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"L'Amour en chaussettes" de Gudule

Gudule, L'Amour en chaussettes, éditions Thierry Magnier, 1999.

Une histoire de fille amoureuse de son professeur. Delphine est en troisième. Elle tient un journal, qui dure le temps d'un printemps. Cela commence de manière très instantanée, dans un style frontal assez typique de la dame Gudule : 

Cette nuit, j'ai rêvé de monsieur Letellier. Pfou ! J'en suis encore chamboulée... C'est sa faute, aussi. Est-ce qu'il avait besoin de venir nous parler de préservatifs ! (page 7)

La scène inaugurale, donc, c’est un cours de dessin qui se transforme en séance d’éducation sexuelle. Message impeccable, dialogue avec la classe, geste de théâtre : le beau professeur enfile une capote sur le pied d’une chaise. C’est le début d’une passion adolescente, lancinante. Delphine tombe en amour. Il faut dire : 

Letellier, y a pas plus sympa comme prof, au bahut. Toutes les filles en sont folles, parce qu’en plus il est super beau. Style Mulder dans X-Files. Et quand il sourit, il a les yeux tristes… (page 7)

La grande copine de Delphine, Gaëlle, ne rate pas une occasion de la conforter dans son béguin. Et puis il y a Arthur, « le grand nunuche » de la classe, qui a la douloureuse particularité d’être bègue. Il est plutôt aimé par ses camarades, mais ils se moquent pas mal de lui. Arthur en pince pour Delphine. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, s’il n’y avait pas « la mère Éloy », une « vieille vache » prof de français, qui pourrit la vie à coups d’heures de colle.
    L’histoire se déroule peu à peu. Delphine sort le grand jeu pour déclarer ses sentiments à « Joël » ou « Jo » Letellier. Et là, elle tombe sur un os. Les bonnes raisons se suivent : M. Letellier ne veut pas, ce serait un détournement de mineur, etc. En plus, il a le bon goût de faire ça à la façon d’un adulte, sous forme de sermon. Aiguillonnée par Gaëlle, Delphine y revient quand même, jusqu’à la révélation ultime qui ruinera définitivement ses espoirs. Alors, elle ira se réconforter dans les bras d’un garçon de son âge…
    Je n’ai pas lu un grand nombre de livres de la prolifique Gudule. Il n’y a pas beaucoup de sujets qu’elle n’a pas « traités ». Ici donc : l’amour pour un adulte, la « première fois », l’aveuglement. En revanche, l’homosexualité n’est qu’un accessoire mineur. C’est plein de sentiments politiquement corrects : il faut être gentil avec les bègues, ne pas écouter les conseils foireux des bonnes copines, et mettre un préservatif quand on fait l’amour pour la première fois
    Paradoxalement, je trouve que l’histoire du béguin de Delphine pour Jo comporte nombre d’invraisemblances, ce qui est gênant pour un roman réaliste. La langue « djeune » n’a strictement aucun relief. Le seul moment que je trouve vraiment convaincant est la description de la première expérience sexuelle de Delphine. L’auteur a su décrire à la fois crûment et sans ostentation des sensations, sans autocensure mais sans trash non plus. C’est à peu près le seul passage que je n’ai pas trouvé convenu. Le reste n’est pas désagréable, certes, mais sans cette petite musique qui rend un livre singulier. Dans le genre chronique collégienne, je préfère nettement Qui Suis-je ? de Thomas Gornet.
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