Voilà un sujet sur lequel je n'ai jamais blogué et... ce ne sera que pour faire une ébauche cette fois !
Je fais ce post pour vous signaler une page sur un autre blog, très complète sur la question, même si déjà "vieille" de 2 ans. C'est un travail de François Peneaud sur Actua BD. J'ai appris plein de choses. Il y a juste quelques bricoles qui ne sont pas à jour. Je regrette que la place accordée à Emmanuel Lepage soit un peu restrictive.
Ce dernier est l'auteur de BD mainstream le plus d'actualité sur le sujet, avec son diptyque Muchacho dans la collection Aire Libre chez Dupuis. Il y raconte le destin en lignes brisées d'un jeune prêtre issu de la bourgeoisie nicaraguayenne atterri dans un village forestier en 1976. La rebellion sandiniste est proche et la violence de l'armée féroce. Le jeune Gabriel de la Serna a été envoyé là pour ses talents de peintre. Il va découvrir l'injustice, la guerre civile et l'amour des garçons. Chaque image de ces deux albums est une splendeur et Lepage montre qu'il n'a plus besoin d'un scénariste pour raconter des histoires. Il y a un souffle cinématographique qui me fait penser à Sergio Leone et aux frères Taviani, une façon juste de glisser une histoire particulière dans l'Histoire majuscule. Esthétiquement, je suis absolument inconditionnel des garçons qui viennent sous le crayon de ce dessinateur.
Déjà, avec le cycle Névé, coécrit avec Dieter, il avait réussi à capter une certaine qualité de trouble, particulièrement dans le dernier volume, Noirs désirs. On y voyait le héros éponyme succomber timidement aux charmes d'un autre homme. Il est allé plus avant depuis, notamment dans le deuxième volet de Muchacho. Comme précédemment, ce sont les images et les gestes qui parlent. Il n'y a pas besoin de nommer les sentiments de Gabriel. En outre, le jeune héros est dessinateur et peintre, ce qui pose la question de son lien avec son créateur.

On trouvera une interview pléthorique sur le site jeuxdepiste.com, où l'on découvre qu'Emmanuel Lepage a été très proche de l'illustrateur de la collection Signe de piste, Pierre Joubert, et qu'il a souffert des suspicions d'accointance fachiste qui pèsent sur celle-ci (alors que c'est un homme de gauche). D'un autre côté, c'est éclairant par rapport à l'esthétique androgyne des visages juvéniles qu'il dessine, proches des archétypes de cette collection (découverte quand j'avais onze-douze ans et pas revue depuis - c'est donc un simple souvenir). Une riche évocation (en anglais) figure sur un un site américain. François Peneaud y a consacré depuis une chronique sur un nouveau site. Le jour où j'aurai le temps, j'aimerais écrire mieux sur Emmanuel Lepage, même si je me sens un peu démuni sur les aspects techniques.

Côté fille, en complément de l'article de François Peneaud, je voudrais signaler le magnifique Fun Home. Une tragicomédie familiale d'Alison Bechdel (chez Denoël Graphic) et, sur un mode plus léger, les deux tomes de La Voleuse du père fauteuil d'Omond & Yoann (chez Poisson pilote). Fun Home est un peu le pendant féminin d'Un monde de différences d'Howard Cruse (voir l'article cité en début de blog à ce propos) : une vaste fresque autobiographique. Je tiens à signaler toutefois que c'est un ouvrage qui nécessite une certaine maturité et une tournure d'esprit assez intellectuelle (ce qui n'est pas le cas des autres ouvrages cités). [Rajout : François Peneaud a depuis proposé une analyse remarquable de Fun Home ici.]
Bon. Pour un non-blog, c'est déjà assez long comme ça !
Mise à jour ultérieure : il existe depuis le 1er octobre 2008 un site dédié en français, qui s'appelle LGBT BD où l'on retrouvera divers auteurs et critiques (Jean-Paul Jennequin, Virginie Sabatier, François Peneaud) chroniquant l'actualité et le patrimoine de la BD à thématique LGBT.