Voici quelques évocations brèves de livres lus ces derniers temps. Soit qu’ils ne rentrent pas dans la thématique de ce site, soit qu’ils me laissent sur la réserve, je ne leur ai pas consacré un article entier, mais je tenais quand même à les évoquer.
J’ai lu enfin Escalier C d’Elvire Murrail, livre paru originellement en littérature adulte (chez Sylvie Messinger en 1983), mais souvent cité dans les listes de livres pour ado à contenu LGBT. Il en existe une version (que je n’ai pas consultée) dans la collection Médium de L’école des loisirs. Personnellement, j’ai déniché une version « France loisirs », ce qui n’est pas très exaltant mais atteste que le livre a eu du succès.
Cette histoire écrite en français supposée se passer à New York m’a laissé un peu dubitatif du point de vue de l’illusion référentielle. Les dialogues sont très scénarisés et on retrouve un style d’écriture assez « américain », même si l’esprit ne l’est pas vraiment. En tout cas, je ne vois pas l’intérêt spécifique du livre pour un public non adulte. Je voudrais trouver une autre version pour vérifier s’il y a eu une réécriture. En l’état, c’est un roman de divertissement psychologique rondement mené, alerte et drôle, qui nécessite une certaine maturité.
Le Journal de grosse patate de Dominique Richard est une « pièce de théâtre » pour la jeunesse qui parle de tolérance et de phénomènes de groupe. Une gamine de CM2 passablement enrobée y consigne son journal, en alternance avec des dialogues vaguement ésotériques face à un mystérieux « homme en noir ». Le personnage clé de l’histoire est Rémi, apprenti homosexuel et double de l’auteur, qui a instillé pas mal de détails autobiographiques dans son texte. Le tout est assez sympathique, quoique un peu court, à plusieurs titres.
L’Ombre d’Adrien de Cathy Ytak (Syros, « Les uns et les autres ») a suscité une mini-polémique dans Le monde des livres, parce qu’une journaliste s’est scandalisée que l’on y parle d’un sujet aussi sombre que le suicide d’un adolescent. Se fiant à la théorie de l’imitation/propagation, de bonnes âmes, proches de la sainte église romaine, se sont émues des effets mauvais de cette sorte de lecture sur des âmes sensibles. Au nom de la protection de la jeunesse, on ne devrait pas parler de certains sujets à de jeunes êtres en construction, notamment les adolescents. Je ne dirai jamais assez mon agacement devant cette conception bien-pensante de la littérature qui fait injure à l’intelligence de la jeunesse et à la capacité des petits et des grands enfants de faire le tri.
Et le roman dans tout ça ? Il raconte la quête de Jérémie, « jeune homme » de dix-neuf ans, après le suicide de son copain de vacances, Adrien, et son errance intérieure à la recherche d’une explication. J’ai trouvé le livre à la fois passionnant dans sa dissection d’un deuil et pas toujours convaincant dans son mélange d’inspirations (je n’ai pas vu ce que le slam apportait par rapport à l’économie narrative, mais je suis sans doute réfractaire au genre). Outre sa grande fluidité, ce roman a pour mérite de laisser les portes de l’imaginaire grandes ouvertes.
J’ai beaucoup aimé le deuxième livre publié d’Anne Percin, Servais des Collines (dont j’ai chroniqué ici Point de côté). Il s’agit d’un roman historique se passant durant la Renaissance. Bien que n’étant pas un fan du genre, je l’ai dévoré en deux soirées. Mon engouement est sans doute lié à la minutie des évocations historiques et à l'absence de ce qui m'horripile dans les évocations romanesques de l'histoire : des "costumes" plaqués sur une trame narrative ultra-conventionnelle. Ici, rien de tout cela. L'histoire figure une sorte d'errance, à la fois temporelle et géographique (le héros est d'ailleurs fasciné par les cartographes de son temps). Blandine Longre en a très finement parlé sur Sitartmag, dans un article que je vous recommande :