Chic ! encore une liste ! J'ai vraiment fait ce travail pour des lecteurs adolescents et pour leurs parents.
Pour réaliser celle-ci, il m'a fallu tenir compte des autorisations légales et de plusieurs critères de choix. J'ai mis une note allant entre o (mauvais) et ***** (très grand chef d'oeuvre). Je vais en établir deux autres : une concernant les films interdits au moins de 12 ans, et une autre pour ceux interdits au moins de 16 ans. Il n'est pas question pour moi de sortir des clous de la loi.
DVD à contenu gay & lesbien pouvant être vus par des adolescents
Films classés « tous publics »
Les Amitiés particulières (1964)
de Jean Delannoy (Fr)
Avec Francis Lacombrade et Didier Haudepin
Adaptation particulièrement chaste et éthérée du roman éponyme de Roger Peyrefitte. Le ton peut sembler extrêmement désuet aujourd’hui, mais à l’époque le film avait été interdit aux mineurs (alors qu’il n’y a même pas de baiser). Le réalisateur et le scénariste sont ceux-là même que la nouvelle vague vilipendait, notamment dans le célèbre article de François Truffault, "Un certain cinéma français". Avec un recul de 40 ans, on se dit qu'il n'y avait ici rien de si indigne, et même une forme de courage.
Les Amoureux
de Catherine Corsini (Fr)
Avec Pascal Cervo (Marc) et Nathalie Richard (Viviane)
Après des années d’absence, Viviane revient dans son patelin des Ardennes. Elle renoue avec son petit frère, Marc, qui est en pleine affirmation de son homosexualité. Le frère et la sœur partent dans une longue escapade où ils vont essayer de se retrouver. Le récit de leur errance, de fête glauque en rencontre improbable avec des ouvriers polonais, confronte intelligemment la fuite en avant de Vivianne et les désillusions de Marc. Pascal Cervo faisait alors ses débuts à l'écran (on l'a revu récemment, magnifique, dans Le Dernier des fous de Laurent Achard). Les Amoureux ressemble étonnament à un film social anglais un peu fauché. Un film attachant, au ton profondément juste.
Beautiful Thing (1996)
de Hettie MacDonald (UK)
Avec Glen Berry (Jamie), Scott Neal (Ste) et Linda Henry (la mère de Jamie)
Un classique du film de coming out. Dans la banlieue de Londres, Jamie subit le harcèlement perpétuel de ses pairs, qui le soupçonnent d’être gay. Seul un garçon, Ste, et une fille, Leah, sont amis avec lui. Sa mère fait tout son possible pour lui rendre la vie plus facile, mais c’est dur pour lui. Jusqu’au jour où quelque chose se passe avec Ste…
Le film ressemble davantage à un bon feuilleton qu’à un grand mélo classieux, mais les acteurs sont irréprochables. Je préfère nettement Get Real (Comme un garçon) dans un genre similaire.
Billy Elliott (2000)
de Steven Daldry (UK)
Avec Jamie Bell (Billy), Julie Walters (Mrs Wilkinson), Stuart Wells (Michael)
Est-il besoin de présenter ce film splendide racontant l’histoire d’un garçon de onze ans qui veut devenir danseur ? Billy Elliott est plus qu'un chouette film anglais de plus : grâce au talent et à la grâce de Jamie Bell, les scènes de danse atteignent l'émotion pure. Le réalisateur fait davantage que filmer un gamin qui danse, il capte un rien en plus, joie, transe. Filmer l'art au-delà d'une mise en image un peu plate et suggérer quelque chose est chose rare. L'humanité du point de vue est rassérénante et la chorégraphie finit par déborder les scènes de genre pour donner à l'ensemble la dimension d'un ballet. C’est un poème visuel, qui enlace un destin singulier (celui de Billy) avec l’Histoire (on est en pleine époque thatchérienne). Autre contrepoint, celui qui oppose la vie rude des mineurs en grève et l'univers protégé de la danse. Le meilleur ami de Billy, Michael, est un garçon on ne peut plus sensible, et qui aime mettre des tutus. Les acteurs sont épatants, notamment la grande Julie Walters et Jamie Bell, qui a fait une très belle carrière depuis.
Breakfast on Pluto (2005)
de Neil Jordan (Eire)
Avec Cillian Murphy (Kitten) et Liam Neeson
Irlande du Nord, années 1970 : terrorisme et répression policière s’entremêlent, à la limite de la guerre civile. Dans ce contexte dérangé, Kitten tente de mener sa barque de jeune transsexuel, assez peu concerné par le nationalisme, mais amouraché d’un soldat de l’IRA. On le (la) suit dans des péripéties innombrables, jusqu’à son installation à Londres. Breakfast on Pluto est un film inclassable, mélangeant la comédie camp et un souffle historique. Surtout, le réalisateur a évité les lourdeurs d'un film "sur" de brûlants sujets. A l'image de la légèreté aérienne de Kitten, le film déjoue la tragédie d'un battement d'aile de papillon. La performance d’acteur de Cillian Murphy est absolument à couper le souffle.
Les Chansons d'amour (2007)
de Christophe Honoré (Fr).
Avec Louis Garrel (Ismaël), Ludivine Sagnier (Julie), Clothilde Hesme (Alice) et Grégoire Leprince-Ringuet (Erwann)
J'ai parlé abondamment de ce film dans un post spécifique. Qu'il me suffise de rappeler que cette comédie musicale sur les traces de Demy et de Jeanne et le garçon formidable est sans doute le film le plus abordable à ce jour de Christophe Honoré. La deuxième partie (le deuil) est un peu un ton en-dessous du reste, et d'aucuns ont pu se plaindre des longueurs (au début) ou de l'inspiration inégale. Mais la romance entre Ismaël et Erwann demeure une pure merveille.
Clara cet été là (2001) 
de Patrick Grandperret (France)
Avec Selma Brook (Clara), Stéphanie Sokolinski (Zoé), Salomé Stévenin (Sonia)
Clara et Zoé sont les meilleures amies du monde. Dans le courant de l'été, elles partent faire un stage de voile. Elles font partie d'un groupe qui ne brille pas par son ouverture d'esprit. et qui les traite assez mal. Néanmoins, Zoé se rapproche d'un des garçons, Sébastien, après un épisode ambigu durant lequel elle s'est déclarée amoureuse de Clara. Celle-ci, un peu délaissée, est fascinée de son côté par Sonia, une fille différente, qui se tient soigneusement à l'écart. Mais s'avouer à elle-même qu'elle est plutôt attirée par les filles n'est pas sans lui poser problème...
Ce film inédit en salles est une bonne surprise, par son regard nuancé et sans complaisance sur l'adolescence. Les acteurs sont dans l'ensemble très bons et tout particulièrement le trio de filles.
C.R.A.Z.Y. (2005)
de Jean-Marc Vallée (Canada)
Avec : Marc-André Grondin (Zacharie Beaulieu), Michel Côté (Michel Beaulieu), Danièle Proulx (Laurianne Beaulieu)
Phénomène de société au Québec, succès en France, C.R.A.Z.Y. est l’une de ces comédies douces-amères dont les réalisateurs québécois ont le secret, des Plouffes au Déclin de l’empire américain. Comme l’a confié Jean-Marc Vallée, il s’agit plus ou moins d’un film autobiographique, qui raconte comment le quatrième rejeton d’une fratrie québécoise a réussi en un temps très long à s’accepter comme homosexuel et à se faire aimer comme tel par son père.
C.R.A.Z.Y. est un film un peu dingo, au montage ultra-rapide, qui traverse 20 années du Québec et du monde. Le tempo est à la fois à l’origine du comique extravagant de l’histoire et l’une de ses limites, car on est parfois à la limite du foutraque. Le cinéaste a mis un soin tout particulier dans les décors, costumes, musiques, etc., ce qui donne au film un cachet assurément rétro.
Crustacés et coquillages (2005)
d’O. Ducastel et Jacques Martineau (Fr)
Avec Gilbert Melki, Valeria Bruni-Tedeschi, Edouard Collin…
« C'est l'été. Marc emmène sa famille au bord de la Méditerranée dans la maison où il passait ses vacances quand il était adolescent. Béatrix, son épouse, doit partager son temps entre sa famille et son amant exigeant, venu la rejoindre. Leur fille Laura, 19 ans, attend avec impatience l'arrivée de son petit copain motard qui l'emmènera vers d'autres rivages. Leur fils Charly reçoit Martin, son meilleur ami, dont Béatrix et Marc ne tardent pas à comprendre qu'il est homosexuel. Ils en tirent un peu rapidement des conclusions concernant les préférences sexuelles de leur fils... » (présentation officielle)
Avec cette comédie badine, O. Ducastel et J. Martineau ont réalisé un film plaisant et enlevé. Ils s’ingénient à brouiller toutes les cartes et à jouer avec les codes du vaudeville. À l’arrivée, leur film est un hymne à la liberté sexuelle, servi par une brochette d’acteurs absolument époustouflants. C’est le film qui a révélé Édouard Collin.
Le Dernier des Fous (2006)
de Laurent Achard (Fr)
Avec : Julien Cochelin (Martin), Pascal Cervo (Didier), Annie Cordy (la grand-mère)
« C'est l'été et le début des vacances pour Martin, onze ans, qui vit dans la ferme de ses parents et observe, désemparé, la désintégration de sa famille. » Ce film de Laurent Achard est un drame extrêmement sombre. Martin le mutique observe ses proches sombrer : sa mère (Dominique Reymond) vit claustrée dans sa chambre, son grand-frère homo (Pascal Cervo) est abandonné par son amant (qui veut se marier), sa grand-mère veut surtout sauver les apparences et vendre la ferme familiale... L'enfant semble stoïque, mais c'est qu'à la façon d'un animal il se blottit dans sa coquille (une gangue de silence ?), incapable d'affronter la peur qui imprène le quotidien.
Bien que n'ayant fait l'objet d'aucune limite d'audience, ce film me semble clairement destiné à un public averti de sa violence terrible (et inexpliquable).
Sur le jeu de Pascal Cervo, le réalisateur Laurent Achard a dit : « [....] je savais que c’était un acteur extraordinaire, mais ce qu’il parvient à faire dans ce film m’a complètement époustouflé. Par son jeu intense, concentré, jamais dans le calcul, et pourtant toujours parfaitement mesuré, il est parvenu à donner à son personnage à la dérive une ampleur si désespérée, si tragique que ma perception du rôle en a été transformée : en devenant le contrepoint parfait de Martin, les deux frères étaient désormais inséparables comme les deux faces d’une même médaille. »
Dix-sept fois Cécile Cassard (2002)
de Christophe Honoré (Fr)
Avec Romain Duris (Mathieu) et Béatrice Dalle (Cécile)
Deuxième film de Christophe Honoré, le premier pour le cinéma, Dix-sept fois Cécile Cassard raconte une histoire d’amitié peu ordinaire entre un jeune homosexuel, Mathieu, et une jeune veuve, Cécile Cassard. Dans ce compagnonnage inhabituel, la jeune femme retrouve peu à peu le goût de vivre, tandis que Mathieu trouve un nouveau sens à sa vie.
Nourri par une expérience autobiographique, ce film est un peu maladroit et étouffant. Je n’aime pas trop Romain Duris, donc mon jugement n’est pas non plus très objectif.
L'Éveil de Maximo Oliveiros (2005)
d'Auraeus Solito (Philippines)
Avec : Nathan Lopez (Maxi) et JR Valentin (Victor)
Dans les quartiers populeux de Manille, Maximo (Maxi) vit avec son père et ses frères. Le gamin va à l'école, tandis que ses proches participent à des trafics divers. Il a en quelque sorte pris la place de sa mère dans l'exécution des tâches domestiques, aspect parmi d'autres d'une identité de genre pour le moins féminine.
Pour autant, sa gentillesse et enthousiasme (assez queer) en font une figure appréciée du quartier. Le cours du destin change quand Victor, un policier incorruptible, commence à mettre son nez dans les business du quartier. Le gamin tombe amoureux de lui, passion impossible qui va changer son existence, ponctuée de drames.
C'est non seulement un grand film social dans la tradition du néo-réalisme (italien ?!), mais aussi un petit joyau queer au jeu de couleurs explosif, qui joue sur le mélange des genres (comédie, drame, romance). Il n'est réductible à aucune de ses dimensions, pas même à l'aspect "film d'apprentissage" (qu'il a indubitablement). Nathan Lopez est impressionnant de naturel dans le rôle de Maxi.
Fücking Åmål (1998)
de Lukas Moodysson (Suède)
Avec Alexandra Dahlström et Rebecca Liljeberg
« Difficile d'être adolescent à Amal... Pour Elin, la plus populaire et délurée du lycée, les week-ends riment avec cuites répétées et flirts sans lendemains. Agnès elle, n'a pas d'amis car jugée trop "différente". Mais par le jeu d'un mauvais hasard elles vont se rencontrer et leurs vies vont prendre un nouveau virage, jonchées de libertés, de désirs nouveaux et d'amour... Le producteur de Dancer in the dark nous livre avec Fucking Amal un portrait juste, pudique et intelligent sur l'adolescence en évitant avec brio les poncifs inhérents à ce genre de fiction. Succès critique unanime et acclamé par le public, il fait parti de ces films que l'on n'oublie jamais, un peu comme certaines étapes de notre adolescence. » (dossier de presse)
Commentaire personnel toujours pas rédigé (il faudrait que je revisionne le film), mais
Furyo (1983)
de Nagisa Oshima (Japon)
Avec Ryuichi Sakamoto (capitaine Yonoï), David Bowie (Jack Celliers) et Beat Takeshi (Sergent Hara)
Adapté du fabuleux roman de Laurence van der Post, La graine et le semeur (The Seed and the Sawer), Furyo est un très grand film de Nagisa Oshima. Il se passe dans un camp de prisonniers tenu par les japonais pendant la deuxième guerre mondiale. Le capitaine Yonoï fait régner la terreur aussi bien parmi ses propres troupes que sur les centaines de captifs anglais. Mais l’arrivée d’un nouveau détenu, le major Jack Celliers, va changer la donne. Doté d’un courage hors du commun, il tient tête aux geôliers, attirant sur lui la fascination du ténébreux capitaine.
Avec sa musique fascinante, ses images sublimes et son souffle épique, Furyo avait conquis le public français à sa sortie, à un moment où David Bowie était au zénith de sa popularité. C’est devenu un classique du film de guerre.
Hush (2001)
de Ryosuke Hashiguchi (Japon)
Avec Seiichi Tanabe (Naoya), Kazuya Takahashi (Katsuhiro) et Reiko Kataoka (Asako)
Naoya est un homosexuel un peu morose, toiletteur pour chiens, à la recherche (évidente) d'une histoire durable. Quand il se réveille avec Katsuhiro à ses côtés, il n'ose y voir plus que l'aventure d'une nuit. Mais ce garçon-là est différent, avec sa candeur désarmante et ses doutes. D'ailleurs, la caméra elle-même l'accompagne dans son existence de laborantin paumé. Naoya est sous le charme, sans trop vouloir espérer. C'est là que survient Asako, une jeune femme instable, pour ne pas dire un peu trash, qui veut concevoir un bébé avec Katsuhiro. Peu à peu, c'est un insolite ménage à trois qui prend forme, non sans remous. Naoya redoute sans cesse que Katsuhiro se détourne, Asako fait des crises et Katsuhiro ne sait comment annoncer à son frère qu'il aime les garçons...
Hush est le troisième film d’un cinéaste japonais intriguant. Alors que les deux précédents avaient un je-ne-sais quoi d'hystérique, celui-ci est d'une splendeur calme, comme si Hashiguchi avait enfin acquis la sérénité. C'est aussi un film drôle, avec des interprètes excellents. J'ai beaucoup aimé.
Loin du Paradis (2002)
de Todd Haynes (USA)
Avec Julienne Moore (Cathy Whitaker), Dennis Quaid (Frank Whitaker), dennis Haysbert (Raymond Deagan)
États-Unis des années 1950. Les Whitaker forment une famille exemplaire, un modèle de rêve américain. Frank Whitaker est un encore jeune businessman à l’avenir brillant. Mais un jour, Cathy découvre que son mari la trompe… avec des hommes. Bouleversée par cette découverte invraisemblable, mais ne voulant pas détruire son couple, elle se découvre un confident et une attention charitable chez son jardinier noir, Raymond. Mais une telle amitié est-elle tolérable dans une Amérique encore ségrégationniste ? Dès les premières images (la caméra descend en spirales comme une feuille morte), la sensibilité et la beauté de cette oeuvre s'impose. Ce bouleversant mélo, filmé à la manière de Douglas Sirk, est le chef d’œuvre inégalé de Todd Haynes, cinéaste ouvertement gay, et ami de Gus Van Sant. J'ai rarement vu des oeuvres aussi belles, simplement dans le traitement des couleurs, des mouvements de caméra (même si Todd Haynes emprunte des idées à ses prédécesseurs des années 1950). Par ailleurs, s'il s'agit bien d'un mélodrame, à aucun moment le trait n'est forcé pour faire pleurer ceux qui ont la larme facile. C'est un film d'une grande dignité, à l'image du personnage incarné par Julianne Moore. Petite réserve peut-être : Loin du paradis est par excellence ce que l'on pourrait appeler un film "historique", dans la mesure où son propos, ses repères, etc., ne font que nous renvoyer aux années 1950 (et à tout le moins en-deça de la fin des années 1960), sans qu'il soit possible de l'extraire de ce contexte pour interroger notre situation actuelle. Un des plus beaux rôles de Julienne Moore.
Ma vie en rose (1997)
d’Alain Berliner (Fr)
Avec Georges du Frêne (Ludovic), Michèle Laroque (Elisabeth Fabre), Jean-Philippe Écoffey (Pierre Fabre)
Les Fabre viennent d’emménager dans une nouvelle maison, dans une « splendide » banlieue pavillonnaire de la région parisienne. Pierre a décroché un nouveau job, et vit au milieu de ses collègues, en face de chez son chef. Les Fabre ont quatre enfants, une fille et trois garçons. L’ennui, c’est que le petit dernier, Ludovic, est convaincu d’être une fille dans un corps de garçon. Peu à peu, les idées singulières de Ludo vont semer le trouble, voire la panique, dans tout le quartier.
Ma vie en rose est une comédie absolument délectable et qui ne tombe jamais dans la vulgarité, sur un sujet qui a produit tant de navets stéréotypés. La satire du conformisme et de la bigoterie sournoise fonctionne comme une bombe à retardement.
Mean Creek (2004)
de Jacob Aaron Estes
Avec Scott Mechlowicz (Marty), Ryan Kelley (Clyde), Rory Culkin (Sam)
Six adolescents embarquent sur une rivière, officiellement pour fêter l’anniversaire du plus jeune, Sam, en fait pour punir George (Josh Peck), un gros balourd violent et antipathique. L’expédition prend une tournure étrange et confuse, puis tourne à la tragédie.
Ce film, que l’on a comparé à Stand by Me de Rob Reiner et à Delivrance de John Boorman est un incontestable chef d’œuvre. Les scènes sur la barque sont d’une grande beauté. Le cinéaste a un sens de la nature sauvage qui rappelle incontestablement Rob Reiner. Mais surtout, Mean Creek est un film à contre-courant de ces thèmes à la mode sur l’adolescence dénuée de tout morale, que l’on trouve chez Gus Van Sant ou Larry Clark. Trait d'union entre L.I.E. de Michael Cuesta et L'autre rive de David Gordon Greene, Mean Creek prend à contrepied l'image du teen américain robotisé, dénué de sens moral, seulement livré à ses désirs de sexe et de mort. Qu'on me comprenne bien : les films que j'associe ici ne sont pas des films moralisateurs, mais des réflexions sur l'éveil de la faculté de juger et la perte de l'innocence. Jacob Aaron Estes nous montre exactement cela : des jeunes confrontés à un grave dilemme et qui décident (pour la plupart) d’y faire face. Cette voie alternative est assez rafraîchissante, car elle corrige une vision assez terrifiante de l'Amérique profonde (souvenons-nous aussi de Gummo d'Harmony Korine ou de Tarnation de Jonathan Caouette).
Pour le reste, Mean Creek est un film d'une beauté picturale intense, le digne héritier de Stand by Me de Rob Reiner, avec cette façon inimitable d'enlacer la nature frémissante et l'adolescence. Il n'y a pas le moindre temps mort dans cette tragédie moderne. Le travail sur les non-dits et les échanges de regards est fabuleux. Les acteurs sont beaux et époustouflants, avec une mention particulière pour Rory Culkin (droopy traversé par mille émotions contadictoires), Josh Peck (fabuleux en gros dégueu malheureux) et surtout Ryan Kelley, ado frêle sans cesse houspillé (« faggot ») et qui oppose à cela une humanité, une douceur et une beauté morale qui sonnent plus que juste. Il excelle dans le rôle de l’ado sensible, élevé par deux gay dads (comme le cinéaste le fut). Il me rappelle (toutes proportions gardées) le personnage de Wil Wheaton (Gordie) dans Stand by Me. Très vivemement recommandé.
La Mort à Venise (1971)
de Luchino Visconti (Italie)
Avec Dirk Bogarde (Gustav von Aschenbach) et Bjorn Andresen (Tadzio)
L’une des rares adaptations au cinéma qui dépasse l’œuvre littéraire dont elle est tirée, en l’occurrence une fastidieuse longue nouvelle de Thomas Mann. De l’œuvre originale, Visconti n’a gardé que le thème de la fascination de l’artiste vieillissant pour un jeune et mystérieux adolescent polonais. Le cinéaste italien a superposé sur cette histoire une évocation de la fin de la vie du compositeur Gustav Mahler. D’ailleurs, l’adagio de sa cinquième symphonie est devenu un gimmick du drame depuis son utilisation dans ce film.
My Summer of Love (2004) de Pawel Pawlikowski (UK) Note: ***
Avec Natalie press (Mona), Emily Blunt (Tamsin) et Paddy Considine (Phil)
Mona vivote dans un bled paumé de l’Angleterre profonde, auprès de son frère Phil, qui tient un café. Un beau jour, celui-ci découvre la vraie foi et se mue en prédicateur du Christ. Mona s’évade et rencontre Tamsin, une riche héritière, un peu livrée à elle-même dans la grande maison de ses parents. Une grande histoire d’amour va bientôt unir les deux filles, presque seules pour le temps d’un été.
Cinéaste d’origine polonaise élevé au Royaume-Uni, Pawel Pawlikowski a livré avec My Summer of Love une magnifique romance estivale, d’une grande beauté plastique tout en recueillant l’héritage du cinéma social anglais.
Naissance des pieuvres (2007)
de Céline Sciamma (Fr)
Avec Pauline Acquard (Marie), Adèle Haenel (Floriane) et Louise Blachère
« En assistant à un spectacle de natation synchronisée, Marie, 15 ans, a une véritable épiphanie. Elle développe une obsession pour cette étrange discipline. A moins que ce désir n'en cache un autre, plus souterrain, pour cette fille, la star des nageuses, Floriane... »
Sur ce film plastiquement superbe et tout en émotions rentrées, j'ai écrit un article auquel je vous renvoie.
Pas de repos pour les braves (2003)
d’Alain Guiraudie (Fr)
Avec Thomas Suire, Laurent Soffiati et Thomas Blanchard
« D’abord, il y a Basile Matin, un jeune gars qui a rêvé de Fafatao-Laoupo, le symbole de l’avant-dernier sommeil. Maintenant, Basile sait que s’il dort encore il va mourir… Ensuite, il y a Igor, un autre jeune gars qui travaille un peu et fait vaguement des études… Ensuite, il y a Johnny Got. Un peu journaliste bénévole, un peu détective et pas mal voyou, il s’intéresse beaucoup aux histoires qui ne le regardent pas… »
En fait, Pas de repos pour les braves est un film irracontable, foutraque et sublime. On a parlé de « western aveyronnais », mais c’est encore trop réaliste, par rapport à ce film complètement hors norme. Jamais Guiraudie n’avait bénéficié d’un tel budget, et hélas le film s’est pris une grosse claque ; c’était trop expérimental. Alain Guiraudie est le plus étrange phénomène de la galaxie des cinéastes gays français.
Les Roseaux sauvages (1993)
d’André Téchiné (Fr)
Avec Gaël Morel (François), Élodie Bouchez (Maïté), Stéphane Rideau (Serge) et Frédéric Gorny (Henri)
Printemps 1962, dans une petite ville du Sud-Ouest. François, Serge et Henri sont internes au lycée de garçons. La guerre d’Algérie se termine et Henri, jeune pied-noir, est empli de colère. François doit affronter son homosexualité, titillée par les jeux ambigus de Serge, qui lui en pince pour Maïté, laquelle est attirée et dégoûtée à la fois par Henri.
Évidemment, il s’agit d'un des meilleurs films de Téchiné, aux images d’anthologie, dans lequel le cinéaste a approché au plus près la grâce et les emportements de l’adolescence. Au départ, c’était un film de commande d’Arte, puis c’est devenu ce que Téchiné a fait de plus personnel.
Le Secret de Brokeback Mountain (2005)
d’Ang Lee (États-Unis)
Avec Jake Gyllenhall (Jack) et Heath Ledger (Ennis)
Été 1963, Wyoming. Deux jeunes cow-boys, Jack et Ennis, sont engagés pour garder ensemble un troupeau de moutons à Brokeback Mountain. Isolés au milieu d'une nature sauvage, leur complicité se transforme lentement en une attirance aussi irrésistible qu'inattendue. A la fin de la saison de transhumance, les deux hommes doivent se séparer. Ennis se marie avec sa fiancée, Alma, tandis que Jack épouse Lureen. Quand ils se revoient quatre ans plus tard, un seul regard suffit pour raviver l'amour né à Brokeback Mountain.
Que n’a-t-on pas écrit sur ce film ? On oublie souvent de préciser qu’il s’agit d’un mélo hollywoodien de facture ultra classique, certes déchirant, mais qui a les limites de ses qualités.
Les Témoins (2007)
d'André Téchiné (Fr)
Avec : Michel Blanc (Adrien), Johan Libéreau (Manu), Emmanuelle Béart (Sarah) et Sami Bouajila (Mehdi)
« Années 1980. Manu débarque à Paris, où il partage la chambre de sa soeur Julie dans un hôtel modeste. Il fait la connaissance d'Adrien sur un lieu de drague homosexuel et noue une amitié chaste avec ce médecin quinquagénaire un rien désabusé. Ce dernier lui fait rencontrer Sarah et Mehdi, un couple qui vient d'avoir son premier enfant. Adrien bouleverse l'existence des uns et des autres, jusqu'au moment où l'épidémie de SIDA tombe comme un couperet au milieu de leur existence. »
Sur cette tragédie faussement réaliste j'ai écrit ceci.
Le Temps qui reste (2006)
de François Ozon (Fr)
Avec Melvil Poupaud (Romain), Valéria Bruni-Tedeschi (Jany) et Jeanne Moreau (Laura)
Romain, jeune photographe trentenaire et homosexuel, apprend un jour qu’il est atteint par un cancer foudroyant et qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. Sans rien dire à personne, il envoie sa vie en chandelle, incapable de cohabiter avec cette idée de la mort imminente. Seule sa grand-mère, Laura, saura l’aider à trouver le chemin de la paix intérieure.
Avec ce film à petit budget, au caractère intimiste, François Ozon a réalisé ce que je considère comme son meilleur film avec Regarde la mer. Ce que je trouve particulièrement fort est que le cinéaste ne cherche jamais à nous apitoyer sur son personnage, qu’il n’a pas hésité à rendre par moments très antipathique. On ne ressort pas indemne d’une telle expérience de cinéma, et je trouve étonnant que cette oeuvre sombre n’ait pas été au moins déconseillée au moins de douze ans.
Truman Capote (2006)
de Bennett Miller (Etats-Unis)
Avec Philippe Seymour Hoffman (Capote) et Catherine Keener (Nelle Harper Lee)
Capote raconte ce moment crucial de la vie de l’écrivain Truman Capote, qui a transformé un brillant prodige littéraire en un chroniqueur réaliste d’un horrible crime, relaté dans In Cold Blood, son livre le plus célèbre.
Tout le monde a célébré la performance d’acteur de Philippe Seymour Hoffman, qui campe un Capote ultra proche de l’original. On en a un peu oublié à quel point le film est intéressant dans sa façon de disséquer la relation vampirique entre un écrivain et un meurtrier en attente de l’échafaud. Il y a aussi un vrai travail sur les lumières et les ambiances, qui en fait un film spectral et ténébreux.
La Ville dont le prince est un enfant (1994)
de Christophe Malavoy (Fr)
Avec Naël Marandin (Servais), Clément Van den Bergh (Souplier) et Christophe Malavoy (l’Abbé de Pradts)
Adapté d’une pièce d’Henri de Montherlant, La Ville dont le prince est un enfant raconte l’amitié passionnée de deux élèves d’un collège catholique, Servais, 14 ans, et Souplier, de deux ans son cadet. Autant Servais est un élève brillant et estimé, autant Souplier est comme en retrait du monde, et dotée d’une nature lascive. Souplier fascine aussi l’Abbé de Pradts, qui ne supporte par l’immixtion de Servais dans sa relation passionnelle pour le jeune écolier. Une lutte s’engage entre le prêtre maléfique et l’adolescent révolté.
Cette adaptation télévisuelle réalisée par Christophe Malavoy est plutôt une bonne surprise, aidée par un beau travail sur les décors et les ambiances, et par des acteurs remarquables. Le DVD dispose d’une richesse de bonus absolument remarquable.
En attente :
Ander (2009) de Roberto Caston
Drôle de Felix (2000) d’O. Ducastel et J. Martineau
J'ai tué ma mère de Xavier Dolan (2009)
Torch Song Trilogy (1988) de Paul Bogart
Et tant d'autres !