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C'est comme ça

Depuis aujourd'hui est lancé le site C'est comme ça. Je ne vais pas me perdre en commentaires. L'idée, c'est d'apporter un soutien à tous les jeunes LGBT qui se sentent isolés, rejetés, sans repères, et de fournir une information aussi large que possible à un public adolescent "autour" de 15 ans (la fourchette peut être large).  Si d'aventure vous trouvez le projet intéressant ou si vous connaissez des adolescent-e-s que ce site pourrait intéresser ou aider, n'hésitez pas à transmettre l'information. Le communiqué de presse de SOS homophobie reprend pour bonne part un texte d'intention rédigé préalablement. Ce dernier est un peu écrit en "universitaire", mais il est assez fidèle à l'intention et à la somme de lectures, réflexions, échanges qui ont présidé à notre travail. Je l'ai publié ici à ce titre.

Sur le présent blog, effort d'une seule personne, c'est l'occasion pour moi de répéter tout le prix du travail collectif. Ce qui a été réalisé sur le site C'est comme ça, aucun individu ne saurait le réaliser seul. C'est la synergie de sensibilités différentes, le lent travail d'élaboration à plusieurs, les corrections réciproques, qui font le prix du résultat final. Et puis il y a un autre aspect, non négligeable : on se sent tellement moins seul ainsi ! Notre époque met tellement en avant les individus qu'elle en finit par oublier combien un projet s'enrichit et gagne en cohérence quand il est le fruit d'une élaboration collective. Pas la peine d'en rajouter.

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À pic de Frank Secka

 

Frank Secka, À pic, éditions Thierry Magnier, 2002.

 

secka_2.jpgPour les besoins du projet C'est comme ça, j’ai été amené à relire récemment de nombreux livres jeunesse à thématique LGBT. L’exercice m’a fait revivre mes premières découvertes, dans les années 2003-2004. Dans certains cas, j’ai été déçu par rapport à mon expérience initiale (ça a été le cas pour le Cahier rouge de Claire Mazard), dans d’autres j’ai reconsidéré un souvenir mitigé (J’ai pas sommeil de Cédric Érard — que j’avais lu trop vite et sur lequel j’aimerais faire un post élaboré). Et puis il y a cette valeur sûre qui a traversé les années : À pic de Franck Secka, découvert en juillet 2003, et qui m’avait propulsé derechef dans Le Garçon modèle, roman « adulte » du même.

Cette relecture m’a permis de confirmer une intuition : Franck Secka a vraiment une très belle plume, une authentique maestria d’écrivain, qui peut tout se permettre. En particulier, À pic est complètement bluffant. Sous la forme d’une remémoration, adressée en guise d’envoi à un-e destinataire surgi-e de nulle part, il y raconte les premiers émois d’un garçon à peine sorti de l’enfance (et dont l’âge n’est jamais fixé), à la fin des années 1970. La coïncidence avec la date de naissance de l’auteur (né en 1965) n’est peut-être qu’un attrape-nigaud (ou pas).

 

Dès les premières lignes, Jean, le narrateur d’À pic, plante le décor :

C’était il y a longtemps... En 1977. À cette époque, une professeur d’anglais du lycée de mon frère réunissait chaque année une cinquantaine d’adolescents pendant les vacances de Pâques ; avec l’accord de leurs parents (ainsi qu’une somme d’argent proportionnelle au dérangement), elle les emmenait skier à Thal dans les Alpes suisses. Mon frère faisait partie de ce groupe pour la troisième année consécutive et, quoique je sois de cinq ans son cadet, je m’étais chaque fois plaint de ne pas partir avec lui. (p. 11)

 

Âgé d’une douzaine d’années à l’époque (à ce que l’on devine), Jean est pour la première fois du voyage cette année-là. Il part, encore un peu petit garçon, manifestement peu dégourdi, pour ce qui va être une expérience initiatique. Chaque moment saillant est raconté avec un mélange de jeu sur le genre éculé du récit de vacances et de truculence. Très conscient de lui-même et des codes de popularité, il glisse sur les événements pour se composer un personnage de mascotte cool. C’est néanmoins par une succession de bévues qu’il retient l’attention du groupe : il chute à ski, s’égare dans la ville d’à côté, frôle l’accident lors d’une soirée de griserie... Il sympathise plutôt avec les filles, s’il n’y avait Samuel, un garçon légèrement plus âgé que lui, objet d’une fascination que le narrateur, dans un premier temps, effleure et distille. Avec la montée d’un intérêt réciproque chez Samuel, Jean se découvre peu à peu, la narration suggérant avec un bonheur rare la mue progressive de ce qui était au départ une attirance vague en quelque chose de nettement plus fort.

 

Écrit dans une langue alerte et délurée, À pic est une très grande réussite, en particulier dans sa façon de montrer comme incidemment la découverte des sens et le désir d’un garçon… pour un autre garçon. Le narrateur arrive à suggérer le mélange de pudeur et de franchise d’un préadolescent pour lequel des sensations confuses peu à peu s’ordonnent, trouvent des mots, faisant brusquement rupture avec l’enfance. Ultra rythmée et très orale au début, la langue devient plus lente et poétique à mesure que le roman s’approche de son terme, épousant l’humeur changeante du personnage. Là est sans doute l’un des indices les plus probants de la maestria que j’évoquais : dans cette façon de faire coulisser des registres, depuis la légèreté aérienne du début, farceuse et connnivente, jusqu’au goût de cendres des derniers chapitres. Et malgré la jeunesse de Jean, il n’y a pas d’âge pour s’identifier à l’expérience qu’il traverse.

 

J'aimerais détailler davantage l'analyse. J'avais envisagé de créer une page annexe à cet effet, afin de ne pas dévoiler en première intention le chemin accompli par Jean. Une autre fois ?

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De retour

Après dix mois de silence (ou presque), j'espère pouvoir consacrer davantage de temps à ce blog. L'une des raisons principales de mon mutisme est que j'étais occupé à un autre projet, collectif, et dont je parlerai bientôt. C'était ma priorité. Les choses prenant enfin tournure, j'aurai davantage de temps libre (?).

Bien sûr, je suis désolé pour toutes ces visites dont vous êtes revenu-e-s bredouilles. Mais il faut quand même replacer les choses dans leur contexte : toute cette activité, offerte à titre grâcieux, dévore énormément de mon temps libre. Les posts de ces derniers mois me demandaient toujours davantage de travail : relectures multiples (des livres chroniqués), réécritures (incessantes), exigences sans cesse accrues... Il est arrivé un moment où mener cette activité en parallèle avec ma vie de famille, mon travail, mes activités militantes, etc., est devenu presque impossible. En plus, je ne pouvais plus lire un livre sans me préoccuper de ce que j'allais en dire, au risque de perdre le plaisir simple de l'activité de lecture elle-même. 

 

Peck SproutA l'été dernier, j'ai lu un nombre important de romans pour la jeunesse à thématique gay en anglais, dont certains auraient incontestablement leur place ici. Je pense en particulier au merveilleux Sprout de Dale Peck et à l'hilarant The Screwed-up Life of Charlie the Second de Drew Ferguson.  Et puis il y a l'autre choc de ce s derniers mois, ferguson1.jpgle roman Lake Overturn de Vestal MacIntyre, découvert grâce au site Band of Thebes (qui est une véritable mine pour moi). Ce roman, dans la lignée de Dos Passos, est un monument. Mais le problème crucial, quand vient le moment de rédiger un texte sur un livre de ce genre, ce sont mes exigences toujours plus dévorantes, par rapport à ce que je vais écrire et à la précision des analyses, qui m'intime au minimum de relire.  Avec le temps, c'est devenu presque aussi contraignant que mon activité de lecteur/critique professionnel (ce qui est un peu normal, d'un autre côté).

McIntyre lake overturn

Il y en aurait tant d'autres romans à évoquer, lus entre juillet et mars dernier, parfois encore très présents, parfois déjà tout brumeux dans ma mémoire. Il faut dire qu'ils ne présentent pas tous le même intérêt. J'ai néanmoins référencé tout ce que je pouvais dans la page qui fait l'inventaire des romans LGBT en anglais pour la jeunesse. Je ne promets rien, question recension. Les voici par ordre alphabétique :

 

Nick Burd, The Vast Fields of Ordinary. New York: Dial Books, 2009.

Michael Thomas Ford, Suicide Notes. New York: Harper teen, 2008.

Rigoberto Gonzalez, The Mariposa Club. New York: Alyson Books, 2009.

Michael Harmon, The Last exit to Normal. New York: Alfred A. Knopf, 2008.

Blair Mastbaum, Clay's Way. Los Angeles: Alyson Books, 2004.

Walter G. Meyer, Rounding Third. MaxM Ltd, 2009.

Frank Mosca, All-American Boys. Boston, Alyson publications, 1983.

Frank Anthony Polito, Band Fags! New York, Kensington Books, 2008.

P.E. Ryan, In Mike We Trust. New York: Harper teen, 2008.

Emily Wing Smith, The Way He Lived. Woodbury: Flux, 2008.

William Taylor, The Blue Lawn. Auckland: Harper and Collins New Zealand, 1994.

William Taylor, Pebble in a Pool. Los Angeles: Alyson Books, 2003.

Diana Wieler, Bad Boy.Toronto: Douglas & McIntyre, 1989.

Martin Wilson, What They Always Tell Us. New York: Delacorte Press, 2008.

 

Ce sera tout pour aujourd'hui, mais ce n'est pas faute d'avoir d'autres sujets à évoquer...

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