwin Mortier.
 
J'ai entamé une collaboration avec Sitartmag depuis quelque temps. Ce sera l'occasion pour moi (entre autres) de chroniquer des livres qui n'ont rien (ou peu) à voir avec la thématique gay/lesbienne/bi/trans (LGBT) que j'entends conserver ici. J'espère écrire bientôt pour ce site en ligne un article sur le merveilleux écrivain sud-africain Troy Blacklaws, dont le second roman, Oranges sanguines, vient d'être traduit chez Flammarion, et alors que ressort en poche le premier, Karoo Boy (dans la collection « points roman » des éditions du Seuil). Je mettrai un lien ici quand ce sera publié. Troy Blacklaws puise dans sa jeunesse la matière de romans poétiques qui évoquent l'apartheid dans les années 1970-1980, la mentalité des Boers (descendants des colons néerlandais) vivant dans les régions rurales, le climat dans les écoles pour "blancs", etc. Il y a une sensibilité très vive aux paysages et une façon de raconter assez peu ordinaire. Si vous avez l'occasion de vous les procurer, je vous recommande vraiment Karoo Boy et cette nouvelle variation sur les mêmes thèmes que constitue Oranges sanguines.

Inscrite au cahier des charges aussi, la recension de Tale of Two Summers de Brian Sloan et A Secret Edge de Robin Reardon, lus cet été. Tous les deux ont été publiés dans des collections "young adults" aux USA. Ce ne sont pas de grands livres, même si le second est addictif. J'y reviendrai. Je suis à la moitié de My Side of the Story de Will Davis, roman que m'a recommandé Blandine Longre. C'est un livre extrêmement drôle, pas spécialement facile à lire pour un autodidacte de l'anglais dans mon genre. La motivation pour en parler est plus importante. Et je lis en parallèle l'anthologie de comics, Young Bottoms in Love, réunie par Tim Fish. Malgré un titre évocateur ("bottom" peut se traduire par "passif"), il ne s'agit pas de pornographie, mais d'un florilège dédié à la BD gay, avec des publications régulières. L'inspiration rappelle des homologues européens comme le flamand Tom Bouden (Max & Sven) et Hughes Barthe (Dans la peau d'un jeune homo, Bienvenue dans le Marais) : trajectoires biographiques et peinture sarcastique du « milieu » gay. Du côté de la littérature jeunesse, j'aimerais lire Je n'ai plus dix ans de Thomas Gornet et L'Âge d'ange d'Anne Percin (acquis mais en attente).

Que me reste-t-il à dire ?
Avec plus de 2700 pages vues et plus de 1000 visites, ce mois de septembre atteint un record en termes de fréquentation. Je ne suis pas un obsédé des chiffres, mais c'est un encouragement à continuer. Je préférerais néanmoins travailler à un projet collectif, sous une forme
« site » plutôt que « blog ». Parfois, je m'interroge aussi sur certains voisinages ou hasards de publication. Écrire un texte sur Tony Duvert ici n'avait rien d'évident. J'assume ce choix, mais je sais que ça pourrait choquer certain-e-s.

Depuis le début, j'ai essayé de tenir un certain nombre de règles : pas d'images susceptibles de choquer, pas de pornographie, respect des cadres légaux, délimitation d'une rubrique
«adolescents» pour des visiteurs jeunes. Pour autant, je suis fermement opposé à tous ces prescripteurs qui prétendent édulcorer toute offre en direction de la jeunesse, sous prétexte que celle-ci serait « influençable », et qu'il ne faut lui mettre entre les mains que des ouvrages édifiants. C'est ainsi que l'on produit de la mauvaise littérature à message, des romans de patronage ou de la guimauve. C'est oublier que les lecteurs, même très jeunes, sont justement capables de trier et de faire la différence entre l'imaginaire et la vie. Les pédago-idéologues, qu'ils soient catho-conservateurs ou alter-sexuels, ne font pas la différence entre une œuvre d'art et un prêche. Ils instrumentalisent la lecture sous la férule de leurs certitudes, au risque souvent de ne rien comprendre à un roman qui ne rentre pas dans leur schéma. Ça n'empêchera pas la terre de tourner ni les livres qu'ils vomissent de trouver des lecteurs, mais cela donne souvent envie de leur signifier l'indigence de ce qu'ils écrivent. Dans le cas du site "choisir un livre", je n'ai pas pu m'empêcher d'exhiber au grand jour hypocrisie, niaiseries et nullité critique. Dans d'autres cas, je m'abstiens (parce qu'on ne tire pas sur une ambulance ?). Certains se sont étonnés de ne pas trouver de liens vers des sites assez connus qui parlent de sujets voisins. C'est, dans certains cas, ma facon de refuser ce que je trouve (selon les cas) mauvais, indigent ou malhonnête (dans la mesure de ce que je connais, infime parcelle de ce qui se publie sur internet). En revanche, si lien il y a, c'est que je n'ai pas de réserves à faire valoir.

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Un jour cette douleur te servira, de Peter Cameron (mise au point)

En janvier, j'ai posté un blog sur un roman que j'avais lu en anglais (Someday, This Pain Will Be Useful To You de Peter Cameron) et beaucoup aimé. J'ai découvert hier de façon tout à fait incidente que le livre avait été traduit depuis en français, aux éditions Rivages, par Suzanne Mayoux (déjà à l'oeuvre sur les quatre romans précédemment parus en français). En revanche, l'information était pour le moins fluctuante au départ : sur le site de l'éditeur, le livre s'appelait Le Garçon entortillé ; sur certains sites de vente en ligne, c'est un titre plus conforme à l'original, Un jour cette douleur te servira, mais avec une date de parution en mars 2008 !

En fait, il semblerait (après moults recoupements) que le livre est sorti le 14 mai, en définitive, et qu'il s'intitule effectivement
Un jour cette douleur te servira. Il est donc disponible depuis une quinzaine de jours, et l'on trouve déjà quelques commentaires. Une chose totalement aberrante circule, inspirée par la prière d'insérer, qui affirme : « le dernier roman de Peter Cameron offre une version moderne et urbaine de ce que l’on appelle le roman d’éducation ». Eh bien, je le dis tout net, voilà une étiquette qui ne va pas du tout !  Ce roman n'a rien à voir avec ce qu'on entend par Bildungsroman (un genre très connoté) et l'on ne saurait dire que l'histoire nous montre une « éducation » ou un « apprentissage » quelconques ! En plus, la durée des événements racontés (même pas un été) ne permettrait pas de figurer quelque chose de ce genre...

Bref, encore une idée bêta qui va ressortir à toutes les sauces. Pareil pour la sempiternelle comparaison avec L'Attrappe-coeurs de Joseph Salinger. Pourquoi faut-il que l'on s'accroche toujours aux mêmes stéréotypes, au lieu de rechercher ce qui fait la musique singulière d'un livre ?

 

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Journée mondiale contre l'homophobie

Aujourd'hui a lieu la journée mondiale contre l'homophobie. A cette occasion, SOS-homophobie publie son rapport annuel 2008 (qui concerne l'année 2007), assorti d'une synthèse d'une exceptionnelle Enquête sur la lesbophobie, qui a demandé des années de travail. Le Rapport coûte la modique somme de 10 euros et la Synthèse huit. Les acheter, outre le soutien à l'association, c'est se donner les moyens de prendre la mesure de discriminations dont on ne réalise pas toujours l'ampleur. Comme le signalent dans la préface Jacques Lizé et Marion Lemoine (co-présidents de l'association), SOS-h. a encore enregistré plus de 1260 témoignages l'an passé. Et encore ne s'agit-il que de la partie émergée de l'iceberg. On ne sait rien de tous ceux qui n'osent pas témoigner, ou ne savent pas qu'ils peuvent le faire, voire même se reprochent à eux-mêmes d'être lesbienne, gay, trans...

Les témoignages sur la ligne ont une géographie : Île de France, pourtour méditerranéen, Nord-Pas de Calais, métropoles. Elle se calque sur les principaux foyers de peuplement et les principales concentrations urbaines, mais avec toutefois des spécificités socio-culturelles : le midi (tout particulièrement méditerranéen), et les zones déshéritées (le Nord et la Lorraine, les banlieues à problèmes), où les manifestations d'homophobie semblent particulièrement virulentes. Pourtant, on aurait tort de sous-estimer ce qui peut se passer en milieu rural, où le contrôle social et l'impossibilité de l'anonymat compliquent singulièrement les situations, et des formes d'homophobie plus sophistiquée (et moins voyante) que l'on rencontre dans des lieux ou des groupes à priori favorisés (aspect qui échappe malheureusement à l'objectivation).
Le
Rapport enregistre 132 aggressions physiques en 2007 : bousculades, coups, crachats, meurtres... Entre janvier 2002 et janvier 2008, ce sont 14 personnes qui ont été assassinées parce qu'elles étaient homosexuelles. Les auteurs signalent que les victimes sont toujours des hommes, souvent âgés, tandis que les aggresseurs sont presque toujours de jeunes adultes (moins de 26 ans). Seules 7 affaires ont eu des suites judiciaires, 4 sont en cours d'instruction et 3 n'ont eu aucune suite !
Un certain nombre de thèmes et d'univers sociaux sont abordés : commerce, école, famille, justice, lesbophobie, politique, travail, voisinage, etc. Deux domaines me semblent socialement préoccupants : le milieu scolaire, où l'on est loin d'avoir un travail de sensibilisation équivalent à ce qui existe pour le racisme, avec des problèmes multiformes, même si la prise de conscience des adultes (enseignants, administrations) s'est nettement améliorée. Et le monde du travail, où l'homosexualité, supposée ou extorquée, ocasionne des problèmes sans fin de discriminations (refus de promotion, mise au placard, voire pire), harcèlement, etc.

L'Enquête sur la lesbophobie (évoquée dans Libération hier
) se base sur un questionnaire diffusé à la charnière de 2003 et 2004, qui a obtenu près de 1800 réponses et a fait l'objet d'un traitement statistique. La particularité de la lesbophobie est que bien souvent elle s'exprime par un déni de la sexualité lesbienne, notamment de la part d'hommes, convaincus que c'est une affaire d'insatisfaction sexuelle. Cela occasionne des comportements collants, souvent à la limite de la bestialité. Bien souvent, comme le souligne les rédactrices (et le rédacteur) du rapport, la lesbophobie revêt des formes plus sournoises que son corollaire à l'encontre des hommes. "La lesbophobie, empreinte de sexisme, avance rarement à visage découvert, surtout lorsqu'elle provient d'amis ou de la famille", écrivent-elles.  La violence est moins présente, en revanche les préjugés sont terriblement pesants, avec le cortège de clichés, de réflexes de commisération - qui est une forme de mise à distance -, sans parler de répercussions très négatives dans le monde du travail, la santé (gynécologues refusant de soigner des patientes lesbiennes...), la justice (garde d'enfants issus d'un couple hétérosexuel), etc.
De tout cela procèdent souvent un "mal-être", un emmurement dans la solitude, et autres souffrances qui peuvent avoir des conséquences plus ou moins graves. Si les atteintes directes sont moindres que dans l'homophobie visant les gays, les atteintes indirectes ne sont pas moins préoccupantes.
Pour celles et ceux que le sujet intéresse, je recommande aussi le petit livre de Stéphanie Arc, Les lesbiennes, ed. le cavalier bleu, coll. "idées reçues".


Tout ceci n'est pas très amusant, ni très optimiste. Je suis de ceux qui pensent qu'il y a plutôt un mieux continu depuis 1981. Mais on est encore loin de la situation digne d'une démocratie et d'une société éclairées.

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Anachroniques ?

Je n'ai guère le temps de rédiger des posts en ce moment, et j'en suis vraiment désolé. Si tout se passe comme je le souhaite, j'aurai bientôt plus de disponibilité...
 
J'ai fini un gros pavé pour les ados, Absolute Brightness de James Lecesne, il y a déjà une semaine. J'en rendrai compte dès que possible. J'attends avec impatience la sortie de la traduction par Blandine Longre de The Perks of Being a Wallflower de Stephen Chbosky (titre français : Pas raccord, publié aux éditions Sarbacane). Entre les deux quelques déceptions : Foot foot foot de Denis Lachaud, A mort l'innocent d'Arthur Ténor et (déjà mieux) Acte II de Michel Le Bourhis...
 
Foot foot foot est un roman pour les 8-10 ans (à peu près) d'un intérêt très limité : c'est l'histoire d'un garçon qui vit avec ses deux mamans et son frère, et qui est très heureux. La couverture, avec son graphisme très fifties, est un mauvais présage. Il n'y a quasiment pas d'intrigue. C'est une oeuvre de prosélytisme qui "démontre" que les enfants grandissant dans une famille homoparentale sont heureux et normaux. Je n'avais pas besoin d'être convaincu, mais pourquoi pas à la limite, si le livre en valait la peine ? L'ennui, c'est que ça n'a aucun intérêt littéraire, ou même simplement romanesque. L'auteur a attribué diverses caractéristiques à quelques personnages et se contente de les décliner en un tableau statique. La langue est d'une platitude désespérante. Pourtant, Denis Lachaud a écrit un joli premier roman, J'apprends l'allemand. Après la déception du suivant, j'avais cessé de m'intéresser à sa production. Les sinistres duègnes du site choisirunlivre m'ont donné envie de lire celui-ci. Mal m'en a pris. On dirait un livre en carton-pâte, morne et sans attraits.
 
A mort l'innocent est aussi une oeuvre militante, et là encore je me sens en porte-à-faux. C'est l'histoire d'un instituteur qui arrive dans un petit village en 1965. Il est immédiatement l'objet de ragots, car il a un genre peu ordinaire. Bref, certains le suspectent d'être un "pédé". Mais c'est un formidable enseignant et Rémy, le-héros-qui-se-souvient, se rappelle son émerveillement ingénu devant ce maître d'exception. Mais une tragédie survient : un copain du héros est retrouvé mort. Les soupçons se portent immédiatement sur l'instituteur. Le piège se referme peu à peu sur lui. On s'enfonce dans une situation de plus en plus ignominieuse, de plus en plus injuste. Mais Rémy, que l'on dirait sorti d'un roman pour la jeunesse de cette époque-là, a décidé de mener sa propre investigation. Notre enquêteur en herbe, contre les préjugés mesquins, va se lancer à l'assaut des évidences.
C'est peu dire qu'il est difficile d'être en désaccord sur le fond avec la dénonciation des "villages sans prétention" où se font les "mauvaises réputations". Mais dans un style qui pastiche inconsciemment une littérature jeunesse d'un autre âge, cela donne un résultat on ne peut plus décevant. Au reste, la situation est particulièrement manichéenne et l'écriture pour tout dire un peu niaise, avec ses moments de poésie à la Maurice Carême. L'histoire oscille entre le point de vue de Rémy-enfant et des incursions dans la psyché ou le vécu des adultes. L'ensemble est mal ficelé, avec des partis-pris techniques pas terribles. J'ai presque honte de dire du mal d'un livre animé par de si louables intentions, mais ça a quel intérêt, de ternir un beau sujet par de la prose fade ?
 
Michel Le Bourhis a l'avantage d'une réelle écriture et d'un indéniable sens romanesque. Acte II entrelace les trajectoires d'un adolescent emprunté, Vincent Michel, et d'un enseignant-homme de théâtre échoué au lycée d'Avranches, Frédéric Simot. Le jeune homme est un écrivain en herbe, curieux de littérature et qui s'éveille au désir des filles. Le professeur a été muté précipitamment dans le lycée quelques années auparavant. Il mène une existence monacale, entre son job et sa passion (la mise en scène). C'est un solitaire intempestif, souvent féroce, exigeant avec les autres.
Curieusement, les deux trajectoires ne font que se frôler. Le livre refermé, j'en étais encore à me demander ce qui avait motivé l'auteur à superposer ces deux histoires qui ont si peu à se dire. Ou alors était-ce précisément cela que Michel Le Bourhis avait voulu figurer : une rencontre avortée ? Certains détails maladroits laissent à penser que l'auteur a transposé dans un contexte contemporain une histoire vécue quelques décennies plus tôt (dans les années 1980 ?) en habillant le décor d'ustensiles d'aujourd'hui. Pourtant, certains éléments sont d'un autre temps : que voici une petite troupe d'élèves de seconde d'un lycée de province qui communient dans la passion des livres, et notamment de Britannicus de Racine. Quelle jolie idée de fiction. Il ne s'agit pas pour moi de suggérer que les élèves d'aujourd'hui ne pourraient pas s'emballer pour une tragédie classique. C'est le déroulé de la situation qui est peu plausible ici.
Pour le reste, j'aime assez l'écriture de Michel Le Bourhis, qui manifeste une certaine maîtrise (même si certains élans poétiques sont parfois un poil appliqués). J'aime vraiment bien son plus récent (et gay) Il y a des nuits entières (paru en 2006, soit cinq ans après celui-ci), que je n'ai jamais vraiment chroniqué. Une autre fois ?

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Au fil du web

Tenir un blog (ou un site) procure parfois de vrais bonheurs. C'est grâce au premier que j'ai créé (à la glorieuse époque de Myspace) que j'ai fait la connaissance (virtuelle) d'Erwin Mortier, l'un de mes écrivains préférés. Depuis, nous échangeons par intermittence. C'est aussi par cette entremise (et grâce à Anne Percin) que j'ai rencontré Blandine Longre, traductrice et critique en littérature jeunesse. Elle propose un site (signalé parmi mes liens) très bien informé (notamment sur le monde anglo-saxon, mais pas seulement) et très fourni. Elle a publié récemment deux posts intitulés "littérature et (tentatives de) censure" (la partie 2 est ici) que je vous recommande.

Elle y évoque surtout les offensives de la droite religieuse américaine contre les mots grossiers, les sujets prohibés et tout ce qui pourrait corrompre la jeunesse. C'est un sujet que j'ai pour ma part déjà effleuré ici et là, parce que je suis toujours effaré en lisant la newsletter ou les dossiers idoines de la revue The Advocate. Mais les deux posts en question fournissent, eux, des éléments circonstanciés. La lutte contre la "promotion de l'homosexualité" auprès des enfants est en effet l'un des principaux combats des bigots US. Dans l'un des posts, Blandine Longre évoque un cas bien français : lors de la publication du joli Jean a deux mamans d'Ophélie Texier, Edwige Antier, la "fameuse" pédopsy que tous les médias s'arrachent, a mené une campagne de presse "à l'américaine". Vous pouvez en trouver l'écho (grâce à Blandine, donc).

Un de ces jours, je commenterai les propos tenus à cette occasion parce que j'en ai assez des pseudo-arguments "objectifs" par lesquels les religieux homophobes prétendent s'opposer à la publication de livres pour enfants qui parlent d'homosexualité ou d'homophobie.

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