Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

My Heartbeat de Garret Freymann-Weyr

My Heartbeat de Garret Freymann-Weyr (HMH Books for Young Readers, 2002)

My Heartbeat a été publié pour la première fois en 2002 par Houghton Mifflin. C’est un court roman de 138 pages. Selon les indications de l’éditeur « Garret Freymann-Weyr a grandi à New York entourée de 3 soeurs et de 2 parents excessivement intéressants. Ses deux premiers romans pour adolescents When I was older et My Heartbeat ont reçu d’excellentes critiques et elle est reconnue comme un talent prometteur de la littérature jeunesse. » Depuis, elle en a publié au moins deux autres : The Kings Are Already Here (2003) et Stay With Me. Je ne connaissais pas l’univers de cette auteure avant de lire My Heartbeat, livre porté au pinacle par Michael Cart et Christine Jenkins. Elle affectionne les situations limite : When I was older raconte le travail de deuil d’une adolescente après la mort de son petit frère atteint d’une leucémie ; The Kings Are Already Here fait se rencontrer à Genève une jeune danseuse anglaise et un futur champion d’échecs russe, qui ne sont jamais posé de questions sur ce qu’ils allaient devenir ; Stay With Me parle de problèmes de suicide et de dyslexie. (2006).

Indéniablement, My Heartbeat est un livre intéressant. Il se passe dans une famille de la bonne bourgeoisie intellectuelle new-yorkaise. Les MacConnell sont des gens bien élevés et très exigeants à l’endroit de leurs enfants. Ils ont un garçon Link (Lincoln) qui entre en terminale et une fille, Ellen, de deux ans moins âgée. Elle est la narratrice du roman et un très beau personnage de jeune fille. L’histoire commence pendant des vacances d’été dans le Maine, où les MacConnell ont une propriété. Link a un ami inséparable, James Wentworth, dont les parents vivent une existence de jet-setters dans laquelle leur fils a peu de place. Link, James et Ellen forment un improbable trio. Les disputes fréquentes entre Link et James et les échappées nocturnes de ce dernier conduisent Ellen à se poser des questions sur la nature des relations entre son frère et son ami, dont elle est par ailleurs très amoureuse. Avec la rentrée scolaire et l’entrée d’Ellen au lycée, les questions vont lentement se préciser, dans le regard des autres notamment. Quand elle finit par interroger directement les deux garçons, James reconnaît avoir eu des expériences masculines, mais Link refuse violemment toute idée d’amour entre James et lui et s’affirme comme hétérosexuel. La suite du roman est marquée du sceau de la brouille entre les deux garçons et du rapprochement entre Ellen et James.

Roman d’apprentissage très classique, ce livre a au moins deux intérêts particuliers. Le premier est son intelligence sociale : Garret Freymann-Weyr décortique avec une acuité de sociologue les “invisible laws” qui corsètent les comportements du père et du frère, les dénis que chacun multiplie, la violence des réactions individuelles à des pressions étouffantes. L’autre est une riche sensibilité aux détours et contours de chaque personnage, qui nous épargne la caricature et le simplisme. Même Mr MacConnell, personnage assez oppressif et potentiellement déplaisant, est traité avec nuances par l’auteur.

L’homosexualité masculine est indéniablement un sujet essentiel du livre, mais Garret Freymann-Weyr refuse de la considérer comme un état statique et identitaire. Link et James ont en la matière des façons presque inverses d’agir et de ressentir. De toute évidence, c’est l’attitude honnête et lucide de James qui a les faveurs de l’auteure, même si elle suggère très bien comment l’ambiance instaurée par Mr MacConnell a pu interdire à Link toute acceptation de lui-même. La question de la sexualité des personnages n’est pas éludée non plus, et sans pruderie.

Voir les commentaires

“Lucky” de Eddie de Oliveira

Lucky est le premier roman de Eddie de Oliveira, un tout jeune auteur (il est né en 1979). Depuis est sorti Johnny Hazzard (2005) que je n'ai pas lu. Lucky a été publié  en 2004 chez Scholastic.
Ce roman à la première personne raconte le laborieux coming out de Sam Smith, un garçon doté d'un humour assez persistant: "My name is Sam Smith, and I've never forgiven my parents for it. So short, so simple, so alliterated, so... English. Just a hint of foreignness (Sam le Smith?) or a first name that didn't start with an S (I've always quite liked Bernard) would have been a better start."
L'essentiel de l'histoire se passe durant l'été qui suit la première année universitaire de Sam, avec des plongées dans les années de lycée et une évocation assez terrifiante du harcèlement (bashing) frappant les élèves supposément gays dans les écoles publiques. A l'université, Sam étudie l'histoire, tandis que ses amis de toujours, Brenda et Pod, sont partis dans des universités de province. Ils habitent un patelin dénommé Surbiton. J'ai supposé que c'était un jeu de mot sur suburban town, et que l'endroit était fictif et désignait allégoriquement la mentalité "ville de banlieue", par opposition avec le centre de Londres. Sam vit avec sa mère, manifestement assez fauchée. Il joue au foot dans l'équipe locale des Surbiton Rangers et les vestiaires sont un peu le lieu où s'éveille son trouble sexuel.

The reason for all this consternation was simple. For the first time in my life, I was admitting to myself that I thought I might possibly in effect maybe potentially have the capability to fancy boys. OK, so it was a long-winded admission, but it marked severe progress. I knew, and always had, that I fancied girls. But this summer I began having doubts. Was that attraction just a front? Was I pretending to like girls when in fact I liked boys and only boys? Looking back at my seven years of secondary education, my eyes seemed to linger longer on the boys, not the girls. But was that just because it was a forbidden thing; and breaking rules is so much more fun than keeping to them? Taboo is fun, after all. My keen interest in the changing rooms might have been because I knew far less about boys and sex, and was curious to know more. I knew about girls, had consumed plenty of porn, [...] but boys remained a mystery.

These confusions were made all the more complicated by being a principal part of the laddish football team. But I decided it was time I figured everything out because I'd spent the previous eleven years trying to get an inkling as to what I was — after all, if you don't know yourself, how can you be yourself? And if you can't be yourself, how can you be what you want to be? I [...] shouted out loud, “What the fuck am I?” But “What am I?” is a bloody difficult question for anybody to answer, let alone a nineteen-year-old leading goal scorer of the local football team with potential for fancying boys. And, where I'm from, blokes are blokes, women are women, and anything in between is most seriously frowned upon. Not so in Greece, where, apparently, men kiss each other when they meet. Here you're labeled from birth: It's black, white, Asian, or other (wow, what an honor to be labeled “other”), male or female, and hetero, homo, or bi. What about that mixed-race hermaphrodite from Puerto Rico, who wasn't black, white, male or female, hetero, homo, or bi?

I was pretty sure that I found comfort in breasts. Like many of my peers, I'd always been fascinated by tits, but lately I couldn't help peeking at pecs. And what made all of this so much worse was the fact I couldn't tell anyone a thing. I couldn't express my confusions — or discuss my feelings with a soul, because of one silly little word, which is so easy to say but so difficult to live with: fear. Being scared stiff. Petrified. What will they say? How will they react? Will they push me away, reject me for good? [...] It's so difficult to describe a fear that takes hold of you completely and stops you from doing anything, from being remotely proactive. [...] That's the incredible power of this paralyzing type of fear.

Since the first few weeks of the first term at university last September I'd noticed this bloke who sat opposite me in the lecture hall. He was about six feet tall, slim, with short dark brown hair and stunning brown eyes. His clothes were always smart and casual, erring on the side of trendy, and I knew from seeing him with other students that he was a polite and funny guy. I caught his eye at our second lecture together and just couldn't stop catching it. I really couldn't put my finger on why I kept staring, because he certainly didn't look as though he was as transfixed by me as I was by him. I never imagined him naked or anything. I was just spellbound by him. He seemed . . . what's the word. . . different. [...] Without any words, it was clear we had something big in common, and I just knew from the get-go he'd be joined to me in intimacy and mutual benevolence. I knew he'd be my … friend. (p. 14-16)

Et c’est ainsi que Sam va faire la connaissance de Toby. La première conversation entre les deux garçons à la fin de l’année universitaire est assez embarrassante pour Sam, qui a gardé une peur panique de tout ce qui rappelle de près ou de loin un poof (pédé). Or Toby finit par l’embarquer dans des considérations sur les boys bands… Un autre chapitre raconte les premières retrouvailles des deux garçons et les confidences peu à peu échangées. Eddie de Oliveira fait merveille dans les dialogues. Il joue avec les allusions, les circonvolutions, les demi-vérités, d'une façon à la fois drôle et grave.
Le début de l’été signifie aussi le retour de ses amis Brenda et Pod. Sam réalise à quel point Pod est homophobe, ce qu’il n’avait pas remarqué auparavant. La petite bande a l’habitude de se retrouver dans un pub et de boire plus que de raison. À mesure que l’amitié grandit entre Sam et Toby, la question d’intégrer ce dernier finit par se poser. Par ailleurs, Toby a manifesté le désir de participer à l’équipe des Surbiton Rangers, qui est entraînée par deux personnages assez loufoques :
“Sam, get your arse out here!”

It was the dulcet Cockney tones of Harry, coach of the Surbiton Rangers. Harry is a big man: fifteen stone, five foot nine tall, a traditional side-parting in his greasy brown hair, and the obligatory nonleague football manager's camel sheepskin coat, which looks like a relic from the cold war, the sort of thing only worn by a KGB operative or a used car salesman in Essex. Harry has so many chips on his shoulder he could open a successful, if rather unhealthy, fast-food outlet. Although only twenty-eight, he easily passes for fortysomething. As a player, he failed miserably, which he claims was because of forced retirement following a serious injury when he was only twenty-one. We all suspected he was just crap. He has coached the Rangers for two years, his main qualification for the job being that he wanted it when nobody else did. We survived for three months without a manager before Harry turned up one Sunday morning, without any announcement, and began barking orders from the touchline. He assumed the title of “head coach” without anyone asking him to, or giving him permission. Still, nobody has challenged him for the job since, and he has guided us to respectable top-half positions in the league for the past couple of seasons.

However, Mr. Popular he ain't. He shouts a lot, is never wrong, refuses to partake of any training exercises, and frequently delegates the more mundane chores (such as liaising with the borough council for use of the football pitches) to his sidekick, the ultra-skinny and odd Morph. The only other “person” I know called Morph is a tiny clay cartoon character who speaks in squeaks. Sadly, our Morph has terribly low self-esteem, and Harry's oppressive ways don't help. About a year ago, Morph responded to Harry's ad in a local newspaper for an “enthusiastic and committed voluntary assistant.” He is twenty-two years old, unemployed, and a hypochondriac — tissues, decongestants, and scarves frequently adorn his face. (Throughout the previous year's heat wave of July and August, Morph insisted on wearing a scarf and woolly hat to every training session.) But he's also strangely likable. I guess I feel sorry for him. (p. 48-49)


        Harry et Morph donnent depuis longtemps des sueurs froides à Sam car ils n’ont de cesse de le qualifier de gentle, ce qui est une façon plus honorable de suggérer looking gayish… La rencontre de Toby avec Pod se passe horriblement mal, mais Sam redoute encore plus la confrontation avec l’équipe de foot. Le chapitre qui raconte cet épisode est mémorable de drôlerie. En voilà quelques morceaux :

Toby's arrival was no big deal. Players come and go every week —students who want to get fit quick might come for a couple of months then never reappear; older men who think they can hack the pace frequently disappear; friends and siblings of the regulars often come down for a session and maybe even a game or two before calling it quits. Nobody gave Toby a second look. But it wasn't long before the others noticed he was no ordinary addition to the squad.

His stare was lingering — mainly on Pretty Boy, I noticed, but also on one or two of the others. Pretty Boy was his usual cool James Dean-esque self, shooting a look back at Toby every now and then. The lads wore puzzled expressions as they witnessed Toby's roving eye. (p. 91-92)

Morph shouted at us, “Game over. Drill number one!” […]

“Pretty Boy says it's still hurting. Potential team crisis” Morph informed Harry, excited at the prospect of somebody other than him having a serious problem to deal with. Harry called for Toby, and I moved closer as I stretched in order to get within earshot. “Pretty Boy Pete has had” Harry started.

“Why is he called Pretty Boy Pete?” Toby interrupted.

A pause. I think Toby was trying to get one of them to explain how Pete was a dashingly handsome young man, but instead —

“Because he is a Pretty Boy” — started Harry.

“— and his name is Pete,” concluded Morph.

Toby replied quick as a flash:
“He's not that pretty.”

Harry's face wore a look of unbridled horror.

“What?” he demanded.
“Well, I've seen prettier.”

Morph looked at Harry, at a loss. Was this a member of the Rangers saying he'd seen prettier boys? Surely not! Harry took the ignore it, and it'll go away approach. Mikey stopped packing his kit bag and just stared at Toby, a look of total confusion on his face. Chopper Chubby's narrow, suspicious eyes focused on the new boy too. I was beginning to sweat.

“Yeah, well … his hamstring's looking dodge,” Harry continued. “I want you to try for us at left mid, but you've got to concentrate on your ball control.”

“Ball control's my speciality,” Toby cheeked. Chopper gave Laid Back a look. My shirt was, by now, drenched and I was nervously picking tiny pieces of dry summer mud out of my boots.

“What?” said Harry, sternly.
“Nothing,” Toby replied.

I think Harry was having second thoughts about his offer. I was on the verge of exploding with embarrassment. Toby was outing himself and, by default, me.

“What's your favored position?” asked Morph, and I could see where this one was going. Toby grinned.

“My favored position, since you ask, is in the hole.”

This was the straw that broke Harry's back. Irreverent humor was bad enough, but innuendo? Beyond the pale. His voice turned all gravelly and threatening, sounding a bit like a cheap East End gangster.

“You being funny?”
“Funny?”

“I asked you where you like to play on the pitch,” explained Harry, still resembling a London Godfather.

“I told you, in the hole,” said Toby.

Morph didn't get it. “The hole? The hole? Where's the hole? Could be anywhere, couldn't it? Specify!”

“Between midfield and attack, the hole,” explained Toby, and he wasn't wrong — the hole was a position made popular by teams in Italy.

Harry told Toby to warm down, and crouched by me as I took my boots off. Morph crouched behind him, annoyingly. I knew I'd be interrogated, and Harry pulled no punches.

“This … friend. Quite nifty on his feet…”

“Quite useful in the air,” pitched in Morph. For once, I agreed.

 “Yeah, showed me up a bit, I reckon,” I said.

 “Yes, he did,” said Morph, which wasn't what I expected.

 “Leave tactical opinions to me, please,” said Harry. “He around a lot, is he?”

 “He's staying for the summer. Working at the biscuit factory,” I explained, slightly wary of what was to come. Harry seemed to be beating about the bush a bit.

“Is he now? Round for the Summer Cup, then?” asked the gaffer. I answered in the affirmative. Then came the question Harry was dying to ask.

“Exactly how much of a friend is he?”

“What do you mean?” I asked, keeping my eyes on the ground.

“Well... he seemed quite similar,” said Harry.

“Quite gentle,” added Morph.

“I just know him quite well, that's all. We do the same subject.”

Harry got back to business. “Know him well enough to convince him to play left mid? On a trial period, mind.”

I was a bit taken aback. I knew we were short on left-footed players, but he'd only played one training session, and he was already being considered for the first team. Of course I could convince him to play, although I wasn't sure, in light of Toby's cheekiness, that this was the best idea for me personally.

“We want him in, we think he's great!” squealed Morph.

“Morph! Remember what I told you about you annoying me, about talking out of turn? Well, you're doing it now.”

“I'm sorry,” began Morph, “but I was just trying to exercise my right. It's difficult. I mean I've got to raise my self-esteem, the whole point of the counseling –“

“Morph — I repeat: You're doing it now.”

I offered to have a word with Toby about trialing. But I was far more concerned with finding out what Toby had revealed about personal matters.

“Has he told you anything?” I asked. “Like, about himself?”

Harry leaned in. He had an annoying smirk on the left side of his mouth. Morph looked very excited as he said

“Oh yes, he's told us all about the –“

“Morph! Bloody hell!” shouted Harry, getting up to leave. What he said next filled me with terror.

“He's told us he's… gentle. Know what I mean?” (p. 94-97)

La suite est à l’avenant… Eddie de Oliveira parle de sexualité sans pudibonderie, même si aucune scène de sexe n'est présente dans le livre. Parmi les choses que Sam découvre peu à peu, il en est au moins deux qui sont clairement des opinions que l'auteur a voulu mettre en scène : les non-hétérosexuels surestiment l'homophobie de leur entourage et le sexe est loin d'être l'aspect le plus important d'une relation de couple.
Lucky est un livre extrêmement drôle, mais aussi émouvant. La langue n’est pas toujours évidente à comprendre, mais avec le contexte on s’en sort correctement. Je ne dévoilerai pas les multiples rebondissements qui émaillent les 150 pages suivantes, car elles font partie des joies de la lecture. Eddie de Oliveira a une méticulosité de chirurgien pour nous faire assister à l’éclosion progressive de Sam et à son ouverture sur le monde.
Le récit d'une expédition de Sam et Toby dans le centre de Londres est assez fascinante, véritable déniaisage de Sam sur la diversité du monde et moment de tendresse bourrue.

 
J’ai été tellement scotché que je n’ai pas pu m’empêcher de le finir très tard une nuit. Je ne saurais dire que c’est de la très grande littérature (quoi que le tempo est assez maîtrisé et le livre plutôt subtil). Mais c’est assurément un beau livre pour (assez grands) adolescents.

Voir les commentaires

Quelques DVD plus ou moins gay et visibles pour des ados 3

J'ai fait ce travail pour des lecteurs adolescents et pour leurs parents.
Pour réaliser la liste ci-dessous, il m'a fallu tenir compte des autorisations légales et de plusieurs critères de choix. J'ai mis une note allant entre o (mauvais) et ***** (très grand chef d'oeuvre). Pour l'instant n'y figurent que des films que j'aime. Voici ceux interdits au moins de 16 ans. On trouvera ailleurs les films tous publics et ceux interdits aux moins de 12 ans.

 

DVD à contenu gay & lesbien pouvant être vus par des adolescents
Films classés « interdit au moins de 16 ans »

boys-don-t-cry.jpg Boys Don’t Cry (1999)
de Kimberly Peirce (USA) 
Avec Hilary Swank (Teena Brandon), Chloë Sevigny (Lana) et Peter Sarsgaard
« Teena Brandon a 20 ans. Victime d'une crise d'identité sexuelle, Teena a toujours voulu être un garçon. Elle décide un jour d'abandonner son passé et débarque à Falls City, sous l'apparence de "Brandon", un jeune homme aux cheveux courts. Très vite adopté par la communauté de jeunes du coin, "Brandon" tombe amoureux de Lana, et de cette nouvelle vie à laquelle ses amis l'aident à croire enfin...Inspiré d'une histoire vraie, un film poignant et bouleversant où l'actrice Hilary Swank incarne remarquablement un personnage au destin tragique. Oscar 2000 de la meilleure actrice. » (jaquette du DVD)
Surtout fêté pour la performance des acteurs, Boys Don’t Cry est un film qui joue avec les limites : de la violence supportable, de la bêtise imaginable, de la noirceur de la vie. Rarement l’Amérique des paumés a été montrée avec une telle froideur. En un certain sens, le caractère tragique du film fonctionne bien, et le spectateur assiste, impuissant, au sacrifice expiatoire d’un être venu d’une autre planète, et tellement désireux de se laisser piétiner. Ça fait assez froid dans le dos. Demeure un sentiment irrécusable d’excès, comme si la corde du pathos résonnait parfois trop fort.
 
 
 
Vincent-Branchet-F-est-un-salaud1.jpgF. est un salaud (1998)
de Marcel Gisler (Suisse)
Avec Vincent Branchet (Béni), Frédéric Andrau (Foggi) et Urs Peter Halter
« Beni tombe amoureux de Fogi, leader et chanteur d'un groupe de rock. L'attitude rebelle de Fogi favorise le désir de liberté de Beni et lui donne la force de vivre hors du milieu social dont il est issu. Il se dévoue corps et âme à son amant à tel point qu'il n'arrive plus à réaliser quel homme est vraiment Fogi. »
Vincent-Branchet-02.jpgCe film raconte la rencontre entre un post-ado naïf (Béni) et un chanteur de rock sombre et brutal (Fogi), à une époque qui pourrait être la fin des années 70 ou le début des années 80. Très vite, Béni s'offre à Fogi, qu'il sait être gay, sans que l'on sache s'il le fait par simple admiration de fan ou par inclination profonde. Leur histoire est celle d'un double enfermement : du chanteur dans une spirale d'autodestruction, de son amant transi dans la dévotion et l'acceptation des tendances dominatrices de son idole. Le film, réussi dans son projet, rebutera qui n'est pas fasciné par l'univers sombre de Fogi (drogues, pulsion de mort, violence). De très belles scènes, parfois à la limite du supportable. L'ensemble est complètement dominé par la figure de Béni, excellemment joué par Vincent Branchet, qui réussit à rendre sensible toutes les contradictions et l'évolution de son personnage. L'interview de l'acteur, en bonus, est extrêmement touchante.
 
 
Paul-Dano-LIE3.jpg
Paul Dano dans Long Island Expressway
L.I.E. (Long Island Expressway) (2003)
de Michael Cuesta (USA)
Avec Paul Dano (Howie blitzer), Brian Cox (big John) et Billy Kay (Gary)
Paul-Dano-LIE2.jpg« A quinze ans, Howie vit une adolescence difficile entre l'absence de sa mère et un père escroc et égocentrique. Pour tromper son ennui, il s'amuse à cambrioler des maisons à Long Island avec des copains aussi paumés que lui. Lors d'un vol avec son meilleur ami Gary, sa route va croiser celle de Big John, un homme étrange d'une cinquantaine d'années, qui semble entretenir une relation ambiguë avec Gary. Howie, intrigué, va partir à la découverte du personnage au risque de se perdre. Grand prix du jury Deauville 2002 »
Ce film est un pur chef d'oeuvre, de délicatesse, de style, de subtilité. Tout est déjà dans le titre abrégé, to lie (mentir), car ce que Howie affronte, autant chez les adultes que chez ses amis, c'est le mensonge et la trahison. D'après moi, c'est là le vrai sujet de cette histoire. Howie a aussi à se découvrir lui-même: orphelin, lâché par son père, mais incroyablement smart et lettré, l'adolescent semble tâtonner dans la définition de son identité sexuelle. L'auteur manie l'ellipse avec une intelligence rare sur ce thème, ainsi que pour traiter un sujet éminemment casse-gueule : la relation d'amitié entre un adolescent paumé, déçu par les mensonges et les abandons de ses proches, et un quinquagénaire pédophile. Toute la réussite de Michael Cuesta tient à son refus d'un traitement complaisant ou dramatisant de ce sujet, sulfureux entre tous. Je tiens à préciser qu'il n'y absolument aucune scène choquante et que l'interdiction au moins de 16 ans me semble hors de proportions. La B.O., sensationnelle, donne un tempo syncopé à cette histoire douce-amère. Les acteurs sont remarquables, tout particulièrement Paul Dano, dans le rôle d'Howie, qu'on a revu depuis dans The King de James Marsh et Little Miss Sunshine et Brian Cox.

 
 
my-own-private-Idaho.jpgMy Own Private Idaho (1990)
de Gus Van Sant (USA) 
Avec River Phoenix (Mike) et Keanu Reeves (Scott)
Scott et Mike sont prostitués et amis. Mais si Scott, dont le père est très riche et qu'il déteste, peut espérer un autre avenir, Mike, quant à lui, traqué par ses souvenirs, sombre dans des crises de narcolepsie. Il est, en outre, secrètement amoureux de son compagnon. Ils voyagent à travers les Etats-Unis, à la recherche de la mère de Mike. Puis, au cours d'un voyage en Italie, Scott tombe amoureux de Carmella et abandonne son compagnon d’errance.
D’après moi, My Own Private Idaho est le film le plus réussi de la carrière de Gus Van Sant, même si c’est plus tard qu’il a reçu une consécration publique. On y retrouve le regretté River Phoenix, étoile filante du cinéma américain, dans un rôle de composition époustouflant. À la différence des récents opus du cinéaste, ce n’est pas un film centré sur une idée unique. Les scènes de théâtre (shakespearien) alternent avec le road movie et les moments d’onirisme. Loin des métaphores totalitaires d’Elephant, des ressassements de Last days ou de l’absurde de Gerry, My Own Private Idaho offre un tout autre cinéma, moins conceptuel, ouvert de tous côtés à diverses brises marines.
 
 
 
Mysterious Skin (2005) mysterious-skin.jpg
de Gregg Araki (Etats-Unis)
Avec Joseph Gordon-Levitt (Neil), Brady Corbet (Brian) et Michelle Trachtenberg
« A huit ans, Brian Lackey se réveille dans la cave de sa maison, le nez en sang, sans aucune idée de ce qui a pu lui arriver. Sa vie change complètement après cet incident : peur du noir, cauchemars, évanouissements... Dix ans plus tard, il est certain d'avoir été enlevé par des extraterrestres et pense que seul Neil Mc Cormick pourrait avoir la clé de l'énigme. Ce dernier est un outsider à la beauté du diable, une petite frappe dont tout le monde tombe amoureux mais qui ne s'attache à personne. Il regrette encore la relation qu'il avait établie avec son coach de baseball quand il avait huit ans. Brian tente de retrouver Neil pour dénouer le mystère qui les empêche de vivre. »
Sur ce film, il a été dit beaucoup de choses. La plus injuste me semble être de l'avoir taxé de "complaisant" envers la pédophilie, ou de noyer son sujet sous un esthétisme de clip. Fidèle à une tradition très anglosaxonne, Gregg Araki a fait un film « behavioriste », c'est-à-dire qu'on ne rentre pas dans la psychologie des personnages, on se contente de les voit agir. Or, il y a encore des gens bien intentionnés pour penser que la seule solution serait de construire ce film comme un procès contre l'affreux entraineur de base ball. Il en est plus encore pour trouver scandaleux le choix d'un personnage d'enfant qui a accepté ce que lui offrait le pédophile. Or, précisément, il me semble que le film d'Araki tend à indiquer à quel point le trauma vécu par Neil (qui se prostitue et fout sa vie en l'air comme un suicide à répétition) est au moins aussi terrible que celui de Brian (qui a « oublié » le viol et s'est cru enlevé par des extraterrestres). En somme, ce que démystifie le cinéaste, c'est le mythe de l'enfant candide et pur. Mais Neil n'est absolument pas acteur de son enfance, il l'a vécue comme un enfant gâté, abandonné à lui-même par sa mère et soumis aux manipulations d'un pervers déguisé en monsieur-tout-le-monde et papa de substitution. Et le pari très difficile du cinéaste est de nous faire assister à ce débauchage sur le fil du rasoir, à cette hypnose des paquets de corn-flakes. En ce sens, il rend beaucoup plus efficace la déconstruction de la pédophilie en évitant l'écueil de la monstruosité à deux balles. On en ressort avec un dégoût profond, pas pour le film, qui est un chef d'oeuvre, mais pour ce gachis de vies, même si la fin est d'une rare élégance. Steve Gordon-Levitt est sublime dans le rôle de Neil adolescent.
 
 
Je rajouterais un film classé « tous publics » de façon tout à fait curieuse, compte tenu de sa thématique et de la crudité de certaines scènes :
Another Gay Movie (2006)
de Todd Stephens
Avec Michael Carbonaro (Andy Wilson), Jonah Blechman (Nico), Jonathan Chase (Jarod) et Mitch Morris (Griff)

« Quatre lycéens gays prennent le pari de perdre leur virginité avant la fin de l'été, synonyme pour eux de rentrée universitaire. Mais le chemin vers la jouissance ne sera pas de tout repos. »
Ce film, à mi-chemin entre la pochade queer et le pur film de genre (le teen movie), est assez drôle, notamment par ses innombrables parodies de scènes d'autres films (ainsi l'évanouissement de Griff regardant dans son slip est un clin d'oeil à une scène de Stand By Me). La plupart des personnages renvoient à un stéréotype : Nico la folle hystérique, Jarod le sportif propre sur lui, Griff le bon élève, Muffler la lesbienne über-masculine, etc. Quant à Andy le seul dont la vie familiale joue un rôle important ses expérimentations « anales » sont l'occasion d'un déluge de situations qui vont du comique de situation au pipi-caca-prout le plus hardcore.
C'est d'un mauvais goût jubilatoire et sans aucune prétention. Le côté artisanal (pour ne pas dire fauché) se sent souvent. L'ensemble est un peu (trop) désarticulé et foutraque, mais dégage une énergie digne des meilleures séries télés américaines de ces dernières années (genre Desperate Housewives et Ugly Betty). Pas la peine d'y rechercher en revanche une recherche artistique.

À venir :
 
Odete (2005) de João Pedro Rodrigues
Tarnation (2005) de Jonathan Caouette

Liste sur amazon
 

Voir les commentaires

Quelques DVD plus ou moins gay et visibles pour des ados 2

Le travail ci-dessous et les deux posts analogues ont été conçus pour des lecteurs adolescents et pour leurs parents.
Pour réaliser la liste, il m'a fallu tenir compte des autorisations légales et de plusieurs critères de choix. J'ai mis une note allant entre o (mauvais) et ***** (très grand chef d'oeuvre). Pour l'instant n'y figurent que des films que j'apprécie. Voici ceux qui sont interdits au moins de 12 ans. Ailleurs on trouvera ceux qui sont « tous publics » ou interdits au moins de 16 ans.

 

DVD à contenu gay & lesbien pouvant être vus par des adolescents
Films classés « interdit au moins de 12 ans »

amour---taire2.jpg Un Amour à taire (2004)
de Christian Faure (Fr)
Avec Jérémie Rénier (Jean), Bruno Todeschini (Philippe) et Louise Monot (Sara)
« Sarah, Jean et Philippe ont entre vingt et trente ans, en ce printemps 1942. Sarah est juive. Elle aime Jean mais Jean est homosexuel. Il est amoureux de Philippe. En cette période d'occupation où toutes les règles sont abolies, ils sont tous les trois habités par le même désir : survivre. Jusqu'au jour où, Jean accusé à tort d'être l'amant d'un officier, est déporté par les nazis. C'est le début de sa descente aux enfers sous le signe du triangle rose... ».
Ce joli téléfilm, remarquablement interprété et historiquement irréprochable, doit certainement son classement (interdit au moins de 12 ans) aux scènes « concentrationnaires », qui sont assez désespérantes. Pour le reste, il n’y a rien de bien choquant dans cette romance à trois sous l’Occupation. La projection télévisuelle a eu un grand succès, ce dont tout gay qui se respecte ne peut que se réjouir. Alors, bien entendu, c’est un film inscrit dans un certain nombre de conventions du « film à costume pour petit écran ». Mais pourquoi bouder le plaisir que cette histoire toute en nuances procure ?

 

Get-real2.jpgComme un garçon (Get Real) (2000)
de Simon Shore (U. K.)
Avec Ben Silverstone (Steve), Brad Gorton (John) et Charlotte Brittain (Linda)
  Comme un garçon est l'un des films gays les plus touchants qu'il m'ait été donné de voir, avec ce sens du social qui fait la magie des films anglais. Il est question d'un garçon de seize ans, Steve, confronté à l'homophobie profonde de l'Angleterre provinciale et à son désir de braver la réprobation générale pour vivre pleinement ce qu'il est. Il vit une passion réciproque avec un garçon, John, qui serait prêt à tout sacrifier pour sauver sa respectabilité. Le film est porté à bout de bras par Ben Silverstone dans le rôle de Steve, drôle,  subtil, touchant (sans Get-real1.jpgparler de son regard  limpide). L'humour qui irrigue le film, autant lié à l'esprit  acéré du personnage qu'aux situations burlesques, est plus qu'un ingrédient vendeur : il permet de faire passer tout ce qui pourrait être embarrassant ou un peu trop triste. Par la force des problèmes qu'il évoque et le caractère universel de ses références, ce film mériterait d'être vu par tous les publics, notamment dans les lycées, à des fins d'éducation civique. Et je ne comprends pas son classement, alors que des films bien plus crus ou explicites ont le label "tous publics".
 

new-ulm3.jpgDernier été à New Ulm (The Toilers & the Wayfarers, 1995)

de Keith Froelich (USA)
Avec Matt Klemp (Dieter), Andrew Woodhouse (Philip) et Ralf Shirg (Udo)

  Ce film à petit budget, tourné en noir et blanc, est une bonne surprise, dans la déferlante de soaps U. S. que les maisons d'édition nous proposent sous prétexte de gaytitude. L'histoire commence il y a quelques décennies, dans une communauté rurale germanophone des Etats-Unis. Dieter et Phillip sont deux copains inséparables, jusqu'au jour où ce dernier se fend d'une déclaration d'amour qui n'est pas très bien reçue. Mais Dieter est bouleversé. Alors que son ami torturé s'évade vers la ville, il demeure à New Ulm, désemparé, incapable de faire un choix. Sur ces entrefaites débarque d'Allemagne Udo, garçon désoeuvré apparemment incapable de se prendre en charge, mais à certains égards plus sûr de son identité. A son contact, Dieter va accomplir le chemin sentimental qui le ramènera vers Philip. new-ulm4.jpgL'angle par lequel le film évoque l'homosexualité n'est en rien standard et semble avoir des résonances autobiographiques. L'histoire est à la fois simple et compliquée. Il y a une justesse de ton et un tact dans la mise en scène qui sont tout à fait appréciables. Un bon film.
On trouve une substantielle interview du réalisateur (en anglais) ici. Il y est beaucoup question du casting et de la trajectoire des acteurs, entre un acteur pro hétéro venu faire un numéro de composition / tour de force (Matt Klemp) et un jeune militant gay très proche de son personnage (Andrew Woodhouse).
 
 
Edge of Seventeen (1998)
de David Moreton (USA)
Avec : Chris Stafford (Eric Hunter), Tina Holmes (Maggie), Anderson Gabrych (Rod)
« Sandusky, Ohio, 1984. Eric, un adolescent naïf de 17 ans, découvre prograssivement son attirance pour les garçons. Dans le même temps, il a du mal à définir ses relations avec Maggie, sa petite amie. L'un et l'autre travaillent dans un restaurant de parc d'attraction où il croisera Rod, sa première aventure avec un homme. »
Le scénario de ce coming of age movie a été écrit pas Todd Stephens (VIP du cinéma gay américain, et récent auteur de Another Gay Movie) sur la base de ses souvenirs de jeunessse. Rien à voir pourtant entre les deux films : Edge of Seventeen est une jolie histoire douce-amère, avec des décors un peu "marron" (mais c'est l'époque où ça se passe qui le voulait !).
 
L’Homme Blessé (1983)
de Patrice Chéreau (Fr)
Avec Jean-Hugues Anglade et Vittorio Mezzogiorno
« Henri, adolescent, s'ennuie. Accompagnant sa soeur à la gare il rencontre Jean, un homosexuel, qui le pousse à commettre un acte de violence sur un inconnu. Immédiatement, il éprouve une immense passion pour cet homme qu'il décide de suivre... »
Je l’ai visionné mais n'ai pas encore trouvé le temps de rédiger une analyse.

L'Imposteur (2005)
de Christoph Hochhaüsler (Allemagne).
Avec : Constantin von Jascheroff (Armin Steeb), Victoria Trauttmansdorff (Marianne Steeb), Manfred Zapata (Martin Steeb)

« Armin, 18 ans, est témoin d'un accident de voiture mortel. Il s'accuse, sans raisons, dans des lettres anonymes qu'il envoie aux journaux. Ce qui n'était qu'un jeu vire à l'obsession. »
Ce deuxième film de Christoph Hochhaüsler (après Le Bois lacté) est une sorte de cauchemar éveillé, dans lequel les frontières entre réalité et fantasmes sont étrangement poreuses. La sexualité d'Armin fait partie de ces domaines dans lesquels le personnage semble complètement égaré, incapable de raccorder ses dires et ses actes.
J'en parlerai davantage quand je l'aurai re-visionné (la séance de cinéma est un peu loin), mais c'est un excellent film.
 
 

ma-vraie-vie----Rouen2.jpgMa vraie vie à Rouen (2002)

d’O. Ducastel et Jacques Martineau (Fr)
Avec Jimmy Tavares (Étienne)

« Pour filmer ses entraînements de patinage artistique, la grand-mère d'Etienne lui offre un caméscope. L'adolescent se met alors à enregistrer sa vie quotidienne avec ses amis et sa mère, à Rouen, sans voyeurisme, par jeu et pour se constituer des souvenirs. S'il s'intéresse de près à un de ses professeurs, c'est, croit-il, parce qu'il serait un compagnon idéal pour sa mère. La relation qui s'installe entre eux lui donne rapidement raison, mais lui fait aussi découvrir que son propre désir était plus ambigu qu'il ne le croyait. » (jaquette du DVD)

 

 
mala-educacion.jpgLa Mauvaise éducation (2004)
de Pedro Almodovar (Espagne)
Avec Gael Garcia Bernal, Fele Martinez, Daniel Gimenez Cacho
« Deux garçons, Ignacio et Enrique, découvrent l'amour, le cinéma et la peur dans une école religieuse au début des années soixante. Le père Manolo, directeur de l'institution et professeur de littérature, est témoin et acteur de ces premières découvertes. Les trois personnages se reverront deux autres fois, à la fin des années 70 et en 1980. Cette deuxième rencontre marquera la vie et la mort de l'un d'entre eux. »
gaelgarciabernal2.jpg   Ce fim m'a absolument bouleversé quand il est sorti en salle. J'aime Almodovar en général, mais là, j'ai trouvé qu'il montait deux crans au-dessus de ses autres films. D'abord, il n'a jamais fait un film aussi sophistiqué et aussi maîtrisé : on dirait un Kubrick hispano-gay. Et puis ces trois histoires emboîtées les unes dans les autres, quelle virtuosité ! Le plus étonnant, c'est qu'on peut aussi voir le film sans se prendre la tête sur sa forme. Car l'histoire d'Enrique et Ignacio, ça vous déchire l'âme. Le bonhomme Almodovar a réussi à  faire à la fois un film universel, accessible à tous, et son oeuvre la plus personnelle, la plus formellement aboutie. En tant que gay, c'est de toute sa production l'oeuvre qui me touche le plus. Et puis il faut bien dire que Gael Garcia Bernal et Fele Rodriguez sont rayonnants !
 
 
presque-rien.jpgPresque rien (2000)
de Sébastien Lifschitz (Fr)
Avec Jérémie Elkaïm (Mathieu) & Stéphane Rideau (Cédric)
« Deux garçons de 18 ans, Mathieu et Cédric, se rencontrent, se désirent et cèdent à leurs pulsions. Ce pourrait être une simple aventure de vacances, mais leur relation prend de l'ampleur et se transforme avec le temps, en un véritable amour... »
Presque rien est un film sec et âpre. Sur le thème éculé de l’amour de vacances, Sébastien Lifschitz rebat complètement les cartes et nous offre un film à la fois beau et peu amène. Les personnages sont loin d’être transparents : ni Cédric, un peu canaille, ni surtout Mathieu, qui lors des premières scènes émerge d’une tentative de suicide. Le cinéaste a semble-t-il voulu conserver de nombre zones de mystère dans la psychè des personnages, et c’est plutôt une bonne idée. Ça évite les blablas du film psychologique. La construction narrative est également loin des facilités du récit linéaire. À des lieux d’un cinéma gay mièvre et conformiste, Sébastien Lifschitz confirmait pour son premier long métrage qu’il est un cinéaste doué et prometteur.À signaler une scène de sexe très explicite qui pourrait choquer.
 
 
tout-contre-leo2.jpgTout contre Léo (2001)
de Christophe Honoré (Fr)
Avec Yaniss lespert (Léo), Pierre Mignart (P’tit Marcel), Marie Bunel
« Dans une famille, où les quatre garçons font le bonheur de leurs parents, la séropositivité de l’un d’entre eux, Léo, fait tomber les masques et soulève des tempêtes. Léo tente de préserver Marcel, son petit frère de 12 ans, mais celui-ci se doute bien de la menace qui plane sur l’équilibre familial. Avant qu’il ne soit trop tard, Léo décide d’emmener Marcel quelques jours à Paris. Christophe Honoré signe un film âpre et émouvant sur la place de l’homosexualité et de la maladie au sein d’une famille unie. » (adventice.com)
tout-contre-leo.jpg Lecteur fidèle de s romans jeunesse de Christophe Honoré mais un peu déçu par le réalisateur de 17 fois Cécile Cassard, j'attendais avec curiosité de pouvoir visionner l'adaptation de Tout contre Léo. Des trois films de notre auteur, c'est à ce jour celui que je préfère. La dimension de commande télé impose une sobriété émotionnelle qui me ravit, après l'épreuve que furent les dernières oeuvres, tant littéraires que filmiques, dudit C. Honoré. Loin de la course à la cruauté, "Tout contre Léo" est un beau film d'amour, de tendresse, mais qui ne verse pas non plus dans la complaisance. L'interview du réalisateur en bonus est très riche.
Je n'ai vu nulle part de classement, mais à la différence des romans dont il est tiré, ce téléfilm ne me semble pas conseillable à de jeunes adolescents.
 
 
transamerica-11737.jpgTransamerica (2005)
de Duncan Tucker (Etats-Unis)
Avec Felicity Huffman (Bree) et Kevin Zegers
« Bree travaille jour et nuit pour pouvoir payer l'opération qui fera d'elle une véritable femme. Contactée de façon complètement inattendue par un adolescent fugueur à la recherche de son père, elle ne tarde pas à comprendre qu'il s'agit du fils qu'elle a eu autrefois d'une liaison sans lendemain, alors qu'elle était encore un homme. Son premier réflexe est de tirer une croix sur son passé, mais sa psychothérapeute exige d'elle qu'elle rencontre ce jeune homme avant de lui délivrer l'autorisation d'intervention chirurgicale dont elle espère tant... »
Commentaire à venir
 
 
My Beautiful Laundrette (1984) de Stephen Frears (vu, pas encore mis en fiche)
Prick up Your Ears (1986) de Stephen Frears
Tu marcheras sur l’eau (2005) d’Eytan Fox (Israël)

Voir les commentaires

Quelques DVD plus ou moins gay et visibles pour des ados 1

Chic ! encore une liste ! J'ai vraiment fait ce travail pour des lecteurs adolescents et pour leurs parents.

Pour réaliser celle-ci, il m'a fallu tenir compte des autorisations légales et de plusieurs critères de choix. J'ai mis une note allant entre o (mauvais) et ***** (très grand chef d'oeuvre). Je vais en établir deux autres : une concernant les films interdits au moins de 12 ans, et une autre pour ceux interdits au moins de 16 ans. Il n'est pas question pour moi de sortir des clous de la loi.

 

DVD à contenu gay & lesbien pouvant être vus par des adolescents
Films classés « tous publics »

Amiti--s-particuli--res.jpgLes Amitiés particulières (1964)
de Jean Delannoy (Fr)
Avec Francis Lacombrade et Didier Haudepin
Adaptation particulièrement chaste et éthérée du roman éponyme de Roger Peyrefitte. Le ton peut sembler extrêmement désuet aujourd’hui, mais à l’époque le film avait été interdit aux mineurs (alors qu’il n’y a même pas de baiser). Le réalisateur et le scénariste sont ceux-là même que la nouvelle vague vilipendait, notamment dans le célèbre article de François Truffault, "Un certain cinéma français". Avec un recul de 40 ans, on se dit qu'il n'y avait ici rien de si indigne, et même une forme de courage.

 
 
Les Amoureux
de Catherine Corsini (Fr)     
Avec Pascal Cervo (Marc) et Nathalie Richard (Viviane)
Après des années d’absence, Viviane revient dans son patelin des Ardennes. Elle renoue avec son petit frère, Marc, qui est en pleine affirmation de son homosexualité. Le frère et la sœur partent dans une longue escapade où ils vont essayer de se retrouver. Le récit de leur errance, de fête glauque en rencontre improbable avec des ouvriers polonais, confronte intelligemment la fuite en avant de Vivianne et les désillusions de Marc. Pascal Cervo faisait alors ses débuts à l'écran (on l'a revu récemment, magnifique, dans Le Dernier des fous de Laurent Achard). Les Amoureux ressemble étonnament à un film social anglais un peu fauché. Un film attachant, au ton profondément juste.
 
 
beautiful-thing-5.jpgBeautiful Thing (1996)
de Hettie MacDonald (UK) 
Avec Glen Berry (Jamie), Scott Neal (Ste) et Linda Henry (la mère de Jamie)
Un classique du film de coming out. Dans la banlieue de Londres, Jamie subit le harcèlement perpétuel de ses pairs, qui le soupçonnent d’être gay. Seul un garçon, Ste, et une fille, Leah, sont amis avec lui. Sa mère fait tout son possible pour lui rendre la vie plus facile, mais c’est dur pour lui. Jusqu’au jour où quelque chose se passe avec Ste…
Le film ressemble davantage à un bon feuilleton qu’à un grand mélo classieux, mais les acteurs sont irréprochables. Je préfère nettement Get Real (Comme un garçon) dans un genre similaire.
 
 
dragbillye.jpgBilly Elliott (2000)
de Steven Daldry (UK) 
Avec Jamie Bell (Billy), Julie Walters (Mrs Wilkinson), Stuart Wells (Michael)
Est-il besoin de présenter ce film splendide racontant l’histoire d’un garçon de onze ans qui veut devenir danseur ? Billy Elliott est plus qu'un chouette film anglais de plus : grâce au talent et à la grâce de Jamie Bell, les scènes de danse atteignent l'émotion pure. Le réalisateur fait davantage que filmer un gamin qui danse, il capte un rien en plus, joie, transe. Filmer l'art au-delà d'une mise en image un peu plate et suggérer quelque chose est chose rare. L'humanité du point de vue est rassérénante et la chorégraphie finit par déborder les scènes de genre pour donner à l'ensemble la dimension d'un ballet. C’est un poème visuel, qui enlace un destin singulier (celui de Billy) avec l’Histoire (on est en pleine époque thatchérienne). Autre contrepoint, celui qui oppose la vie rude des mineurs en grève et l'univers protégé de la danse. Le meilleur ami de Billy, Michael, est un garçon on ne peut plus sensible, et qui aime mettre des tutus. Les acteurs sont épatants, notamment la grande Julie Walters et Jamie Bell, qui a fait une très belle carrière depuis.
 
Breakfast-on-Pluto.jpgBreakfast on Pluto (2005)
de Neil Jordan (Eire)
Avec Cillian Murphy (Kitten) et Liam Neeson
Irlande du Nord, années 1970 : terrorisme et répression policière s’entremêlent, à la limite de la guerre civile. Dans ce contexte dérangé, Kitten tente de mener sa barque de jeune transsexuel, assez peu concerné par le nationalisme, mais amouraché d’un soldat de l’IRA. On le (la) suit dans des péripéties innombrables, jusqu’à son installation à Londres. Breakfast on Pluto est un film inclassable, mélangeant la comédie camp et un souffle historique. Surtout, le réalisateur a évité les lourdeurs d'un film "sur" de brûlants sujets. A l'image de la légèreté aérienne de Kitten, le film déjoue la tragédie d'un battement d'aile de papillon. La performance d’acteur de Cillian Murphy est absolument à couper le souffle.


Les Chansons d'amour (2007)
de Christophe Honoré (Fr).
Avec Louis Garrel (Ismaël), Ludivine Sagnier (Julie), Clothilde Hesme (Alice) et Grégoire Leprince-Ringuet (Erwann)
J'ai parlé abondamment de ce film dans un post spécifique. Qu'il me suffise de rappeler que cette comédie musicale sur les traces de Demy et de Jeanne et le garçon formidable est sans doute le film le plus abordable à ce jour de Christophe Honoré. La deuxième partie (le deuil) est un peu un ton en-dessous du reste, et d'aucuns ont pu se plaindre des longueurs (au début) ou de l'inspiration inégale. Mais la romance entre Ismaël et Erwann demeure une pure merveille.
 
 
Clara cet été là (2001)
de Patrick Grandperret (France)
Avec Selma Brook (Clara), Stéphanie Sokolinski (Zoé), Salomé Stévenin (Sonia)
Clara et Zoé sont les meilleures amies du monde. Dans le courant de l'été, elles partent faire un stage de voile. Elles font partie d'un groupe qui ne brille pas par son ouverture d'esprit. et qui les traite assez mal. Néanmoins, Zoé se rapproche d'un des garçons, Sébastien, après un épisode ambigu durant lequel elle s'est déclarée amoureuse de Clara. Celle-ci, un peu délaissée, est fascinée de son côté par Sonia, une fille différente, qui se tient soigneusement à l'écart. Mais s'avouer à elle-même qu'elle est plutôt attirée par les filles n'est pas sans lui poser problème...
Ce film inédit en salles est une bonne surprise, par son regard nuancé et sans complaisance sur l'adolescence. Les acteurs sont dans l'ensemble très bons et tout particulièrement le trio de filles.
 
 
CRAZY2.jpgC.R.A.Z.Y. (2005)
de Jean-Marc Vallée (Canada)
Avec : Marc-André Grondin (Zacharie Beaulieu), Michel Côté (Michel Beaulieu), Danièle Proulx (Laurianne Beaulieu)
Phénomène de société au Québec, succès en France, C.R.A.Z.Y. est l’une de ces comédies douces-amères dont les réalisateurs québécois ont le secret, des Plouffes au Déclin de l’empire américain. Comme l’a confié Jean-Marc Vallée, il s’agit plus ou moins d’un film autobiographique, qui raconte comment le quatrième rejeton d’une fratrie québécoise a réussi en un temps très long à s’accepter comme homosexuel et à se faire aimer comme tel par son père.
C.R.A.Z.Y. est un film un peu dingo, au montage ultra-rapide, qui traverse 20 années du Québec et du monde. Le tempo est à la fois à l’origine du comique extravagant de l’histoire et l’une de ses limites, car on est parfois à la limite du foutraque. Le cinéaste a mis un soin tout particulier dans les décors, costumes, musiques, etc., ce qui donne au film un cachet assurément rétro. 
 
 
crustaces-et-coquillages.jpgCrustacés et coquillages (2005)
d’O. Ducastel et Jacques Martineau (Fr) 
Avec Gilbert Melki, Valeria Bruni-Tedeschi, Edouard Collin… 
« C'est l'été. Marc emmène sa famille au bord de la Méditerranée dans la maison où il passait ses vacances quand il était adolescent. Béatrix, son épouse, doit partager son temps entre sa famille et son amant exigeant, venu la rejoindre. Leur fille Laura, 19 ans, attend avec impatience l'arrivée de son petit copain motard qui l'emmènera vers d'autres rivages. Leur fils Charly reçoit Martin, son meilleur ami, dont Béatrix et Marc ne tardent pas à comprendre qu'il est homosexuel. Ils en tirent un peu rapidement des conclusions concernant les préférences sexuelles de leur fils... » (présentation officielle)
Avec cette comédie badine, O. Ducastel et J. Martineau ont réalisé un film plaisant et enlevé. Ils s’ingénient à brouiller toutes les cartes et à jouer avec les codes du vaudeville. À l’arrivée, leur film est un hymne à la liberté sexuelle, servi par une brochette d’acteurs absolument époustouflants. C’est le film qui a révélé Édouard Collin.

 

 

Le Dernier des Fous (2006)

de Laurent Achard (Fr)
Avec : Julien Cochelin (Martin), Pascal Cervo (Didier), Annie Cordy (la grand-mère)

« C'est l'été et le début des vacances pour Martin, onze ans, qui vit dans la ferme de ses parents et observe, désemparé, la désintégration de sa famille. » Ce film de Laurent Achard est un drame extrêmement sombre. Martin le mutique observe ses proches sombrer : sa mère (Dominique Reymond) vit claustrée dans sa chambre, son grand-frère homo (Pascal Cervo) est abandonné par son amant (qui veut se marier), sa grand-mère veut surtout sauver les apparences et vendre la ferme familiale... L'enfant semble stoïque, mais c'est qu'à la façon d'un animal il se blottit dans sa coquille (une gangue de silence ?), incapable d'affronter la peur qui imprène le quotidien.
Bien que n'ayant fait l'objet d'aucune limite d'audience, ce film me semble clairement destiné à un public averti de sa violence terrible (et inexpliquable).

Sur le jeu de Pascal Cervo, le réalisateur Laurent Achard a dit : « [....] je savais que c’était un acteur extraordinaire, mais ce qu’il parvient à faire dans ce film m’a complètement époustouflé. Par son jeu intense, concentré, jamais dans le calcul, et pourtant toujours parfaitement mesuré, il est parvenu à donner à son personnage à la dérive une ampleur si désespérée, si tragique que ma perception du rôle en a été transformée : en devenant le contrepoint parfait de Martin, les deux frères étaient désormais inséparables comme les deux faces d’une même médaille. »

 
Dix-sept fois Cécile Cassard (2002)
de Christophe Honoré (Fr)
Avec Romain Duris (Mathieu) et Béatrice Dalle (Cécile)
Deuxième film de Christophe Honoré, le premier pour le cinéma, Dix-sept fois Cécile Cassard raconte une histoire d’amitié peu ordinaire entre un jeune homosexuel, Mathieu, et une jeune veuve, Cécile Cassard. Dans ce compagnonnage inhabituel, la jeune femme retrouve peu à peu le goût de vivre, tandis que Mathieu trouve un nouveau sens à sa vie.
Nourri par une expérience autobiographique, ce film est un peu maladroit et étouffant. Je n’aime pas trop Romain Duris, donc mon jugement n’est pas non plus très objectif.

L'Éveil de Maximo Oliveiros (2005)
d'Auraeus Solito (Philippines)
Avec : Nathan Lopez (Maxi) et JR Valentin (Victor)
Dans les quartiers populeux de Manille, Maximo (Maxi) vit avec son père et ses frères. Le gamin va à l'école, tandis que ses proches participent à des trafics divers. Il a en quelque sorte pris la place de sa mère dans l'exécution des tâches domestiques, aspect parmi d'autres d'une identité de genre pour le moins féminine. Pour autant, sa gentillesse et enthousiasme (assez queer) en font une figure appréciée du quartier. Le cours du destin change quand Victor, un policier incorruptible, commence à mettre son nez dans les business du quartier. Le gamin tombe amoureux de lui, passion impossible qui va changer son existence, ponctuée de drames.
C'est non seulement un grand film social dans la tradition du néo-réalisme (italien ?!), mais aussi un petit joyau queer au jeu de couleurs explosif, qui joue sur le mélange des genres (comédie, drame, romance). Il n'est réductible à aucune de ses dimensions, pas même à l'aspect "film d'apprentissage" (qu'il a indubitablement). Nathan Lopez est impressionnant de naturel dans le rôle de Maxi.

 
 
Fucking-Amal.jpgFücking Åmål (1998)
de Lukas Moodysson (Suède)
Avec Alexandra Dahlström et Rebecca Liljeberg
« Difficile d'être adolescent à Amal... Pour Elin, la plus populaire et délurée du lycée, les week-ends riment avec cuites répétées et flirts sans lendemains. Agnès elle, n'a pas d'amis car jugée trop "différente". Mais par le jeu d'un mauvais hasard elles vont se rencontrer et leurs vies vont prendre un nouveau virage, jonchées de libertés, de désirs nouveaux et d'amour... Le producteur de Dancer in the dark nous livre avec Fucking Amal un portrait juste, pudique et intelligent sur l'adolescence en évitant avec brio les poncifs inhérents à ce genre de fiction. Succès critique unanime et acclamé par le public, il fait parti de ces films que l'on n'oublie jamais, un peu comme certaines étapes de notre adolescence. » (dossier de presse)
Commentaire personnel toujours pas rédigé (il faudrait que je revisionne le film), mais   

 

 
Furyo-01.jpgFuryo (1983)
de Nagisa Oshima (Japon)
Avec Ryuichi Sakamoto (capitaine Yonoï), David Bowie (Jack Celliers) et Beat Takeshi (Sergent Hara)
Adapté du fabuleux roman de Laurence van der Post, La graine et le semeur (The Seed and the Sawer), Furyo est un très grand film de Nagisa Oshima. Il se passe dans un camp de prisonniers tenu par les japonais pendant la deuxième guerre mondiale. Le capitaine Yonoï fait régner la terreur aussi bien parmi ses propres troupes que sur les centaines de captifs anglais. Mais l’arrivée d’un nouveau détenu, le major Jack Celliers, va changer la donne. Doté d’un courage hors du commun, il tient tête aux geôliers, attirant sur lui la fascination du ténébreux capitaine.
Avec sa musique fascinante, ses images sublimes et son souffle épique, Furyo avait conquis le public français à sa sortie, à un moment où David Bowie était au zénith de sa popularité. C’est devenu un classique du film de guerre.
 
hush2300_203x300.jpgHush (2001)
de Ryosuke Hashiguchi (Japon) 
Avec Seiichi Tanabe (Naoya), Kazuya Takahashi (Katsuhiro) et Reiko Kataoka (Asako)
Naoya est un homosexuel un peu morose, toiletteur pour chiens, à la recherche (évidente) d'une histoire durable. Quand il se réveille avec Katsuhiro à ses côtés, il n'ose y voir plus que l'aventure d'une nuit. Mais ce garçon-là est différent, avec sa candeur désarmante et ses doutes. D'ailleurs, la caméra elle-même l'accompagne dans son existence de laborantin paumé. Naoya est sous le charme, sans trop vouloir espérer. C'est là que survient Asako, une jeune femme instable, pour ne pas dire un peu trash, qui veut concevoir un bébé avec Katsuhiro. Peu à peu, c'est un insolite ménage à trois qui prend forme, non sans remous. Naoya redoute sans cesse que Katsuhiro se détourne, Asako fait des crises et Katsuhiro ne sait comment annoncer à son frère qu'il aime les garçons...
Hush est le troisième film d’un cinéaste japonais intriguant. Alors que les deux précédents avaient un je-ne-sais quoi d'hystérique, celui-ci est d'une splendeur calme, comme si Hashiguchi avait enfin acquis la sérénité. C'est aussi un film drôle, avec des interprètes excellents. J'ai beaucoup aimé.
 
 
Haynes2.jpgLoin du Paradis (2002)
de Todd Haynes (USA)
Avec Julienne Moore (Cathy Whitaker), Dennis Quaid (Frank Whitaker), dennis Haysbert (Raymond Deagan)
États-Unis des années 1950. Les Whitaker forment une famille exemplaire, un modèle de rêve américain. Frank Whitaker est un encore jeune businessman à l’avenir brillant. Mais un jour, Cathy découvre que son mari la trompe… avec des hommes. Bouleversée par cette découverte invraisemblable, mais ne voulant pas détruire son couple, elle se découvre un confident et une attention charitable chez son jardinier noir, Raymond. Mais une telle amitié est-elle tolérable dans une Amérique encore ségrégationniste ? Dès les premières images (la caméra descend en spirales comme une feuille morte), la sensibilité et la beauté de cette oeuvre s'impose. Ce bouleversant mélo, filmé à la manière de Douglas Sirk, est le chef d’œuvre inégalé de Todd Haynes, cinéaste ouvertement gay, et ami de Gus Van Sant. J'ai rarement vu des oeuvres aussi belles, simplement dans le traitement des couleurs, des mouvements de caméra (même si Todd Haynes emprunte des idées à ses prédécesseurs des années 1950). Par ailleurs, s'il s'agit bien d'un mélodrame, à aucun moment le trait n'est forcé pour faire pleurer ceux qui ont la larme facile. C'est un film d'une grande dignité, à l'image du personnage incarné par Julianne Moore. Petite réserve peut-être : Loin du paradis est par excellence ce que l'on pourrait appeler un film "historique", dans la mesure où son propos, ses repères, etc., ne font que nous renvoyer aux années 1950 (et à tout le moins en-deça de la fin des années 1960), sans qu'il soit possible de l'extraire de ce contexte pour interroger notre situation actuelle. Un des plus beaux rôles de Julienne Moore.
 
Ma-vie-en-rose.jpgMa vie en rose (1997)
d’Alain Berliner (Fr)
Avec Georges du Frêne (Ludovic), Michèle Laroque (Elisabeth Fabre), Jean-Philippe Écoffey (Pierre Fabre)
Les Fabre viennent d’emménager dans une nouvelle maison, dans une « splendide » banlieue pavillonnaire de la région parisienne. Pierre a décroché un nouveau job, et vit au milieu de ses collègues, en face de chez son chef. Les Fabre ont quatre enfants, une fille et trois garçons. L’ennui, c’est que le petit dernier, Ludovic, est convaincu d’être une fille dans un corps de garçon. Peu à peu, les idées singulières de Ludo vont semer le trouble, voire la panique, dans tout le quartier.
Ma vie en rose est une comédie absolument délectable et qui ne tombe jamais dans la vulgarité, sur un sujet qui a produit tant de navets stéréotypés. La satire du conformisme et de la bigoterie sournoise fonctionne comme une bombe à retardement.
 
 
Ryan-Kelley-1.jpgMean Creek (2004)
de Jacob Aaron Estes
Avec Scott Mechlowicz (Marty), Ryan Kelley (Clyde), Rory Culkin (Sam)
Six adolescents embarquent sur une rivière, officiellement pour fêter l’anniversaire du plus jeune, Sam, en fait pour punir George (Josh Peck), un gros balourd violent et antipathique. L’expédition prend une tournure étrange et confuse, puis tourne à la tragédie.
Ce film, que l’on a comparé à Stand by Me de Rob Reiner et à Delivrance de John Boorman est un incontestable chef d’œuvre. Les scènes sur la barque sont d’une grande beauté. Le cinéaste a un sens de la nature sauvage qui rappelle incontestablement Rob Reiner. Mais surtout, Mean Creek est un film à contre-courant de ces thèmes à la mode sur l’adolescence dénuée de tout morale, que l’on trouve chez Gus Van Sant ou Larry Clark. Trait d'union entre L.I.E. de Michael Cuesta et L'autre rive de David Gordon Greene, Mean Creek prend à contrepied l'image du teen américain robotisé, dénué de sens moral, seulement livré à ses désirs de sexe et de mort. Qu'on me comprenne bien : les films que j'associe ici ne sont pas des films moralisateurs, mais des réflexions sur l'éveil de la faculté de juger et la perte de l'innocence. Jacob Aaron Estes nous montre exactement cela : des jeunes confrontés à un grave dilemme et qui décident (pour la plupart) d’y faire face. Cette voie alternative est assez rafraîchissante, car elle corrige une vision assez terrifiante de l'Amérique profonde (souvenons-nous aussi de Gummo d'Harmony Korine ou de Tarnation de Jonathan Caouette).
Pour le reste, Mean Creek est un film d'une beauté picturale intense, le digne héritier de Stand by Me de Rob Reiner, avec cette façon inimitable d'enlacer la nature frémissante et l'adolescence. Il n'y a pas le moindre temps mort dans cette tragédie moderne. Le travail sur les non-dits et les échanges de regards est fabuleux. Les acteurs sont beaux et époustouflants, avec une mention particulière pour Rory Culkin (droopy traversé par mille émotions contadictoires), Josh Peck (fabuleux en gros dégueu malheureux) et surtout Ryan Kelley, ado frêle sans cesse houspillé (« faggot ») et qui oppose à cela une humanité, une douceur et une beauté morale qui sonnent plus que juste. Il excelle dans le rôle de l’ado sensible, élevé par deux gay dads (comme le cinéaste le fut). Il me rappelle (toutes proportions gardées) le personnage de Wil Wheaton (Gordie) dans Stand by Me. Très vivemement recommandé.
 
 
Mort----Venise.jpgLa Mort à Venise (1971)
de Luchino Visconti (Italie)
Avec Dirk Bogarde (Gustav von Aschenbach) et Bjorn Andresen (Tadzio)
L’une des rares adaptations au cinéma qui dépasse l’œuvre littéraire dont elle est tirée, en l’occurrence une fastidieuse longue nouvelle de Thomas Mann. De l’œuvre originale, Visconti n’a gardé que le thème de la fascination de l’artiste vieillissant pour un jeune et mystérieux adolescent polonais. Le cinéaste italien a superposé sur cette histoire une évocation de la fin de la vie du compositeur Gustav Mahler. D’ailleurs, l’adagio de sa cinquième symphonie est devenu un gimmick du drame depuis son utilisation dans ce film.
 
 
 My-summer-of-love-copie-1.jpgMy Summer of Love (2004) de Pawel Pawlikowski (UK) Note: ***
Avec Natalie press (Mona), Emily Blunt (Tamsin) et Paddy Considine (Phil)
Mona vivote dans un bled paumé de l’Angleterre profonde, auprès de son frère Phil, qui tient un café. Un beau jour, celui-ci découvre la vraie foi et se mue en prédicateur du Christ. Mona s’évade et rencontre Tamsin, une riche héritière, un peu livrée à elle-même dans la grande maison de ses parents. Une grande histoire d’amour va bientôt unir les deux filles, presque seules pour le temps d’un été.
Cinéaste d’origine polonaise élevé au Royaume-Uni, Pawel Pawlikowski a livré avec My Summer of Love une magnifique romance estivale, d’une grande beauté plastique tout en recueillant l’héritage du cinéma social anglais.

Naissance des pieuvres (2007)
de Céline Sciamma (Fr)
Avec Pauline Acquard (Marie), Adèle Haenel (Floriane) et Louise Blachère
« En assistant à un spectacle de natation synchronisée, Marie, 15 ans, a une véritable épiphanie. Elle développe une obsession pour cette étrange discipline. A moins que ce désir n'en cache un autre, plus souterrain, pour cette fille, la star des nageuses, Floriane... »
Sur ce film plastiquement superbe et tout en émotions rentrées, j'ai écrit un article auquel je vous renvoie.
 
 
Pas de repos pour les braves (2003)
d’Alain Guiraudie (Fr)
Avec Thomas Suire, Laurent Soffiati et Thomas Blanchard
« D’abord, il y a Basile Matin, un jeune gars qui a rêvé de Fafatao-Laoupo, le symbole de l’avant-dernier sommeil. Maintenant, Basile sait que s’il dort encore il va mourir… Ensuite, il y a Igor, un autre jeune gars qui travaille un peu et fait vaguement des études… Ensuite, il y a Johnny Got. Un peu journaliste bénévole, un peu détective et pas mal voyou, il s’intéresse beaucoup aux histoires qui ne le regardent pas… »
En fait, Pas de repos pour les braves est un film irracontable, foutraque et sublime. On a parlé de « western aveyronnais », mais c’est encore trop réaliste, par rapport à ce film complètement hors norme. Jamais Guiraudie n’avait bénéficié d’un tel budget, et hélas le film s’est pris une grosse claque ; c’était trop expérimental. Alain Guiraudie est le plus étrange phénomène de la galaxie des cinéastes gays français.
 
roseaux.jpgLes Roseaux sauvages (1993)
d’André Téchiné (Fr)
Avec Gaël Morel (François), Élodie Bouchez (Maïté), Stéphane Rideau (Serge) et Frédéric Gorny (Henri)
Printemps 1962, dans une petite ville du Sud-Ouest. François, Serge et Henri sont internes au lycée de garçons. La guerre d’Algérie se termine et Henri, jeune pied-noir, est empli de colère. François doit affronter son homosexualité, titillée par les jeux ambigus de Serge, qui lui en pince pour Maïté, laquelle est attirée et dégoûtée à la fois par Henri.
Évidemment, il s’agit d'un des meilleurs films de Téchiné,  aux images d’anthologie, dans lequel le cinéaste a approché au plus près la grâce et les emportements de l’adolescence. Au départ, c’était un film de commande d’Arte, puis c’est devenu ce que Téchiné a fait de plus personnel.
 
 
secret-de-Brokeback-mountain.jpgLe Secret de Brokeback Mountain (2005)
d’Ang Lee (États-Unis)
Avec Jake Gyllenhall (Jack) et Heath Ledger (Ennis)
Été 1963, Wyoming. Deux jeunes cow-boys, Jack et Ennis, sont engagés pour garder ensemble un troupeau de moutons à Brokeback Mountain. Isolés au milieu d'une nature sauvage, leur complicité se transforme lentement en une attirance aussi irrésistible qu'inattendue. A la fin de la saison de transhumance, les deux hommes doivent se séparer. Ennis se marie avec sa fiancée, Alma, tandis que Jack épouse Lureen. Quand ils se revoient quatre ans plus tard, un seul regard suffit pour raviver l'amour né à Brokeback Mountain.
Que n’a-t-on pas écrit sur ce film ? On oublie souvent de préciser qu’il s’agit d’un mélo hollywoodien de facture ultra classique, certes déchirant, mais qui a les limites de ses qualités.


Les Témoins (2007)
d'André Téchiné (Fr)
Avec : Michel Blanc (Adrien), Johan Libéreau (Manu), Emmanuelle Béart (Sarah) et Sami Bouajila (Mehdi)

« Années 1980. Manu débarque à Paris, où il partage la chambre de sa soeur Julie dans un hôtel modeste. Il fait la connaissance d'Adrien sur un lieu de drague homosexuel et noue une amitié chaste avec ce médecin quinquagénaire un rien désabusé. Ce dernier lui fait rencontrer Sarah et Mehdi, un couple qui vient d'avoir son premier enfant. Adrien bouleverse l'existence des uns et des autres, jusqu'au moment où l'épidémie de SIDA tombe comme un couperet au milieu de leur existence. »
Sur cette tragédie faussement réaliste j'ai écrit
ceci.
 
 
Le-Temps-qui-reste.jpgLe Temps qui reste (2006)
de François Ozon (Fr)
Avec Melvil Poupaud (Romain), Valéria Bruni-Tedeschi (Jany) et Jeanne Moreau (Laura)
Romain, jeune photographe trentenaire et homosexuel, apprend un jour qu’il est atteint par un cancer foudroyant et qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. Sans rien dire à personne, il envoie sa vie en chandelle, incapable de cohabiter avec cette idée de la mort imminente. Seule sa grand-mère, Laura, saura l’aider à trouver le chemin de la paix intérieure.
Avec ce film à petit budget, au caractère intimiste, François Ozon a réalisé ce que je considère comme son meilleur film avec Regarde la mer. Ce que je trouve particulièrement fort est que le cinéaste ne cherche jamais à nous apitoyer sur son personnage, qu’il n’a pas hésité à rendre par moments très antipathique. On ne ressort pas indemne d’une telle expérience de cinéma, et je trouve étonnant que cette oeuvre sombre n’ait pas été au moins déconseillée au moins de douze ans.
 
Truman Capote (2006)
de Bennett Miller (Etats-Unis)
Avec Philippe Seymour Hoffman (Capote) et Catherine Keener (Nelle Harper Lee)
Capote raconte ce moment crucial de la vie de l’écrivain Truman Capote, qui a transformé un brillant prodige littéraire en un chroniqueur réaliste d’un horrible crime, relaté dans In Cold Blood, son livre le plus célèbre.
Tout le monde a célébré la performance d’acteur de Philippe Seymour Hoffman, qui campe un Capote ultra proche de l’original. On en a un peu oublié à quel point le film est intéressant dans sa façon de disséquer la relation vampirique entre un écrivain et un meurtrier en attente de l’échafaud. Il y a aussi un vrai travail sur les lumières et les ambiances, qui en fait un film spectral et ténébreux.
 
 

Ville-prince-enfant.jpgLa Ville dont le prince est un enfant (1994)

de Christophe Malavoy (Fr)
Avec Naël Marandin (Servais), Clément Van den Bergh (Souplier) et Christophe Malavoy (l’Abbé de Pradts)

Adapté d’une pièce d’Henri de Montherlant, La Ville dont le prince est un enfant raconte l’amitié passionnée de deux élèves d’un collège catholique, Servais, 14 ans, et Souplier, de deux ans son cadet. Autant Servais est un élève brillant et estimé, autant Souplier est comme en retrait du monde, et dotée d’une nature lascive. Souplier fascine aussi l’Abbé de Pradts, qui ne supporte par l’immixtion de Servais dans sa relation passionnelle pour le jeune écolier. Une lutte s’engage entre le prêtre maléfique et l’adolescent révolté.

Cette adaptation télévisuelle réalisée par Christophe Malavoy est plutôt une bonne surprise, aidée par un beau travail sur les décors et les ambiances, et par des acteurs remarquables. Le DVD dispose d’une richesse de bonus absolument remarquable.

 


 
En attente :
 
Ander (2009) de Roberto Caston
Drôle de Felix (2000) d’O. Ducastel et J. Martineau
J'ai tué ma mère de Xavier Dolan (2009)
Torch Song Trilogy (1988) de Paul Bogart
Et tant d'autres !
 

Voir les commentaires

Erwin Mortier : une interview dans Libé en 2004

 

Je tiens à préciser (ou à rappeler) que je ne suis pas l'auteur des lignes qui suivent. C'est une interview publiée dans Libération par Sean James Rose et intitulée "Polder du temps" que j'avais repiquée sur internet à l'époque. Elle m'a fait découvrir l'auteur (ma reconnaissance éternelle au journaliste). Mes analyses personnelles sont ici et .

ERWIN MORTIER
Ma deuxième peau
Traduit du néerlandais par Marie Hooghe. Fayard, 234 pp., 17 €.

 

Dans la première scène de Ma deuxième peau, le père, observé par le narrateur bébé, se rase ; dans une des dernières scènes c'est le même homme vieilli, tel qu'il apparaît dans la glace de la salle de bains qui rase son fils, incapable de se préparer convenablement pour les obsèques de la personne qu'il aime. Entre ces deux moments, vingt ans ont passé. Celui qui raconte a aujourd'hui 40 ans, Anton regarde une photo : « Eté 197*, le dernier voyage scolaire avant notre diplôme et notre entrée à l'Université. » Mais ça, c'est vers la fin du roman d'Erwin Mortier, là où on découvre que ce qu'on croyait se dérouler dans le sens de la marche, à savoir chronologiquement, n'était en vérité qu'un long regard rétrospectif. Tout se décante d'un coup. Trompé par la formidable plasticité du temps romanesque, le lecteur, comme le narrateur, prend un coup de vieux. C'est à se demander si les saisons de la vie passent aussi vite que se tournent les pages de l'ouvrage. Le temps est la véritable étoffe des romans de l'auteur belge né en 1965.

 

La Flandre des années 60-70, Anton, unique rejeton né dans une famille de fermiers en plein déclin, est un garçon délicat qui a du mal à trouver ses marques. C'est l'adolescence, Anton admire Roland, ce cousin casse-cou qui ne doute de rien, venu habiter chez eux ; il y a aussi Willem, un redoublant de sa classe, tout aussi énergique mais d'une grâce troublante. Ma deuxième peau est le second volet d'« une trilogie informelle qui traite de la mémoire et de la façon dont chacun tente de gérer son passé ». Le premier, Marcel (Fayard, 2003), était une histoire familiale de collaboration avec les nazis revisitée par un enfant ; le dernier, Temps de pose, est la quête d'un père inconnu que poursuit un protagoniste au seuil de l'adolescence, à paraître l'année prochaine, chez le même éditeur.

 

La fin de l'enfance, le début de l'adolescence, c'est une période qui vous intéresse.

 

Tout y est flottement, le monde des possibles s'ouvre, tout apparaît malléable, versatile. C'est le moment où on réalise que les rêves peuvent basculer dans le réel ou s'évanouir à jamais. C'est pour cette raison qu'Anton qui le pressent est si prudent, c'est un rêveur qui n'ose pas agir trop vite. S'il envie l'aplomb de son cousin Roland, son goût de l'aventure, une part de lui-même désire également la vie tranquille et petite-bourgeoise à laquelle leur camarade Roswita se destine. Ses émotions dépassent son entendement. Il hésite sans cesse. Pour expliquer sa façon de penser, comparée à celle de Roland, il dit qu'il est comme une domestique« qui ouvre prudemment des tiroirs, essaie en cachette des robes devant la glace et les range sans un faux pli ».

 

Le titre est ambigu, de quoi s'agit-il au juste, du narrateur, de son petit ami ?

 

L'ambiguïté est voulue. Cette « deuxième peau » c'est aussi bien le monde dans lequel il a grandi, ce milieu modeste de fermiers désargentés, le clan des Callewijn, l'enfance, les parents, les oncles, les tantes ; que son premier amour, Willem ; que, enfin, la langue qui devient le sanctuaire de son deuil, les mots qui enveloppent son sentiment de perte, et tentent de le traduire.

 

La société flamande à l'époque du roman, les années 60-70, passe de la société traditionnelle rurale à la société de consommation. L'aliénation d'Anton n'en est-elle pas ressentie encore plus fortement ?

 

Bien sûr, il se rend compte de l'obsolescence de certaines valeurs : la famille, la tradition, la hiérarchie, transmises par un système éducatif rigide (les professeurs leur reprochent à lui et à Willem d'entretenir un lien d'amitié trop serré). Mais son aliénation est surtout due à sa sexualité, qui est considérée en marge, et, partant, contre l'ordre naturel des choses. Elle lui donne une chance extraordinaire de se rendre compte qu'en n'ayant pas sa place, il doit lui-même la trouver. Il prend conscience que rien n'est donné d'avance, qu'il faut se créer soi-même, construire sa vie, réinventer l'amour. Et c'est son père qui, en lui donnant une leçon de rasage, sans le savoir, lui donne un conseil de vie : « Tout simplement, accompagner le mouvement. Suivre les lignes de ta nature. C'est ainsi qu'on ne se coupe pas. »

 

C'est un roman pudique : rien n'est dit, rien n'est décrit de la relation entre Anton et Willem.

 

Dans le manuscrit original, il y avait un chapitre beaucoup plus explicite, mais, à la relecture, je l'ai supprimé, car j'avais l'impression qu'il retirait toute sa force au livre. Aussi le corps des jeunes amants est-il dépeint par petites touches impressionnistes. Ce qui m'intéressait, c'était de faire partager la confusion émotionnelle d'Anton, son désarroi face à un sentiment qu'il a du mal à définir. Je ne voulais pas d'un « roman gay », en étant plus implicite, je recherchais quelque chose de plus universel, une histoire dans laquelle tout le monde aurait pu se reconnaître. Une histoire d'amour et de deuil. Pour moi, l'important dans un livre, c'est ce qu'il y a entre les lignes, les interstices qui laissent respirer l'imaginaire.

 

La mort est très présente dans vos livres. Dans votre premier roman, Marcel, la grand-mère rendait un culte aux défunts.

 

On raconte des histoires parce que les choses disparaissent, et que les gens meurent. Mais cette manière de faire revivre le passé ou de combler son manque permet aussi de se décharger du poids de son histoire pour s'en sortir, de se forger une identité propre. Cela vaut autant pour un individu que pour un pays. Pour la Belgique, c'est flagrant. Nous, les écrivains belges, nous n'arrêtons pas d'écrire des histoires pour justifier notre identité.

 

Vous êtes également poète.

 

Je ne vois pas la différence entre poésie et roman. Mon écriture a parfois été taxée de nouvelle préciosité. Un avatar du symbolisme ? C'est sans doute à cause du soin dans le choix des mots, d'un style soi-disant « ouvragé », du souci du détail. Évidemment, je suis conscient de ce que j'écris, mais je ne retravaille pas mes phrases tant que ça, elles me viennent naturellement. Ce n'est pas la poésie que j'impose ou injecte dans mes livres, je dirais que le processus est inverse : c'est le potentiel poétique du réel qui se déploie dans l'écriture.

Interview et texte de présentation par Sean James Rose

Voir les commentaires

Nicolas Bacchus

Chaque année apporte son lot de découvertes musicales fortes. Si mon penchant pour le rock ne se dément pas, j'ai conservé depuis l'adolescence un tropisme fort pour la chanson française « à texte » comme on dit. Grâce à mes divers journaux préférés, j'ai pu découvrir ces dernières années des gens sensationnels comme Camille, Florent Marchet, Jeanne Cherhal, Coralie Clément, Cali, Romain Humeau, etc. 

bacchus6.jpg

Parfois, ce fut plus fortuit et généralement plus confidentiel : Clarika (cela commence à faire longtemps : 1992 !), Bastien Lallement, Fabien Martin, Thibaud Couturier... Et depuis 2006, dans ce registre partiellement fortuit, Nicolas Bacchus. Et j'ai envie de lui faire de la pub, parce qu'il est à mon avis des plus talentueux et, ce qui ne gâche rien, parce que ses humeurs politiques me ravissent. Peut-être certains d'entre vous en ont entendu parler. Il semblerait passer dans certaines bonnes émissions de radio (comme celle d'Hélène Hazéra sur France culture), mais il n'est pas du genre que les bien pensants s'autorisent à diffuser : « grande gueule » comme François Béranger, plus décapant que Renaud (jeune), plus rose que Dick Annegarn, plus irrécupérable que Léo Ferré. Bon, peut-être fais-je dans le dithyrambe excessif, mais tant que vous n'aurez pas essayé, vous ne pourrez pas le vérifier.  

Il a trois albums à son actif. Seuls les deux derniers sont disponibles : Balades pour enfants louches (2002, un album enregistré en live), et À table. Chansons bleues ou à poing (2005).
De son vrai nom Nicolas Bages, il écrit à peu près 30 à 50 % des textes de ses chansons, secondé par deux amis, Dany Rodriguez et Erwan Temple, et presque toutes les musiques. Quelques titres marquants : « Les Sans papiers », « Les restos » (du coeur), « Ton fils (...dort avec moi) », « D'Alain à Line » (une merveille digne de Bobby Lapointe), « Les pommes, les papous, les châteaux », « Dans les saunas », etc.

TON FILS (... dort avec moi)
Paroles et musique : Nicolas BAGES

Toulouse est maquillée
Pour la nuit et sa clique
Dans les bouges, les cafés
Je porte ma musique
Y'a bien toujours quelqu'un
Pour m'prêter un plumard
Me dire que rentrer, c'est trop loin
Et endormir mon cafard

Mais ce soir-là, personne
J'sais pas où m'poser
Alors je traîne ma pomme
Là où c'est allumé
Y'a des gens tout serrés
Des néons bizarres
D'la musique à danser
Et en aidant le hasard

Non. Madame, cette nuit-là
Non, ton fils n'a pas
Dormi avec les filles
Non. Madame, cette nuit-là
Non, ton fils n'a pas
Ton fils a dormi avec moi.

Dans une boîte un peu glauque
Pire qu'au pire cinéma
Ça s'voyait. l'un comme l'autre,
Qu'on n'avait rien à faire là
On est sorti marcher
Pour entendre nos voix
Et au lieu d'se quitter
On s'est embrassé, comme ça

C'est drôle, mais ça r'semblait
A des rêves d'avant
Quelque chose qu'on cherchait
Tous les deux depuis longtemps
On s'est trouvé tous cons
On s'est serré plus fort
Nos corps ont des raisons
Que vos raisons ignorent

Refrain

Pleure pas, jolie Madame,
Ton gars choisit sa vie
Va pas en faire un drame
Ton môme, je l'aime aussi
Et pas la peine de me chercher

A la Gay-Pride, dans ta télé
J'passe pas ma vie à m'planquer
J'ai pas b'soin d'un jour pour m'montrer.

 

tetedefou.jpg
Sur scène, il donne une version décoiffante du « petit âne gris ». Vous ne faites pas erreur, c'est bien la célèbre scie d'Hugues Auffray, mais ils remodèle les paroles et parodie divers chanteurs (Barbara, Francis Cabrel, Renaud, etc., sur l'album de 2002, et Carla Bruni, Jean-Jacques Goldmann, Bénabar, et un Vincent Delerm à hurler de rire sur l'album de 2005). L'ensemble est furieusement drôle. Il y a diverses sources d'inspiration : les « topiques » de la chanson française (l'amour, la mort, la maladie, les désillusions, les bourgeois, les personnages pathétiques, la politique), avec quelques originalités bien ancrées et assez hétérodoxes dans le message (une préoccupation constante pour le tiers-monde, les associations, le militantisme). Et une bisexualité (tendance gay) revendiquée glorieusement, rigolarde, qui donne certains de ses textes les plus réussis et les plus piquants. 

Il a également un site très personnel, et qui vaut le déplacement :

 

On y apprend entre autres qu'il participe à un collectif de chanteurs qui fait des spectacles à propos du groupe pétrolier Total. Voilà ce que je pourrais dire en bref. J'espère que cela vous donnera envie d'aller y écouter d'un peu plus près.
 

Voir les commentaires

3 nouveaux livres pour ados (en anglais) avec des personnages gays

J'ai enchaîné 3 livres remarquables pour ados ces derniers temps : The Method de Robert Paul Walker (1990), Hard Love d'Ellen Wittlinger (1999) et Peter de Kate Walker (1991). Circonstance fortuite, ce sont trois livres fortement humoristiques, avec des dialogues assez virtuoses. Le premier est difficile à trouver autrement que d'occasion ; les deux autres sont disponibles neufs (en ligne). Ce sont plutôt des livres pour ados déjà mûrs (14 ans et plus).
 
"Albie sat in the bathtub and tied to get comfortable. It was ridiculous. Either his feet went halfway up the tile wall, or his head bumped into the towell rack. Finally, he scrunched himsel into a fetal position, with his knees up around his chin. It wasn't good, but at least he could soak his back and shoulders at the same time. The arms and shoulders were bad, but the back and shoulders were worse." (p. 25)
The Method raconte un été d'Albie Jensen, seize ans, grand échalas maladroit, qui rêve de jouer le monologue d'Hamlet. Depuis le divorce de ses parents, il vit seul avec sa mère, qui tente de refaire sa vie. Il a réussi à intégrer une classe d'été dans sa high school, animée par Mr Pierce, un adepte de la méthode de Stanislavski et de l'Actor's studio. Il y a quelque chose de M. Hulot en plus jeune chez ce garçon malin mais extraordinairement gaffeur.Le petit groupe d'heureux élus socialise peu à peu. Albie sympathise avec Mitch et Maggie. Il prend une cuite mémorable, trahit ses nouveaux amis pour fréquenter le brillant Cliff et sa petite amie Stefanie, découvre que le monde est parfois cruel, et apprend petit à petit à faire un peu plus attention aux autres. On est en plein dans le genre "roman d'apprentissage", mais celui-ci a au moins deux qualités propres : il noue de façon ingénieuse une forme assez bateau avec une évocation des pratiques théâtrales qui joue un rôle de miroir pour ces adolescents en construction (en devenant des acteurs, ils apprennent peu à peu aussi à vivre); c'est un roman vif et qui manifeste une grande malice, tant à l'encontre du lecteur que de ses personnages. La figure du professeur, Mr Pierce, est tout à fait intéressante et se complexifie à mesure que le roman avance. L'homosexualité est un thème secondaire mais non négligeable de l'histoire.
 
Hard Love d'Ellen Wittlinger est un récit à la première personne. Les premières phrases en donnent tout de suite le ton.
"I am immune to emotion. I have been ever since I can remember. Which is helpful when people appeal to my sympathy. I don't seem to have any."
Ici, l'humour sera noir et l'émotion un problème. John Galardi Jr a seize ans et il a décidé de publier un "zine", c'est-à-dire un journal autoédité, Bananafish, dans lequel il donne libre cours à son humour cinglant. Ellen Wittlinger lui a prêté un talent de satiriste et une matûrité de jugement, qui lui font considérer la vie ordinaire de ses contemporains avec beaucoup de détachement. John, qui s'est rebaptisé Giovanni pour ses aventures littéraires, n'a qu'un seul ami, Brian, qu'il moque et maltraite avec application. Ils habitent dans une lointaine banlieue de Boston, dans le Massachussetts. Chaque week-end, John va chez son père, qui habite en ville. Il a découvert le zine tenu par Marisol, qui se définit elle-même "Puerto Rican Cuban Yankee Cambridge, Massachussetts, rich spoiled lesbian private-school gifted-and-talented writer virgin looking for love". Fasciné par la personnalité littéraire de Marisol dans son zine Escape velocity, il n'aura de cesse de la rencontrer et de devenir ami avec elle. Cette amitié ne va pas sans heurts et sans clashs, car la jeune fille est dotée d'une personnalité volcanique et rejette à priori les adolescents mâles hétérosexuels, encore que John se dise "neutral" au début du roman. 
Nourri de tout un esprit folk hérité de la contre-culture, Hard Love est une très belle histoire d'amour et d'amitié, qui dissèque les confusions et les ambiguïtés d'adolescents presque adultes. De nombreux extraits de journaux sont insérés dans le livre, ainsi que des chansons, qui font rupture par rapport au fil de la narration et nous font revivre les expériences d'écriture et de lecture de John. Bien entendu, son cynisme cache de grosses blessures. Les deux personnages centraux prennent rapidement de l'étoffe et l'auteure sait à merveille nous suggérer tout ce qui se cache dans les blancs de la parole et faire surgir les émotions enfouies. Demeure cet humour cinglant et un peu désespéré qui fait de la lecture de ce roman un grand plaisir.
 
J'ai gardé pour la fin Peter de Kate Walker que je viens de terminer. Il y a deux aspects assez coriaces pour un lecteur pas totalement bilingue : la plupart des dialogues sont écrits en aussie (australien), avec un nombre spectaculaire d'idiomatismes, et si on ne connaît rien à la moto, il y a des passages assez hard. Malgré ces obstacles, le livre se lit facilement. Là encore, le héros est le narrateur de l'histoire, un garçon de 15 ans et demi, excellent à l'école, affligé d'un grand frère étudiant et exaspérant, Vince, d'une mère infirmière divorcée hyper protectrice, et d'un père qui ne se montre que pour beugler et faire des scandales, avec une mentalité de beauf épais. L'environnement de Peter est peuplé de ploucs pas très fins, y compris son meilleur ami, Tony, dont la seule obsession est de coucher avec des filles. Les deux fils ont choisi de vivre avec leur mère dans ce qui semble être un bled paumé de l'Australie profonde. Passionné de moto, Peter se retrouve à côtoyer régulièrement une bande de loulous assez peu recommandables, sous la coupe de "Gaz", leur chef, flanqué de gars vicieux, bêtes et intolérants, notamment le bien-nommé "Rats". Leur jeu préféré est de harasser Eddy, surnommé Alice, "the poof", pas très courageux mais toujours près à se faire accepter, y compris par les moyens les moins recommandables.
Vince et Peter n'ont pas été éduqués comme ça. Ils sont "smart and sensitive", tolérants, toujours près à balancer une vanne. Leur mère a fait leur éducation sexuelle et il y a des capotes plein la maison. Un après-midi, Vince embarque son frère à son corps défendant pour des courses en ville. Vince veut dépanner son ami David Rutherford dont la voiture de collection est en panne. Il se défausse sur son petit frère des emplètes de légumes pour la famille. Au dernier moment, Peter embarque David pour les courses en plantant Vince. Un début de complicité naît entre l'ado et le jeune adulte. Un peu plus tard, Vince met en garde Peter en lui expliquant que David est gay. De cette révélation va naître une cascade de complications, aggravées par la présence de la horde de motards débiles.
Le livre est construit sur un crescendo dramatique et émotionnel particulièrement intense et bien foutu. L'ambiance incroyablement homophobe du patelin est rendue de manière remarquable. Mine de rien, Kate Walker a un don pour faire saillir la bêtise et l'intolérance humaines. La famille de Peter tranche là-dessus par son ouverture d'esprit, sauf le père, qui est un concentré de crétinerie. Là encore, l'humour est particulièrement réjouissant. La fin est extrêmement émouvante. Très vivement recommandé si vous pouvez lire l'anglais.

Voir les commentaires

"Les Témoins" de Téchiné (échange de vues)

Libereau-3.jpgJohan Libéreau


J'ai vu Les Témoins d'André Téchiné il y a deux mois maintenant et cela restera, avec Le Lieu du crime et Les Roseaux sauvages, comme l'un de mes films préférés d'un réalisateur dont je connais presque tous les films. J'ai trouvé le travail sur les couleurs, les lumières, les visages, les sons, absolument magique, et j'ai un énorme faible pour Johan Libéreau (que j'avais déjà vu dans Douches froides d'Anthony Cordier) et pour Emmanuelle Béart. J'ai en outre un désagréable sentiment d'identification au personnage joué par Michel Blanc, même si je suis plus jeune...

Emmanuelle-B--art.JPG
  Des esprits vifs ont été décus par les nombreuses invraisemblances du film. Ainsi Emmanuel:
"la semaine dernière,
les témoins.
téchiné.
[...]
tout faux, je trouve.
sida express,
comme un aller retour en une poignée d'heures, de paris à l'ariège.
des références en trop,
de la crème chantilly qui gâche le goût, un film meringué, alors que je m'attendais à un sablé..."

"l'idée du film est de faire un flash back sur la découverte du sida.
crois tu qu'en un an, tout se soit ainsi organisé , crois tu que même à l'époque, on mourait en quelques mois d'un kaposi pas très fidèle ?
que michel blanc le héros ait tout créé ?
qu'on puisse faire l'aller retour pour l'ariège en une demie journée ?
c'est tout de même un peu incohérent, non ?
que le père ait eu affaire avec l'algérie, comme ça, entre la pâté et la mort ?
et que sais je encore ?
et cette scène du mourant courant encore vers son jardin de drague préféré ?
[...] hop, comme ça, l'affaire est dans le sac.
remake piteux de brokeback mountain.
tout de même, téchiné est tout de même bien placé pour en connaître un minimum sur le sujet, non ?
j'ai trouvé ça drôle, tellement c'était stupide et sonnait faux."
y avait-il besoin que le flic cocu soit bisexuel et beur ? n'est ce pas un peu trop ?

 

Je peux me tromper, mais il me semble que Téchiné n'a jamais eu cure de la vraisemblance. Son cinéma semble réaliste, mais en fait il ne l'est pas. J'ai l'intuition que ses idées de situations sont abstraites. Il fonctionne par tableaux qui montrent des relations, des allégories. Ses histoires sont souvent creuses, ou abracadabrantes, ou schématiques, parce que ce n'est pas un raconteur d'histoire. C'est quelqu'un qui spécule sur des interactions entre des personnages. Il leur faut un décor, une succession de scènes. Son cinéma est un théâtre déplacé.
  Libereau-4.jpg
Johan Libéreau en Manu foudroyé
 
En l'occurrence, je m'étais dit que Les Témoins était une tragédie qui condensait un certain nombre d'aspects des années 1980-1990, mais que Téchiné se moquait de reconstituer l'époque, car, ici comme ailleurs, il se fout de la reconstitution historique. Il la traite par dessus la jambe, par quelques détails, ici les chansons comme "Marcia Baïla", les extraits de JT; dans Les Roseaux sauvages il y avait les slips kangourous (et encore, ils n'étaient pas du tout d'époque); les costumes dans Les Égarés. Mais les personnages des Roseaux avaient des comportements et des vues qui n'étaient pas du tout "années soixante", sans parler des invraisemblances autour de Gaspard Ulliel dans Les Égarés (je m'en tiens délibérément aux films qui sont censés évoquer le passé).
Libereau--Blanc---B--art.jpg
Mais Téchiné est nul en histoire. Ou plutôt : il s'en fout. Il revisite des périodes clés de sa vie (la petite enfance sous l'occupation, l'adolescence pendant la guerre d'Algérie, la maturité dans les années 1980) et projette sur elles sa sensibilité d'ici et maintenant. Ce qui l'intéresse, il me semble, c'est d'offrir une certaine texture picturale (un cadre) à une situation de rencontre entre des êtres humains rêvés, ou "abstraits". Seule la rencontre, conflictuelle, amoureuse, etc., n'est pas abstraite. Et pour la faire vivre, il faut un minimum de réalisme, et des acteurs qui donnent de la vie au tableau. Il est très fort pour faire exploser la vie par ses acteurs.
Je suis bien d'accord que le statut fictionnel des personnages est peu crédible. Au reste, celui d'Emmanuelle Béart n'est pas du tout "des années 1980", car il n'y avait pas encore eu ce boum des écrivains pour enfants qu'on a connu peu après. Et la découverte du SIDA remonte à bien plus tôt. Dès 1982, quand j'avais 14 ans, j'ai lu des choses sur le "cancer gay" dans Le Matin de Paris et Libération. Les dates du film sont beaucoup trop tardives. En 1986-1987, les choses étaient bien plus installées que ne le suggère le film. C'est que tout y est archétypal. Michel Blanc est médecin de pointe et gay et très affranchi, et il se trouve là pour s'occuper de Manu. Les relations entre le "flic-beur-bi qui n'a aucune hésitation à nouer une liaison avec un jeune homme" et le médecin jaloux, c'est du théâtre, rien que du théâtre. Pareil pour l'amitié entre les personnages d'Adrien et de Sarah, c'est un truc qui nous est donné, on ne sait pas d'où ça vient ni où ça va, c'est un mystère. En fait, c'est parce qu'ils vont témoigner après, chacun à leur façon, qu'ils sont amis, alors que les deux "actifs" sont mort (Manu) ou cramé (Mehdi). Il y a les gens dans la vie (ceux que j'ai appelé les actifs) et ceux qui la contemplent ou l'accompagnent, mais restent un peu en marge, au moins à certains moments.
Libereau---Bouajila.jpg 
Bref, je suis totalement d'accord avec la critique d'Emmanuel sur l'invraisemblance du film, sauf que j'ai essayé de suggérer que ce n'était pas le problème de Téchiné (ni le mien, ici, par voie de conséquence). Quand il s'agit d'art, faut-il ne se préoccuper que du fond. C'est la cohérence interne d'un projet qui m'intéresse, y compris s'il n'a rien à dire sur notre monde, sur notre passé, sur notre société, ou que sais-je. En l'occurrence, Les témoins n'a rien à dire sur notre histoire du SIDA dans les années 1980 comme succession de moments, de peines, de peurs, de réconforts. Il la passe à la centrifugeuse et ne retient que l'idée de tragédie qui fait mourir avant l'âge une sorte d'ange, bouleversant ceux qui l'entourent, les nourrissant aussi. Et cette tragédie a plusieurs tableaux qui correspondent à des moments, lesquels sont assez peu historiques, sans parler de leur difficulté à faire un récit.

Voir les commentaires