
Pour les paresseux, je recopie ma présentation de Dream Boy :
« Nathan est un adolescent ballotté de maison en maison par ses parents, fuyant un lourd et pesant secret dont il est la victime. À l'occasion d'un énième déménagement et de son arrivée dans une petite localité piétiste du Sud des États-Unis, il devient le voisin de Roy, jeune homme à peine plus âgé dont il tombe profondément amoureux. Rapidement, l'un et l'autre réalisent leur commune attirance, à cette nuance que Roy peine à assumer pleinement leur passion. Mais les deux garçons doivent affronter la pesanteur des tabous d'une Amérique rurale confite en religion, les ambiguïtés de Roy et le lourd passé de Nathan, poursuivi par un horrible secret familial.
Ce livre de Jim Grimsley, le dernier traduit en français à ce jour, est un délice, sans doute son oeuvre la plus réussie. L'écriture est moins réaliste et plus poétisée que dans les premiers livres traduits de Grimsley. La délicatesse extrême avec laquelle il dépeint les sentiments de Nathan est un pur enchantement, de poésie et de grâce. Il excelle à rendre sensible tous les émois de son personnage principal, à le rendre extrêmement attachant. À aucun moment le livre, malgré son arrière-fond, ne bascule dans la vulgarité ou la facilité. Le chef d'oeuvre que l'on pouvait attendre de Jim Grimsley. »
Sur la question de l'adaptation d'un tel livre au cinéma, je voudrais dire deux choses, l'une relative au réalisateur, l'autre à ce que j'ai pu voir du résultat (des petits bouts). J'avais relativement apprécié un film précédent de James Bolton, Eban & Charley, qui se cognait un sujet casse-gueule : une histoire d'amour entre un adolescent de 15 ans et un homme qui en a presque le double (en sachant que le « cas » — on ne peut plus singulier, on dira — contournait la problématique de la pédophilie en mettant en scène un adulte immature et un garçon très mûr). Mais d'un point de vue strictement esthétique, c'était quand même un film limité…
J'attends de voir cette adaptation de Dream Boy avec un brin d'appréhension. Quand on a profondément aimé un livre, on a tendance à exiger une fidélité scrupuleuse d'une adaptation cinématographique. Or c'est un peu un paradoxe, car il n'y a rien à ajouter à un grand livre (et, assurément, c'en est un), et surtout pas une illustration visuelle. L’une des forces du roman est sa peinture extrêmement sensuelle de la nature américaine. Bolton est-il capable de filmer celle-ci avec la même grâce qu'un John Boorman (Délivrance) ou un Jacob Aaron Estes (Mean Creek) ? Dans le livre, la relation entre Roy et Nathan est très particulière, inégale sur tous les plans (Nathan est une crevette, mais il a un courage qui fait contraste avec la veulerie de son amoureux). Pour ce que j'ai pu en voir, le casting perd complètement le paramètre de l'ascendant physique de Roy. Autre point sensible : le surnaturel joue un rôle trouble (comme dans d'autres romans « sudistes » de Grimsley), tant et si bien que la critique américaine n'a pas aimé la fin très indécise (et étrange) du livre. Pourtant, elle laisse toute sa place à l'imagination du lecteur. Le risque, après cela, est d'avoir édulcoré les contrastes et tout ce qu'il y a de malaisé, bref, ce qui sort le livre de l'ordinaire.