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Cohérences

Cela fait plusieurs semaines que j'y réfléchis et j'ai décidé d'agir. Ce blog a une fonction informative. On y trouve à disposition des chroniques sur différents sujets liés à l'homosexualité et à la bisexualité. Plusieurs fois, j'ai indiqué que je souhaitais qu'il puisse devenir une ressource, notamment pour des adolescents et de jeunes adultes.
Par voie de conséquence, les textes trop personnels - notamment ce qui relève du journal intime - n'ont plus leur place ici. J'ai donc enlevé les "posts" qui relevaient de ce genre et les ai mis ailleurs. Je ne m'interdis pas d'écrire en d'autres lieux un vrai journal, qui parlerait de toutes sortes de choses, qui serait joli à voir, peut-être même avec des photos. Du personnel, je ne garderai ici que "Une autobiographie en rose", comme présentation de celui qui écrit ici.
Dans les cartons (virtuels) :
* un post sur le récit d'Erwin Mortier paru au printemps, Les dix doigts des jours ;
* un autre qui attend depuis très longtemps sur L'amour comme on l'apprend à l'école hôtelière de Jacques Jouet.
Dans les deux cas, c'est du lourd : il faut que je me replonge complètement dans les livres si je veux en dire des choses précises. C'est sans doute ce qui fera que je ne bloggerai pas sur L'homosexualité dans tous ses états de Pierre Verdrager, ou alors pas avant longtemps.
Côté cinéma, j'aimerais aller voir La Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, un film de filles. En revanche, je ne dirai rien de The Bubble d'Eytan Fox, que je n'ai pas trop aimé : pas le temps de me fatiguer pour une bluette qui ressemble à une série télé de fin d'après-midi.

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Point de côté d’Anne Percin

Anne Percin

 
J’ai relu Point de côté, car cela fait de longs mois que je souhaite écrire sur ce livre. Mais je voulais le faire décemment. La première fois que je l’ai lu, c’était en novembre dernier. J’en suis ressorti marqué, mais tout était flou dans mon esprit. Il m’en restait une impression extrêmement forte, mais la mémoire en était comme effilochée. Les mois ont passé. La première fois, j’avais vécu le livre, j’avais été Pierre. Il m’a fallu une relecture pour confirmer mon sentiment premier, pour déplacer mon point de vue et prendre le recul nécessaire à une analyse. Pour ceux qui n’ont pas lu le livre, j’ai rédigé cette revue de manière à ce que l’on puisse la quitter en chemin. J’ai évité aussi de dévoiler ce qui fait le sel de l’histoire.

 

Point de côté est un roman formidable, l’un des meilleurs que je connaisse dans la littérature pour adolescents ; un livre de vie, drôle, poétique et fort. Il se présente comme le journal d’un garçon de dix-sept ans, Pierre Mouron. Tout un programme, ce nom. La vie de Pierre est marquée au fer rouge : la mort accidentelle de son jumeau lorsqu’ils avaient dix ans a plongé son existence dans un puits sans fond. Quelques pages évoquent ce passé douloureux, avec finesse et subtilité. L’essentiel est tout de même chronologique : onze mois de la vie du personnage, trajectoire en dents de scie, mais jamais donnée à l’avance, le contraire d’une tragédie.

L’idée de faire écrire Pierre est ici payante, car elle nous laisse toujours un coup en arrière, avec ce qu’il veut bien coucher sur le papier, qui n’est pas tout. Ce n’est pas évident de le réaliser quand on est pris dans l’histoire, mais les non-dits sont finalement aussi importants que ce qui se dévoile. 

J’ai envie d’une présence. J’ai envie d’une main sur mon épaule. J’ai envie… de quelque chose que je ne peux pas écrire, même pas ici. (p. 71) 

En outre, le rythme va s’accélérant : l’histoire commence durant un été brûlant comme une chape de plomb ; la rentrée s’appesantit, l’automne est confus. Avec l’hiver, la vie de Pierre prend un nouveau tour, sa course un nouveau virage, puis un autre. Après 110 pages (sur 150), le lecteur serait bien incapable de deviner comment l’histoire va tourner. C’est le début du troisième cahier, le lundi 3 janvier 2000. Le lecteur est déjà si proche de la fin du livre. La suite déroule un tiers du temps de l’histoire sur moitié moins de pages (un sixième). En quelque sorte, Point de côté raconte l’accélération d’une vie longtemps retenue prisonnière.

 

La métaphore de la course n’est pas arbitraire, car elle tient une place concrète dans la vie du héros :  

Et puis cette année, au mois d’avril, j’ai vu à la télé des images du Marathon de Paris.

Il faisait chaud, ce printemps-là. Devant moi, ma mère a dit : « par cette chaleur, c’est suicidaire de courir. »
Alors j’ai commencé à courir.

C’est facile quand on a de la volonté. Ça ne demande aucun matériel, aucun conseil, aucun partenaire. Deux mois plus tard, j’avais perdu cinq kilos. Maman a cru que j’avais fait ça pour perdre du poids. Elle n’a pas tort, mais ce qu’elle ne sait pas, c’est que je compte perdre tout mon poids. (p. 14)

L’histoire est égrenée par les courses de Pierre, qui dans cette nouvelle activité est comme une chrysalide en pleine métamorphose, prête à se révéler finalement papillon. En ce sens, plus que tout autre, ce livre exprime le mouvement de l’adolescence, la figure, le suggère, même si l’ensemble est ramassé sur une petite année. Le héros, qui a vécu en creux durant les sept années précédentes, rattrape en quelques mois ce qui lui avait été volé par un accident.
    Héros-narrateur, donc, auquel Anne Percin a prêté beaucoup d’humour, en deçà de sa carapace. Pierre ne cesse de se moquer de lui-même, et accessoirement un peu des autres. Mais il décrit aussi avec maestria des moments de trouble (un baiser dans les toilettes, un triomphe qui tourne à l’humiliation, un coup de foudre…). Sa langue n’est ni recherchée ni caricature, une langue de jeune homme, sans cette surcharge de signes qui démonétiserait rapidement le livre.

La lettre est là, à côté de moi, sur le lit. J’écris adossé au mur de ma chambre, la couverture à carreaux rouges sur mes genoux, celle avec des étriers, des chiens, des cors de chasse, offerte glorieusement à ma mère par la société La Redoute. J’ai aussi sur les épaules le pull violet de la fille du ciné. Je me fais l’effet d’un chiffonnier d’Emmaüs, l’abbé Pierre Mouron. (p. 99)

Dans le même ordre d’idées, nous sommes situés en un lieu (Strasbourg), à une période précise (du 28 juillet 1999 au 1er juillet 2000), mais cette précision ne se referme pas comme un piège qui périmerait rapidement ce qui est raconté. Dans quarante ans, le livre n’aura pas pris une ride. Anne Percin a eu cette adresse d’ancrer très nettement l’histoire tout en l’épurant de tous les détails qui pourraient la lester et rapidement la rendre obsolète. 

Il faut dire aussi un mot du style, extrêmement limpide. Les phrases sont brèves, nerveuses. Parfois, ce rythme semble figurer les tâtons du personnage. Cela donne en général un tempo rapide, mais qui peut accélérer ou ralentir. Anne Percin dispose d’une palette extrêmement riche, qui fait qu’elle peut tout se permettre. Ainsi la phrase parfois s’allonge insensiblement pour dire le temps suspendu, par exemple quand Pierre raconte une course contre un drôle de mauvais génie.

J’entends le souffle de Xavier derrière moi. Il ne doit pas être bien loin. Deuxième tournant à gauche. J’ai un goût de sang dans la bouche. Encore mes amygdales qui me jouent des tours, j’ai l’impression qu’elles saignent mais ce n’est que de la salive et un mauvais souffle, je suis encore un peu trop gros, si je perdais des tas de kilos j’aurais peut-être des poumons très larges et très purs, pourtant je ne vois pas pourquoi, les cantatrices ont bien de grandes cages thoraciques : on dit qu’elles ont du coffre. Quand les gens les voient à la télé, ils s’exclament : « Quel coffre ! ça doit être pratique pour y ranger les bagages ! » Les gens sont marrants. Quand ils ne sont pas méchants. (p. 36-37).

Au cœur du récit jaillit un monologue intérieur qui dérive entre dinguerie et métaphores. Ce ne sont plus Pierre et Xavier, mais un chameau et un serpent, et le narrateur raconte la course avec la distance d’un renard amusé. Insensiblement, il injecte des images, belles mais discrètes, qui font toute la poésie du roman. Car Point de côté est un livre poétique, pas violemment, à la Xavier Deutsch, mais dans des inflexions discrètes, un abord des choses, une façon de les prendre de biais.

Dans Strasbourg un après-midi, on se perd facilement. Je ne parle pas d’orientation, mais d’identité. Très vite, hier, je me suis senti aspiré. J’avais à peine atteint la place Gutenberg que, déjà, je m’étais dissous. J’ai continué à voguer dans la foulé, sous les arcades jusqu’à la place Kléber, presque fantôme, à cette différence près que tous mes sens étaient en éveil. Ma peau frissonne dès qu’on la frôle, même si c’est par hasard. Je rougis dès qu’on me regarde. (p. 70)

La perfection n’existe pas, mais Point de côté s’en rapproche, qui dit tant de choses en 147 pages à bride abattue. L’économie apparente de moyens cache une richesse contenue comme de l’air comprimé. En le refeuilletant, je m’extasiais du peu de ligne qu’il lui faut pour exprimer tant de sentiments et d’événements. Même les moments les plus forts peuvent tenir sur une feuille de papier à cigarette. D’après ce qui est dit dans le prière d’insérer, Anne Percin a réécrit son roman trois fois en quinze ans. Cela me confirme qu’il n’y a aucun rapport entre la spontanéité d’un livre et le travail qu’il a demandé. 

Très vivement recommandé. Du même auteur (publié depuis) : Servais des collines (un roman très réussi se passant à la Renaissance) et L'Âge d'ange.

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Owen Pallett

En ce mercredi 15 août, il est venu jouer à Paris. Il nous est apparu aux alentours de 21 heures dans une improbable tunique orange, sur la scène du Café de la Danse. Avant, c'était Robin des Bois, maintenant il tend vers Peter Pan. Longiligne, plutôt grand, un visage qui serait magnifique, s'il n'y avait ce menton avachi qui pendouille. Des mêches châtain clair et des yeux noisette tendant vers le vert, même s'il paraît parfois strictement blond. Car sa physionomie change selon les lumières et les angles de vue. Même son physique échappe aux qualificatifs. Même là, il est toujours ailleurs, et c'est ce qui fait sa grandeur.
Owen-Pallett-2.jpgOwen Pallett. Nouveau genre d'homme orchestre, avec guère plus qu'un violon. Caché derrière son "groupe", encore plus fantômatique que la Divine Comedy de Neil Hannon : Final Fantasy. Rien à voir avec l'univers des mangas japonais. Ce serait plutôt un Moyen Âge vaudou jonché d'objets et de symboles de notre époque, son petit monde. Mais si le décor est débris, la musique, elle, est parfaitement homogène.
Après une interminable première partie, il était là, debout, seul, avec son violon, sur la gauche de la scène, flanqué d'un synthétiseur en retrait. Trônant au centre de la scène : un rétroprojecteur assez pitoyable comme on en croisait dans les salles de collège il y a dix ans. Il projetait le nom du groupe. Final Fantasy. Pour ceux qui ont eu la chance d'entendre son deuxième album, He poos clouds (2006), jouer les morceaux de ce disque sur scène paraît de l'ordre de l'improbable pour un soliste.
Final-Fantasy.jpgIl se sert d'un système de sample pous se démultiplier : il joue une première séquence, au bout de laquelle il en joue une nouvelle, accompagné par le premier motif que la machine répète. Au bout de quelques itérations, il est devenu plusieurs musiciens avec son seul violon... Mais quel violon : pas seulement archet ou notes pincées, mais aussi instrument de percussion sophistiquée, alors le tout mélangé ! On sent une technique impériale, toute classique à la base, mais qui s'aventure sur des territoires inédits. Rien qu'avec ses deux bras et un pied - pour faire redoubler ou dévisser le sampler.
Et là-dessus, au troisième ou au quatrième passage, la voix. Une voix chaude, juste, en général ténor, mais capable de s'aventurer dans les aigus pour contrefaire les choeurs de He poos clouds ou beugler les étranges interjections du disque. Un deuxième instrument, aussi labile que le premier, mais qui en concert jamais ne se dédouble. Un sommet a été atteint durant la performance la plus improbable : une version solo de This Lamb Sells Condos, le morceau le plus orchestral d'Owen Pallett. Je n'aurais jamais cru qu'il aurait l'aplomb de la jouer ici. Et pourtant ! De temps en temps, il s'accompagnait du synthétiseur, mais sans jamais trop le mobiliser. Il s'en est servi pour reprendre Paris 1919 de John Cale, le genre de chanson où il est difficile de se mesurer à l'interprète original. Et pourtant, dans une version très littérale, qui dit aussi tout ce qu'il doit au grand violoniste du Velvet Underground, je trouve qu'il fait plus que l'égaler. Partialité ?
A l'usage, il s'est avéré qu'il n'était pas seul : une dame d'origine indonésienne a utilisé l'improbable rétroprojecteur pour un théâtre d'ombres et de couleurs, à mi-chemin entre Bali et la blague de potache. Elle affichait des intertitres et manipulait diverses sortes d'images, couleurs, messages, dessins... C'était souvent macabre, et très mélangé : images médiévales, de science fiction, gimmicks de publicité, mandalas, graffitis de high school... Parfois, c'était complètement cheap, parfois fascinant, ainsi un parallèle entre des figures de la Renaissance italienne et des extra-terrestres à la Topor. Ces images mi-figées, mi-animées, figuraient un territoire tout aussi incertain, tout aussi mélangé, que la musique ou les paroles d'Owen Pallett.
 
Owen-Pallett4.jpgCar si une chose est certaine, c'est l'invraisemblable catalyse qui s'opère dans ces chansons mini-symphoniques aux paroles improbables. En notre époque de ressassement, de reprise, voilà un artiste qui invente des formes nouvelles, incroyablement belles, mystérieuses et chimériques. La beauté lumineuse de la musique fait contraste avec l'étrange univers macabre des images et des paroles. Les textes de He poos clouds sont énigmatiques comme le reste, mais assurément, il fait un pied de nez à l'époque. Cela semble très sérieux, même s'il s'y loge quelque moquerie ravageuse. Pour une oreille non parfaitement anglophone, sans les texte sous les yeux, les paroles restent inaudibles. Mais ce n'est pas très important.
Il n'est pas très à l'aise non plus. Après le second morceau, il nous a dit que le lieu était "weird", avant de nous enjoindre de rentrer chez nous. Plaisanterie ? Sans doute, quoique à moitié. Ses "thank you" ressemblaient légèrement à des "fuck you". C'est la prestation la plus schizophrène à laquelle il m'ait été donné d'assister dans ma vie. Jamais je n'ai senti un malaise aussi palpable, un être aussi intérieur, et en même temps, tout de même, en mouvement vers nous. Il parlait entre les morceaux dans un anglais ultra-rapide, sollicitant les techniciens ou parlant à la cantonade sans toujours s'adresser à des interlocuteurs déterminés. Etait-ce à la salle ? Sur la fin du concert et pendant les rappels, il est devenu beaucoup plus cordial, nous remerciant pour la chaleur de l'accueil. Il parlait dans sa barbe, un peu, notamment quand il lui arrivait un (léger) pépin. Beaucoup d'humour pince-sans-rire, surtout, car l'homme entier, l'artiste, est fantasy.
Owen-Pallett---Ed-Droste.jpgJ'ai déjà évoqué ailleurs son interview dans le magazine néerlandais Butt (n° 18) par son compère Ed Droste, le chanteur non moins talentueux du groupe Grizzly Bear. Ils y discutent de sexualité d'une façon assez crue, ce qui pourrait surprendre chez une personne aussi réservée qu'Owen. Il semble avoir négocié une inflexion assez largement queer depuis cette époque. Sa tenue de Peter Pan orange et quelques maniérismes légers avaient valeur de signature durant le concert, sans parler de la reprise d'une chanson de Beyruth dont il a écrit les paroles, beaucoup plus réalistes que ses textes pour Final Fantasy. Ce n'était pas non plus ostentatoire, quoi qu'en dise la notice (en anglais) de Wikipedia. Toujours est-il qu'Owen Pallett, du haut de ses 28 ans, est un intense motif de fierté et d'émotion : l'un des musiciens les plus doués et les plus fascinants d'aujourd'hui, et un garçon sensible.

Alpentine (Owen Pallett Fansite)

Portrait sur C'est comme ça

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« Les chansons d’amour » de Christophe Honoré

Synopsis

Chansons-d-amour1.jpgIsmaël (Louis Garrel) et Julie (Ludivine Sagnier) sont en couple depuis huit ans. Quand le film commence, ils forment un drôle de ménage à trois avec Alice (Clothilde Hesme), collaboratrice d’Ismaël à la rédaction d’un journal en ligne. Cette situation n’est pas sans créer des tensions entre les deux amants réguliers. Julie voit régulièrement ses sœurs Jeanne (Chiara Mastroianni), Jasmine (Alice Butaud) et ses parents (interprétés par Brigitte Rouän et Jean-Marie Winling), qui habitent un confortable appartement dans le quartier de la Bastille. Ismaël est un peu la vedette de ce cocon protecteur, ce qui n’est pas sans agacer Julie.
À l’occasion d’un concert, Julie fait un malaise et décède brutalement. La vie de l’ensemble des protagonistes s’en trouve bouleversée. Ismaël plonge dans la dépression, Alice a trouvé refuge dans les bras de Gwenaël (Yannick Rénier), tandis que le reste de la famille de Julie essaie, un peu en vain, de maintenir un lien avec l’homme blessé. Pour échapper à Jeanne, qui campe chez lui, Ismaël est logé un soir chez Gwenaël et rencontre son petit frère Erwann (Grégoire Leprince-Ringuet), un lycéen « beau, jeune et breton/ [qui] sent la pluie, l’océan et les crêpes au citron ». Erwann tombe immédiatement amoureux d’Ismaël, mais celui-ci ne semble pas spécialement enclin à accepter cette aventure d’un genre nouveau…

 

Commentaires

Chansons-d-amour2.jpgCette première comédie musicale de Christophe Honoré est une pierre de plus dans la célébration de Paris. Plus qu’à Jacques Demy, on pense à Jeanne et le garçon formidable d’O. Ducastel et J. Martineau. Le film s’ouvre par un prologue musical captant des images essentiellement nocturnes de la capitale, se saisissant de visages anonymes dans une ambiance orange, marquée par l’éclairage urbain. La B.O. a été confiée à Alex Beaupain, auteur des musiques, mais aussi de presque toutes les paroles des chansons. Parmi les musiciens ayant participé à l’enregistrement figure François Poggio, le brillant guitariste de Florent Marchet. L’ensemble est assez séduisant, y compris la prestation d’Alex Beaupain en chanteur lors de la scène du concert.
Chansons-d-amour9.jpg Dans ce film qui ne dissimule pas les conventions de la comédie musicale, la mayonnaise met un certain temps à prendre. La première partie (la vie à trois) comporte des moments assez drôles, mais elle est un peu poussive. La deuxième (le deuil) a quelque chose d’assez abstrait. Ce n’est qu’avec le surgissement de Grégoire Leprince-Ringuet que le film trouve son rythme. Le cinéaste ne l’a pas arrangé, lui imposant une coiffure grotesque, des fringues ridicules et un pétard en guise de brushing. C’était sans doute pour offrir à son jeune pur-sang une course à handicap. De fait, le numéro de comédien est éblouissant, tant le jeune acteur arrive à porter plusieurs registres à la fois : la naïveté, le désir, le don de soi, un zeste de roublardise, etc. Il était déjà excellent dans Les Égarés d’André Téchiné. Ici, il est le soleil du film. Dans une interview, le cinéaste-écrivain a expliqué que le rôle d’Erwann était une réminiscence de sa montée à la capitale, quand il avait (à peu près) l’âge de son personnage. Ceci éclaire sans doute tout ce qu’il y a de vibrant en Erwann. Le choix d’un acteur qui joue excellemment et chante très bien (il a fait partie de la maîtrise de Radio France quand il était gamin) fait partie de la réussite crescendo du film.
chansons-d-amour2.jpgLe climax de l'oeuvre est atteint lors d’une scène particulièrement sensuelle et tendre entre Louis Garrel et Grégoire Leprince-Ringuet. Rares sont les cinéastes à avoir réussi à montrer l’amour au masculin sous une forme aussi délicate, alors même qu’il s’agit aussi d’une scène de comédie musicale. Il faut d’ailleurs rendre hommage aux acteurs, qui ne se sont pas contentés de « faire leur job ». Quand on se souvient de Heath Ledger dans Brokeback Mountain ou de Jérémie Elkaïm dans Presque rien, on pourrait penser que les acteurs ont parfois du mal à être totalement crédibles dans une scène gay. Ici, preuve est faite du contraire.
Que dire d’autre ? On traverse sans cesse des rues parisiennes hors des passages piétons. On fume frénétiquement. On lit des livres des éditions de l’olivier (qui publient les romans pour adultes de Christophe Honoré). On se moque doucement de la moyenne bourgeoisie, du cinéaste, des bien-pensances contemporaines, mais sans jamais appuyer. De toute évidence, le parti-pris de la légèreté et de la simplicité fait du bien au cinéma de Christophe Honoré, qui en ressort grandi et dégrossi. Et la voix simple et envoutante de Grégoire Leprince-Ringuet...

 

Vaticinations

Chansons-d-amour13.jpgLa carrière déjà prolifique de Christophe Honoré semble se tourner de plus en plus vers le cinéma, délaissant partiellement la littérature, même si cette inflexion n’est pas encore tout à fait convaincante. Fêté par les uns, ignoré par les autres, son cinquième long métrage, Les Chansons d’amour,est sans doute ce qu’il a fait de plus « grand public » jusqu’à maintenant. Tout contre Léo n’a pas eu une grande diffusion, Dix-sept fois Cécile Cassard est une œuvre brouillonne et peu amène, Ma Mère une réussite esthétique au risque de la suffocation, et Dans Paris un film âpre et assez dur. Si Honoré-le cinéaste n’a cessé de se bonifier, il a connu un moment thématique très sombre, aussi bien dans ses livres (La Douceur, Scarborough) que dans ses films (Ma Mère, Dans Paris), à telle enseigne que je me demandais ce qu’il cherchait à exprimer dans cette veine nourrie de Sade et de Bataille. En outre, son dernier texte pour adulte, Le livre pour enfants, est écrit à la diable, dans une langue assez plate.
Chansons-d-amour3.jpgMalgré ses limites, Les Chansons d’amour est plutôt une bonne surprise. Un parallèle me vient assez facilement avec François Ozon, même si ce dernier me semble un artiste nettement plus accompli : à un certain moment de leur trajectoire, ces deux auteurs trentenaires ont voulu sortir de leur image de gay parfaitement assumé pour traiter de thèmes qui ne les concernaient pas directement. Le résultat fut maniériste, sophistiqué et un peu vain. François Ozon s’est à mon avis retrouvé avec Le Temps qui reste, film majeur qui parle de la mort imminente comme personne n’avait su le faire, avec pour la première fois depuis longtemps un personnage central homo. Christophe Honoré trouve une accroche humaine plus juste avec un film ô combien codé — puisque c’est une comédie musicale — dès lors qu’il évoque une relation d’amour entre deux garçons.
Chansons-d-amour6.jpgN’importe qui pourra objecter que ma vision est entièrement subjective et que mon regain d’adhésion tient au fait que je m’identifie plus facilement. Pourtant, je n’ai jamais eu de problèmes avec des cinéastes complètement hétéros comme par exemple Ingmar Bergman, Kira Mouratova, Jean Eustache, Satiajit Ray ou Arnaud Desplechin, voire avec les films hétéros de cinéastes ambigus, comme Le lieu du crime d’André Téchiné, L’Empire des sens de Nagisa Oshima ou Le Messager de Joseph Losey. Par voie de conséquence, je doute de la pertinence de l’objection. J’ai tendance à penser que certains auteurs ne sont tout bonnement pas convaincants quand ils s’adonnent à un pur exercice de style détaché de leur sensibilité. Après tout, se donner des contraintes n’est pas forcément bénéfique. Cela peut au contraire conduire dans des impasses, sauf à ne considérer que la performance en elle-même, et non le film dans son plein déploiement.

 

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The Center of the World d’Andreas Steinhöfel

The Center of the World d’Andreas Steinhöfel

Die Mitte der Welt est paru pour la première fois en 1998 en Allemagne chez Carlsen Verlag. Il a été traduit en anglais par Alisa Jaffa pour Delacorte Press en 2005. En revanche, à la différence d’autres ouvrages de Steinhöfel — l’un des plus remarquables auteurs allemands pour la jeunesse — ce roman n’a pas été traduit en français. C’est vraiment dommage, car c’est un livre remarquable à tous égards. Je l’ai lu traduit, ce qui est une expérience inédite pour moi et quelque peu étrange : lire dans une langue tierce un ouvrage auquel on n’a accès ni dans la version originale ni dans son propre idiome implique une double perte. Néanmoins, j’ai rarement éprouvé une jubilation aussi complexe en lisant un roman pour adolescents. On est à vrai dire un peu à la limite entre lectorat « jeune » et adulte. C’est l’un de ces ouvrages qu’on ne peut aisément ranger dans une case, et qui s’offrent à différentes sortes de lecteurs. Je pense au Grand Meaulnes, à l’Attrappe-cœurs, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, La Danse du coucou. C’est un livre de cette espèce.

L’objet en impose : plus de 460 pages dans l’édition américaine. C’est un gabarit peu fréquent pour un livre destiné à la jeunesse. L’épaisseur des volumes peut dissuader les volontés hésitantes, paraît-il. Cela peut aussi fasciner, comme un voyage au long cours. En l’occurrence, l’ampleur du volume reflète les ambitions romanesques de l’auteur mais aussi la richesse de son propos. L’histoire pourrait se suffire à elle-même, de rebonds en révélations. Mais il y a davantage dans ce livre-gigogne, comme je vais essayer de le montrer. 

Andreas-Steinh--fel.jpgÀ en croire des notices sur internet, l’auteur est né en 1962 à Battenberg en Allemagne. Il se destinait à l’origine à devenir enseignant et a fait des études d’anglais et de communication à l’université de Marburg. Installé à Berlin, il est finalement devenu traducteur, scénariste (pour la radio, la télévision et la BD), tout en rédigeant des critiques en littérature jeunesse pour Die Zeit et la Frankfürter Allgemeine Zeitung. Dès ses premiers livres pour la jeunesse, Dirk und Ich (1991) et Paul Vier und die Schröders (1992), il a connu une certaine reconnaissance. Mais c’est Die Mitte der Welt (1998) qui l’a véritablement propulsé, recevant les prix "Luchs 1998" et "Buxtehuder Bullen" (ce dernier est très prestigieux). J’ai relevé des traductions en néerlandais, espagnol, tchèque, japonais, peut-être en polonais, etc. 

  Il me semble que Die Mitte der Welt — indépendamment de son histoire — est une sorte de vaste réflexion sur les contes de fées et le désenchantement du monde. À divers moments du livre, on pourrait croire que l’histoire va basculer dans le fantastique, ou au moins dans le rêve. Mais en fait il n’en est rien. Il y a toujours une explication rationnelle qui vient redresser les chimères naissantes de Phil. En ce sens, le livre fait le même chemin que son héros, depuis les fantaisies de l’enfance jusqu’à la lucidité de l’âge adulte. Il ne s’agit pas de dégonfler des mythes établis (une attitude qu’on appelle l’évhémérisme) mais de montrer l’imagination fertile de Phil peu à peu débarrassée de ses illusions magiques. Dans une époque qui glorifie le fantastique et l’irrationnel, voici un livre à contre-courant, qui n’interdit pas de rêver mais en gardant les pieds sur terre. 

Le héros et narrateur du roman est donc un garçon de dix-sept ans. Sa mère, Glass, est arrivée dans un recoin perdu d’Europe à la naissance de ses enfants, fuyant l’Amérique et de lourds secrets. Le prologue raconte cette arrivée hivernale, tragi-comique, d’une jeune fille enceinte de deux jumeaux, sous la neige, aux portes de la villa de sa sœur, qui vient en fait de mourir… À ce qu’il me semble, Andreas Steinhöfel se garde bien de situer ce lieu — dont la caractéristique essentielle est un provincialisme ultra-conservateur — et d’inscrire le récit dans une temporalité historique. La petite ville n’a d’ailleurs pas de nom et ses habitants sont appelés « les petites gens » (die kleinen Leute). Tout se passe comme si l’auteur avait voulu donner un caractère très générique à son roman, en évitant de l’ancrer dans des références trop précises. Seul le vaste monde est doté d’une géographie, mais on n’y accède qu’en s’arrachant à la localité et à l’enracinement.
Protégée par la zélée Tereza, Glass a finalement hérité de la gigantesque villa de sa sœur, baptisée Visible, qui toise insolemment la ville des petites gens, de l’autre côté de la rivière. Là, elle a élevé seule Phil et Dianne, « les enfants ensorcelés » pour la rumeur populaire, dans un climat de grande liberté. Le roman se développe en suivant deux lignes temporelles : il accompagne le héros sur la fin d’été, l’automne et l’hiver de ses dix-sept ans, tout en déployant par fragments l’histoire commencée à Boston, longue d’autant d’années, qui précède ces quelques mois. De l’enfance et de l’adolescence des jumeaux, Phil (et l’auteur) retiennent les moments exceptionnels, les faits d’arme de la petite famille, face à la bêtise et au conformisme de ceux d’en-bas. Glass est une croqueuse d’hommes, non-conformiste, rebelle, une putain idéale pour les petites gens. Dianne est un personnage mystérieux, secret, presque hiératique.

Quant à Phil, il a été soumis à un test (assez grotesque) durant l’été de ses neuf ans, à l’issue duquel Tereza (elle-même lesbienne) a diagnostiqué qu’il était gay. End of the story (sauf que cet épisode comique est raconté aux 4/5e du livre), au sens où l’attirance du héros pour les autres garçons est d’autant moins un problème à Visible que c’est un affreux tabou pour ceux d’en-face. Alors que Glass a voulu lui faire retailler ses « oreilles de Jumbo » quand il était tout petit, cette caractéristique-là est frappée d’insignifiance. C’est d’ailleurs à l’occasion de cette aventure chirurgicale que Phil a fait la connaissance de Kat, la fille du proviseur du lycée de la ville d’en-bas, la seule amie du garçon, indifférente aux cancans et aux conformismes. 

À l’occasion des cinq mois que dure l’histoire principale, Phil tombe amoureux de Nicholas, un nouveau au lycée, renvoyé d’une école privée après avoir raté un examen. Il est l’unique rejeton de riches habitants de la ville. L’histoire d’amour est au cœur du livre, et Andreas Steinhöfel aborde sans pudibonderie la sexualité de son héros. Bien entendu, la peur sociale de Nicholas complique singulièrement les choses.
Autrement plus douloureux est le manque du père, que Glass a toujours refusé d’évoquer auprès de ses enfants. Phil est particulièrement désireux d’en savoir plus, même s’il a trouvé dans son oncle Gable, marin au long cours, une sorte de père adoptif et d’initiateur. Dans la poussiéreuse bibliothèque de Visible, rebaptisée Le Centre du monde par les jumeaux (d’où le titre du roman), Phil rêve de partir sur les océans avec Gable et d’aller à la recherche de son géniteur.
 

Même lu en anglais dans une traduction, Die Mitte der Welt demeure un très beau livre, écrit avec un sens du récit, un humour et une habileté romanesque dignes de la Littérature la plus exigeante. Je n’ai pas voulu trop insister sur l’extrême sophistication de l’objet, parce qu’on peut facilement l’ignorer et rentrer dans l’histoire, vibrer, et se faire mener en bateau par le narrateur (en suivant les divers rebondissements de la vie mouvementée des occupants de Visible). À ce titre, c’est parfaitement un livre pour la jeunesse. Mais c’est aussi beaucoup plus que cela, méditation matérialiste sur les pouvoirs du rêve, livre-monde aux accents étonnants, bildungsroman (récit d’apprentissage) en bonne et due forme, etc.
Comme roman gay, le livre appartient à la fois à l’âge de l’indifférence (quand l’amour des garçons n’est rien de plus qu’un grain de beauté, qu’une pigmentation de l’amour), et à un propos plus large sur le conformisme (comme tare). À ce titre, le livre se tient à distance des propos niais sur la tolérance. Il est dix crans plus loin. Comment les éditeurs français peuvent-ils ignorer un tel livre ?

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My Heartbeat de Garret Freymann-Weyr

My Heartbeat de Garret Freymann-Weyr (HMH Books for Young Readers, 2002)

My Heartbeat a été publié pour la première fois en 2002 par Houghton Mifflin. C’est un court roman de 138 pages. Selon les indications de l’éditeur « Garret Freymann-Weyr a grandi à New York entourée de 3 soeurs et de 2 parents excessivement intéressants. Ses deux premiers romans pour adolescents When I was older et My Heartbeat ont reçu d’excellentes critiques et elle est reconnue comme un talent prometteur de la littérature jeunesse. » Depuis, elle en a publié au moins deux autres : The Kings Are Already Here (2003) et Stay With Me. Je ne connaissais pas l’univers de cette auteure avant de lire My Heartbeat, livre porté au pinacle par Michael Cart et Christine Jenkins. Elle affectionne les situations limite : When I was older raconte le travail de deuil d’une adolescente après la mort de son petit frère atteint d’une leucémie ; The Kings Are Already Here fait se rencontrer à Genève une jeune danseuse anglaise et un futur champion d’échecs russe, qui ne sont jamais posé de questions sur ce qu’ils allaient devenir ; Stay With Me parle de problèmes de suicide et de dyslexie. (2006).

Indéniablement, My Heartbeat est un livre intéressant. Il se passe dans une famille de la bonne bourgeoisie intellectuelle new-yorkaise. Les MacConnell sont des gens bien élevés et très exigeants à l’endroit de leurs enfants. Ils ont un garçon Link (Lincoln) qui entre en terminale et une fille, Ellen, de deux ans moins âgée. Elle est la narratrice du roman et un très beau personnage de jeune fille. L’histoire commence pendant des vacances d’été dans le Maine, où les MacConnell ont une propriété. Link a un ami inséparable, James Wentworth, dont les parents vivent une existence de jet-setters dans laquelle leur fils a peu de place. Link, James et Ellen forment un improbable trio. Les disputes fréquentes entre Link et James et les échappées nocturnes de ce dernier conduisent Ellen à se poser des questions sur la nature des relations entre son frère et son ami, dont elle est par ailleurs très amoureuse. Avec la rentrée scolaire et l’entrée d’Ellen au lycée, les questions vont lentement se préciser, dans le regard des autres notamment. Quand elle finit par interroger directement les deux garçons, James reconnaît avoir eu des expériences masculines, mais Link refuse violemment toute idée d’amour entre James et lui et s’affirme comme hétérosexuel. La suite du roman est marquée du sceau de la brouille entre les deux garçons et du rapprochement entre Ellen et James.

Roman d’apprentissage très classique, ce livre a au moins deux intérêts particuliers. Le premier est son intelligence sociale : Garret Freymann-Weyr décortique avec une acuité de sociologue les “invisible laws” qui corsètent les comportements du père et du frère, les dénis que chacun multiplie, la violence des réactions individuelles à des pressions étouffantes. L’autre est une riche sensibilité aux détours et contours de chaque personnage, qui nous épargne la caricature et le simplisme. Même Mr MacConnell, personnage assez oppressif et potentiellement déplaisant, est traité avec nuances par l’auteur.

L’homosexualité masculine est indéniablement un sujet essentiel du livre, mais Garret Freymann-Weyr refuse de la considérer comme un état statique et identitaire. Link et James ont en la matière des façons presque inverses d’agir et de ressentir. De toute évidence, c’est l’attitude honnête et lucide de James qui a les faveurs de l’auteure, même si elle suggère très bien comment l’ambiance instaurée par Mr MacConnell a pu interdire à Link toute acceptation de lui-même. La question de la sexualité des personnages n’est pas éludée non plus, et sans pruderie.

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“Lucky” de Eddie de Oliveira

Lucky est le premier roman de Eddie de Oliveira, un tout jeune auteur (il est né en 1979). Depuis est sorti Johnny Hazzard (2005) que je n'ai pas lu. Lucky a été publié  en 2004 chez Scholastic.
Ce roman à la première personne raconte le laborieux coming out de Sam Smith, un garçon doté d'un humour assez persistant: "My name is Sam Smith, and I've never forgiven my parents for it. So short, so simple, so alliterated, so... English. Just a hint of foreignness (Sam le Smith?) or a first name that didn't start with an S (I've always quite liked Bernard) would have been a better start."
L'essentiel de l'histoire se passe durant l'été qui suit la première année universitaire de Sam, avec des plongées dans les années de lycée et une évocation assez terrifiante du harcèlement (bashing) frappant les élèves supposément gays dans les écoles publiques. A l'université, Sam étudie l'histoire, tandis que ses amis de toujours, Brenda et Pod, sont partis dans des universités de province. Ils habitent un patelin dénommé Surbiton. J'ai supposé que c'était un jeu de mot sur suburban town, et que l'endroit était fictif et désignait allégoriquement la mentalité "ville de banlieue", par opposition avec le centre de Londres. Sam vit avec sa mère, manifestement assez fauchée. Il joue au foot dans l'équipe locale des Surbiton Rangers et les vestiaires sont un peu le lieu où s'éveille son trouble sexuel.

The reason for all this consternation was simple. For the first time in my life, I was admitting to myself that I thought I might possibly in effect maybe potentially have the capability to fancy boys. OK, so it was a long-winded admission, but it marked severe progress. I knew, and always had, that I fancied girls. But this summer I began having doubts. Was that attraction just a front? Was I pretending to like girls when in fact I liked boys and only boys? Looking back at my seven years of secondary education, my eyes seemed to linger longer on the boys, not the girls. But was that just because it was a forbidden thing; and breaking rules is so much more fun than keeping to them? Taboo is fun, after all. My keen interest in the changing rooms might have been because I knew far less about boys and sex, and was curious to know more. I knew about girls, had consumed plenty of porn, [...] but boys remained a mystery.

These confusions were made all the more complicated by being a principal part of the laddish football team. But I decided it was time I figured everything out because I'd spent the previous eleven years trying to get an inkling as to what I was — after all, if you don't know yourself, how can you be yourself? And if you can't be yourself, how can you be what you want to be? I [...] shouted out loud, “What the fuck am I?” But “What am I?” is a bloody difficult question for anybody to answer, let alone a nineteen-year-old leading goal scorer of the local football team with potential for fancying boys. And, where I'm from, blokes are blokes, women are women, and anything in between is most seriously frowned upon. Not so in Greece, where, apparently, men kiss each other when they meet. Here you're labeled from birth: It's black, white, Asian, or other (wow, what an honor to be labeled “other”), male or female, and hetero, homo, or bi. What about that mixed-race hermaphrodite from Puerto Rico, who wasn't black, white, male or female, hetero, homo, or bi?

I was pretty sure that I found comfort in breasts. Like many of my peers, I'd always been fascinated by tits, but lately I couldn't help peeking at pecs. And what made all of this so much worse was the fact I couldn't tell anyone a thing. I couldn't express my confusions — or discuss my feelings with a soul, because of one silly little word, which is so easy to say but so difficult to live with: fear. Being scared stiff. Petrified. What will they say? How will they react? Will they push me away, reject me for good? [...] It's so difficult to describe a fear that takes hold of you completely and stops you from doing anything, from being remotely proactive. [...] That's the incredible power of this paralyzing type of fear.

Since the first few weeks of the first term at university last September I'd noticed this bloke who sat opposite me in the lecture hall. He was about six feet tall, slim, with short dark brown hair and stunning brown eyes. His clothes were always smart and casual, erring on the side of trendy, and I knew from seeing him with other students that he was a polite and funny guy. I caught his eye at our second lecture together and just couldn't stop catching it. I really couldn't put my finger on why I kept staring, because he certainly didn't look as though he was as transfixed by me as I was by him. I never imagined him naked or anything. I was just spellbound by him. He seemed . . . what's the word. . . different. [...] Without any words, it was clear we had something big in common, and I just knew from the get-go he'd be joined to me in intimacy and mutual benevolence. I knew he'd be my … friend. (p. 14-16)

Et c’est ainsi que Sam va faire la connaissance de Toby. La première conversation entre les deux garçons à la fin de l’année universitaire est assez embarrassante pour Sam, qui a gardé une peur panique de tout ce qui rappelle de près ou de loin un poof (pédé). Or Toby finit par l’embarquer dans des considérations sur les boys bands… Un autre chapitre raconte les premières retrouvailles des deux garçons et les confidences peu à peu échangées. Eddie de Oliveira fait merveille dans les dialogues. Il joue avec les allusions, les circonvolutions, les demi-vérités, d'une façon à la fois drôle et grave.
Le début de l’été signifie aussi le retour de ses amis Brenda et Pod. Sam réalise à quel point Pod est homophobe, ce qu’il n’avait pas remarqué auparavant. La petite bande a l’habitude de se retrouver dans un pub et de boire plus que de raison. À mesure que l’amitié grandit entre Sam et Toby, la question d’intégrer ce dernier finit par se poser. Par ailleurs, Toby a manifesté le désir de participer à l’équipe des Surbiton Rangers, qui est entraînée par deux personnages assez loufoques :
“Sam, get your arse out here!”

It was the dulcet Cockney tones of Harry, coach of the Surbiton Rangers. Harry is a big man: fifteen stone, five foot nine tall, a traditional side-parting in his greasy brown hair, and the obligatory nonleague football manager's camel sheepskin coat, which looks like a relic from the cold war, the sort of thing only worn by a KGB operative or a used car salesman in Essex. Harry has so many chips on his shoulder he could open a successful, if rather unhealthy, fast-food outlet. Although only twenty-eight, he easily passes for fortysomething. As a player, he failed miserably, which he claims was because of forced retirement following a serious injury when he was only twenty-one. We all suspected he was just crap. He has coached the Rangers for two years, his main qualification for the job being that he wanted it when nobody else did. We survived for three months without a manager before Harry turned up one Sunday morning, without any announcement, and began barking orders from the touchline. He assumed the title of “head coach” without anyone asking him to, or giving him permission. Still, nobody has challenged him for the job since, and he has guided us to respectable top-half positions in the league for the past couple of seasons.

However, Mr. Popular he ain't. He shouts a lot, is never wrong, refuses to partake of any training exercises, and frequently delegates the more mundane chores (such as liaising with the borough council for use of the football pitches) to his sidekick, the ultra-skinny and odd Morph. The only other “person” I know called Morph is a tiny clay cartoon character who speaks in squeaks. Sadly, our Morph has terribly low self-esteem, and Harry's oppressive ways don't help. About a year ago, Morph responded to Harry's ad in a local newspaper for an “enthusiastic and committed voluntary assistant.” He is twenty-two years old, unemployed, and a hypochondriac — tissues, decongestants, and scarves frequently adorn his face. (Throughout the previous year's heat wave of July and August, Morph insisted on wearing a scarf and woolly hat to every training session.) But he's also strangely likable. I guess I feel sorry for him. (p. 48-49)


        Harry et Morph donnent depuis longtemps des sueurs froides à Sam car ils n’ont de cesse de le qualifier de gentle, ce qui est une façon plus honorable de suggérer looking gayish… La rencontre de Toby avec Pod se passe horriblement mal, mais Sam redoute encore plus la confrontation avec l’équipe de foot. Le chapitre qui raconte cet épisode est mémorable de drôlerie. En voilà quelques morceaux :

Toby's arrival was no big deal. Players come and go every week —students who want to get fit quick might come for a couple of months then never reappear; older men who think they can hack the pace frequently disappear; friends and siblings of the regulars often come down for a session and maybe even a game or two before calling it quits. Nobody gave Toby a second look. But it wasn't long before the others noticed he was no ordinary addition to the squad.

His stare was lingering — mainly on Pretty Boy, I noticed, but also on one or two of the others. Pretty Boy was his usual cool James Dean-esque self, shooting a look back at Toby every now and then. The lads wore puzzled expressions as they witnessed Toby's roving eye. (p. 91-92)

Morph shouted at us, “Game over. Drill number one!” […]

“Pretty Boy says it's still hurting. Potential team crisis” Morph informed Harry, excited at the prospect of somebody other than him having a serious problem to deal with. Harry called for Toby, and I moved closer as I stretched in order to get within earshot. “Pretty Boy Pete has had” Harry started.

“Why is he called Pretty Boy Pete?” Toby interrupted.

A pause. I think Toby was trying to get one of them to explain how Pete was a dashingly handsome young man, but instead —

“Because he is a Pretty Boy” — started Harry.

“— and his name is Pete,” concluded Morph.

Toby replied quick as a flash:
“He's not that pretty.”

Harry's face wore a look of unbridled horror.

“What?” he demanded.
“Well, I've seen prettier.”

Morph looked at Harry, at a loss. Was this a member of the Rangers saying he'd seen prettier boys? Surely not! Harry took the ignore it, and it'll go away approach. Mikey stopped packing his kit bag and just stared at Toby, a look of total confusion on his face. Chopper Chubby's narrow, suspicious eyes focused on the new boy too. I was beginning to sweat.

“Yeah, well … his hamstring's looking dodge,” Harry continued. “I want you to try for us at left mid, but you've got to concentrate on your ball control.”

“Ball control's my speciality,” Toby cheeked. Chopper gave Laid Back a look. My shirt was, by now, drenched and I was nervously picking tiny pieces of dry summer mud out of my boots.

“What?” said Harry, sternly.
“Nothing,” Toby replied.

I think Harry was having second thoughts about his offer. I was on the verge of exploding with embarrassment. Toby was outing himself and, by default, me.

“What's your favored position?” asked Morph, and I could see where this one was going. Toby grinned.

“My favored position, since you ask, is in the hole.”

This was the straw that broke Harry's back. Irreverent humor was bad enough, but innuendo? Beyond the pale. His voice turned all gravelly and threatening, sounding a bit like a cheap East End gangster.

“You being funny?”
“Funny?”

“I asked you where you like to play on the pitch,” explained Harry, still resembling a London Godfather.

“I told you, in the hole,” said Toby.

Morph didn't get it. “The hole? The hole? Where's the hole? Could be anywhere, couldn't it? Specify!”

“Between midfield and attack, the hole,” explained Toby, and he wasn't wrong — the hole was a position made popular by teams in Italy.

Harry told Toby to warm down, and crouched by me as I took my boots off. Morph crouched behind him, annoyingly. I knew I'd be interrogated, and Harry pulled no punches.

“This … friend. Quite nifty on his feet…”

“Quite useful in the air,” pitched in Morph. For once, I agreed.

 “Yeah, showed me up a bit, I reckon,” I said.

 “Yes, he did,” said Morph, which wasn't what I expected.

 “Leave tactical opinions to me, please,” said Harry. “He around a lot, is he?”

 “He's staying for the summer. Working at the biscuit factory,” I explained, slightly wary of what was to come. Harry seemed to be beating about the bush a bit.

“Is he now? Round for the Summer Cup, then?” asked the gaffer. I answered in the affirmative. Then came the question Harry was dying to ask.

“Exactly how much of a friend is he?”

“What do you mean?” I asked, keeping my eyes on the ground.

“Well... he seemed quite similar,” said Harry.

“Quite gentle,” added Morph.

“I just know him quite well, that's all. We do the same subject.”

Harry got back to business. “Know him well enough to convince him to play left mid? On a trial period, mind.”

I was a bit taken aback. I knew we were short on left-footed players, but he'd only played one training session, and he was already being considered for the first team. Of course I could convince him to play, although I wasn't sure, in light of Toby's cheekiness, that this was the best idea for me personally.

“We want him in, we think he's great!” squealed Morph.

“Morph! Remember what I told you about you annoying me, about talking out of turn? Well, you're doing it now.”

“I'm sorry,” began Morph, “but I was just trying to exercise my right. It's difficult. I mean I've got to raise my self-esteem, the whole point of the counseling –“

“Morph — I repeat: You're doing it now.”

I offered to have a word with Toby about trialing. But I was far more concerned with finding out what Toby had revealed about personal matters.

“Has he told you anything?” I asked. “Like, about himself?”

Harry leaned in. He had an annoying smirk on the left side of his mouth. Morph looked very excited as he said

“Oh yes, he's told us all about the –“

“Morph! Bloody hell!” shouted Harry, getting up to leave. What he said next filled me with terror.

“He's told us he's… gentle. Know what I mean?” (p. 94-97)

La suite est à l’avenant… Eddie de Oliveira parle de sexualité sans pudibonderie, même si aucune scène de sexe n'est présente dans le livre. Parmi les choses que Sam découvre peu à peu, il en est au moins deux qui sont clairement des opinions que l'auteur a voulu mettre en scène : les non-hétérosexuels surestiment l'homophobie de leur entourage et le sexe est loin d'être l'aspect le plus important d'une relation de couple.
Lucky est un livre extrêmement drôle, mais aussi émouvant. La langue n’est pas toujours évidente à comprendre, mais avec le contexte on s’en sort correctement. Je ne dévoilerai pas les multiples rebondissements qui émaillent les 150 pages suivantes, car elles font partie des joies de la lecture. Eddie de Oliveira a une méticulosité de chirurgien pour nous faire assister à l’éclosion progressive de Sam et à son ouverture sur le monde.
Le récit d'une expédition de Sam et Toby dans le centre de Londres est assez fascinante, véritable déniaisage de Sam sur la diversité du monde et moment de tendresse bourrue.

 
J’ai été tellement scotché que je n’ai pas pu m’empêcher de le finir très tard une nuit. Je ne saurais dire que c’est de la très grande littérature (quoi que le tempo est assez maîtrisé et le livre plutôt subtil). Mais c’est assurément un beau livre pour (assez grands) adolescents.

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Quelques DVD plus ou moins gay et visibles pour des ados 2

Le travail ci-dessous et les deux posts analogues ont été conçus pour des lecteurs adolescents et pour leurs parents.
Pour réaliser la liste, il m'a fallu tenir compte des autorisations légales et de plusieurs critères de choix. J'ai mis une note allant entre o (mauvais) et ***** (très grand chef d'oeuvre). Pour l'instant n'y figurent que des films que j'apprécie. Voici ceux qui sont interdits au moins de 12 ans. Ailleurs on trouvera ceux qui sont « tous publics » ou interdits au moins de 16 ans.

 

DVD à contenu gay & lesbien pouvant être vus par des adolescents
Films classés « interdit au moins de 12 ans »

amour---taire2.jpg Un Amour à taire (2004)
de Christian Faure (Fr)
Avec Jérémie Rénier (Jean), Bruno Todeschini (Philippe) et Louise Monot (Sara)
« Sarah, Jean et Philippe ont entre vingt et trente ans, en ce printemps 1942. Sarah est juive. Elle aime Jean mais Jean est homosexuel. Il est amoureux de Philippe. En cette période d'occupation où toutes les règles sont abolies, ils sont tous les trois habités par le même désir : survivre. Jusqu'au jour où, Jean accusé à tort d'être l'amant d'un officier, est déporté par les nazis. C'est le début de sa descente aux enfers sous le signe du triangle rose... ».
Ce joli téléfilm, remarquablement interprété et historiquement irréprochable, doit certainement son classement (interdit au moins de 12 ans) aux scènes « concentrationnaires », qui sont assez désespérantes. Pour le reste, il n’y a rien de bien choquant dans cette romance à trois sous l’Occupation. La projection télévisuelle a eu un grand succès, ce dont tout gay qui se respecte ne peut que se réjouir. Alors, bien entendu, c’est un film inscrit dans un certain nombre de conventions du « film à costume pour petit écran ». Mais pourquoi bouder le plaisir que cette histoire toute en nuances procure ?

 

Get-real2.jpgComme un garçon (Get Real) (2000)
de Simon Shore (U. K.)
Avec Ben Silverstone (Steve), Brad Gorton (John) et Charlotte Brittain (Linda)
  Comme un garçon est l'un des films gays les plus touchants qu'il m'ait été donné de voir, avec ce sens du social qui fait la magie des films anglais. Il est question d'un garçon de seize ans, Steve, confronté à l'homophobie profonde de l'Angleterre provinciale et à son désir de braver la réprobation générale pour vivre pleinement ce qu'il est. Il vit une passion réciproque avec un garçon, John, qui serait prêt à tout sacrifier pour sauver sa respectabilité. Le film est porté à bout de bras par Ben Silverstone dans le rôle de Steve, drôle,  subtil, touchant (sans Get-real1.jpgparler de son regard  limpide). L'humour qui irrigue le film, autant lié à l'esprit  acéré du personnage qu'aux situations burlesques, est plus qu'un ingrédient vendeur : il permet de faire passer tout ce qui pourrait être embarrassant ou un peu trop triste. Par la force des problèmes qu'il évoque et le caractère universel de ses références, ce film mériterait d'être vu par tous les publics, notamment dans les lycées, à des fins d'éducation civique. Et je ne comprends pas son classement, alors que des films bien plus crus ou explicites ont le label "tous publics".
 

new-ulm3.jpgDernier été à New Ulm (The Toilers & the Wayfarers, 1995)

de Keith Froelich (USA)
Avec Matt Klemp (Dieter), Andrew Woodhouse (Philip) et Ralf Shirg (Udo)

  Ce film à petit budget, tourné en noir et blanc, est une bonne surprise, dans la déferlante de soaps U. S. que les maisons d'édition nous proposent sous prétexte de gaytitude. L'histoire commence il y a quelques décennies, dans une communauté rurale germanophone des Etats-Unis. Dieter et Phillip sont deux copains inséparables, jusqu'au jour où ce dernier se fend d'une déclaration d'amour qui n'est pas très bien reçue. Mais Dieter est bouleversé. Alors que son ami torturé s'évade vers la ville, il demeure à New Ulm, désemparé, incapable de faire un choix. Sur ces entrefaites débarque d'Allemagne Udo, garçon désoeuvré apparemment incapable de se prendre en charge, mais à certains égards plus sûr de son identité. A son contact, Dieter va accomplir le chemin sentimental qui le ramènera vers Philip. new-ulm4.jpgL'angle par lequel le film évoque l'homosexualité n'est en rien standard et semble avoir des résonances autobiographiques. L'histoire est à la fois simple et compliquée. Il y a une justesse de ton et un tact dans la mise en scène qui sont tout à fait appréciables. Un bon film.
On trouve une substantielle interview du réalisateur (en anglais) ici. Il y est beaucoup question du casting et de la trajectoire des acteurs, entre un acteur pro hétéro venu faire un numéro de composition / tour de force (Matt Klemp) et un jeune militant gay très proche de son personnage (Andrew Woodhouse).
 
 
Edge of Seventeen (1998)
de David Moreton (USA)
Avec : Chris Stafford (Eric Hunter), Tina Holmes (Maggie), Anderson Gabrych (Rod)
« Sandusky, Ohio, 1984. Eric, un adolescent naïf de 17 ans, découvre prograssivement son attirance pour les garçons. Dans le même temps, il a du mal à définir ses relations avec Maggie, sa petite amie. L'un et l'autre travaillent dans un restaurant de parc d'attraction où il croisera Rod, sa première aventure avec un homme. »
Le scénario de ce coming of age movie a été écrit pas Todd Stephens (VIP du cinéma gay américain, et récent auteur de Another Gay Movie) sur la base de ses souvenirs de jeunessse. Rien à voir pourtant entre les deux films : Edge of Seventeen est une jolie histoire douce-amère, avec des décors un peu "marron" (mais c'est l'époque où ça se passe qui le voulait !).
 
L’Homme Blessé (1983)
de Patrice Chéreau (Fr)
Avec Jean-Hugues Anglade et Vittorio Mezzogiorno
« Henri, adolescent, s'ennuie. Accompagnant sa soeur à la gare il rencontre Jean, un homosexuel, qui le pousse à commettre un acte de violence sur un inconnu. Immédiatement, il éprouve une immense passion pour cet homme qu'il décide de suivre... »
Je l’ai visionné mais n'ai pas encore trouvé le temps de rédiger une analyse.

L'Imposteur (2005)
de Christoph Hochhaüsler (Allemagne).
Avec : Constantin von Jascheroff (Armin Steeb), Victoria Trauttmansdorff (Marianne Steeb), Manfred Zapata (Martin Steeb)

« Armin, 18 ans, est témoin d'un accident de voiture mortel. Il s'accuse, sans raisons, dans des lettres anonymes qu'il envoie aux journaux. Ce qui n'était qu'un jeu vire à l'obsession. »
Ce deuxième film de Christoph Hochhaüsler (après Le Bois lacté) est une sorte de cauchemar éveillé, dans lequel les frontières entre réalité et fantasmes sont étrangement poreuses. La sexualité d'Armin fait partie de ces domaines dans lesquels le personnage semble complètement égaré, incapable de raccorder ses dires et ses actes.
J'en parlerai davantage quand je l'aurai re-visionné (la séance de cinéma est un peu loin), mais c'est un excellent film.
 
 

ma-vraie-vie----Rouen2.jpgMa vraie vie à Rouen (2002)

d’O. Ducastel et Jacques Martineau (Fr)
Avec Jimmy Tavares (Étienne)

« Pour filmer ses entraînements de patinage artistique, la grand-mère d'Etienne lui offre un caméscope. L'adolescent se met alors à enregistrer sa vie quotidienne avec ses amis et sa mère, à Rouen, sans voyeurisme, par jeu et pour se constituer des souvenirs. S'il s'intéresse de près à un de ses professeurs, c'est, croit-il, parce qu'il serait un compagnon idéal pour sa mère. La relation qui s'installe entre eux lui donne rapidement raison, mais lui fait aussi découvrir que son propre désir était plus ambigu qu'il ne le croyait. » (jaquette du DVD)

 

 
mala-educacion.jpgLa Mauvaise éducation (2004)
de Pedro Almodovar (Espagne)
Avec Gael Garcia Bernal, Fele Martinez, Daniel Gimenez Cacho
« Deux garçons, Ignacio et Enrique, découvrent l'amour, le cinéma et la peur dans une école religieuse au début des années soixante. Le père Manolo, directeur de l'institution et professeur de littérature, est témoin et acteur de ces premières découvertes. Les trois personnages se reverront deux autres fois, à la fin des années 70 et en 1980. Cette deuxième rencontre marquera la vie et la mort de l'un d'entre eux. »
gaelgarciabernal2.jpg   Ce fim m'a absolument bouleversé quand il est sorti en salle. J'aime Almodovar en général, mais là, j'ai trouvé qu'il montait deux crans au-dessus de ses autres films. D'abord, il n'a jamais fait un film aussi sophistiqué et aussi maîtrisé : on dirait un Kubrick hispano-gay. Et puis ces trois histoires emboîtées les unes dans les autres, quelle virtuosité ! Le plus étonnant, c'est qu'on peut aussi voir le film sans se prendre la tête sur sa forme. Car l'histoire d'Enrique et Ignacio, ça vous déchire l'âme. Le bonhomme Almodovar a réussi à  faire à la fois un film universel, accessible à tous, et son oeuvre la plus personnelle, la plus formellement aboutie. En tant que gay, c'est de toute sa production l'oeuvre qui me touche le plus. Et puis il faut bien dire que Gael Garcia Bernal et Fele Rodriguez sont rayonnants !
 
 
presque-rien.jpgPresque rien (2000)
de Sébastien Lifschitz (Fr)
Avec Jérémie Elkaïm (Mathieu) & Stéphane Rideau (Cédric)
« Deux garçons de 18 ans, Mathieu et Cédric, se rencontrent, se désirent et cèdent à leurs pulsions. Ce pourrait être une simple aventure de vacances, mais leur relation prend de l'ampleur et se transforme avec le temps, en un véritable amour... »
Presque rien est un film sec et âpre. Sur le thème éculé de l’amour de vacances, Sébastien Lifschitz rebat complètement les cartes et nous offre un film à la fois beau et peu amène. Les personnages sont loin d’être transparents : ni Cédric, un peu canaille, ni surtout Mathieu, qui lors des premières scènes émerge d’une tentative de suicide. Le cinéaste a semble-t-il voulu conserver de nombre zones de mystère dans la psychè des personnages, et c’est plutôt une bonne idée. Ça évite les blablas du film psychologique. La construction narrative est également loin des facilités du récit linéaire. À des lieux d’un cinéma gay mièvre et conformiste, Sébastien Lifschitz confirmait pour son premier long métrage qu’il est un cinéaste doué et prometteur.À signaler une scène de sexe très explicite qui pourrait choquer.
 
 
tout-contre-leo2.jpgTout contre Léo (2001)
de Christophe Honoré (Fr)
Avec Yaniss lespert (Léo), Pierre Mignart (P’tit Marcel), Marie Bunel
« Dans une famille, où les quatre garçons font le bonheur de leurs parents, la séropositivité de l’un d’entre eux, Léo, fait tomber les masques et soulève des tempêtes. Léo tente de préserver Marcel, son petit frère de 12 ans, mais celui-ci se doute bien de la menace qui plane sur l’équilibre familial. Avant qu’il ne soit trop tard, Léo décide d’emmener Marcel quelques jours à Paris. Christophe Honoré signe un film âpre et émouvant sur la place de l’homosexualité et de la maladie au sein d’une famille unie. » (adventice.com)
tout-contre-leo.jpg Lecteur fidèle de s romans jeunesse de Christophe Honoré mais un peu déçu par le réalisateur de 17 fois Cécile Cassard, j'attendais avec curiosité de pouvoir visionner l'adaptation de Tout contre Léo. Des trois films de notre auteur, c'est à ce jour celui que je préfère. La dimension de commande télé impose une sobriété émotionnelle qui me ravit, après l'épreuve que furent les dernières oeuvres, tant littéraires que filmiques, dudit C. Honoré. Loin de la course à la cruauté, "Tout contre Léo" est un beau film d'amour, de tendresse, mais qui ne verse pas non plus dans la complaisance. L'interview du réalisateur en bonus est très riche.
Je n'ai vu nulle part de classement, mais à la différence des romans dont il est tiré, ce téléfilm ne me semble pas conseillable à de jeunes adolescents.
 
 
transamerica-11737.jpgTransamerica (2005)
de Duncan Tucker (Etats-Unis)
Avec Felicity Huffman (Bree) et Kevin Zegers
« Bree travaille jour et nuit pour pouvoir payer l'opération qui fera d'elle une véritable femme. Contactée de façon complètement inattendue par un adolescent fugueur à la recherche de son père, elle ne tarde pas à comprendre qu'il s'agit du fils qu'elle a eu autrefois d'une liaison sans lendemain, alors qu'elle était encore un homme. Son premier réflexe est de tirer une croix sur son passé, mais sa psychothérapeute exige d'elle qu'elle rencontre ce jeune homme avant de lui délivrer l'autorisation d'intervention chirurgicale dont elle espère tant... »
Commentaire à venir
 
 
My Beautiful Laundrette (1984) de Stephen Frears (vu, pas encore mis en fiche)
Prick up Your Ears (1986) de Stephen Frears
Tu marcheras sur l’eau (2005) d’Eytan Fox (Israël)

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Quelques DVD plus ou moins gay et visibles pour des ados 3

J'ai fait ce travail pour des lecteurs adolescents et pour leurs parents.
Pour réaliser la liste ci-dessous, il m'a fallu tenir compte des autorisations légales et de plusieurs critères de choix. J'ai mis une note allant entre o (mauvais) et ***** (très grand chef d'oeuvre). Pour l'instant n'y figurent que des films que j'aime. Voici ceux interdits au moins de 16 ans. On trouvera ailleurs les films tous publics et ceux interdits aux moins de 12 ans.

 

DVD à contenu gay & lesbien pouvant être vus par des adolescents
Films classés « interdit au moins de 16 ans »

boys-don-t-cry.jpg Boys Don’t Cry (1999)
de Kimberly Peirce (USA) 
Avec Hilary Swank (Teena Brandon), Chloë Sevigny (Lana) et Peter Sarsgaard
« Teena Brandon a 20 ans. Victime d'une crise d'identité sexuelle, Teena a toujours voulu être un garçon. Elle décide un jour d'abandonner son passé et débarque à Falls City, sous l'apparence de "Brandon", un jeune homme aux cheveux courts. Très vite adopté par la communauté de jeunes du coin, "Brandon" tombe amoureux de Lana, et de cette nouvelle vie à laquelle ses amis l'aident à croire enfin...Inspiré d'une histoire vraie, un film poignant et bouleversant où l'actrice Hilary Swank incarne remarquablement un personnage au destin tragique. Oscar 2000 de la meilleure actrice. » (jaquette du DVD)
Surtout fêté pour la performance des acteurs, Boys Don’t Cry est un film qui joue avec les limites : de la violence supportable, de la bêtise imaginable, de la noirceur de la vie. Rarement l’Amérique des paumés a été montrée avec une telle froideur. En un certain sens, le caractère tragique du film fonctionne bien, et le spectateur assiste, impuissant, au sacrifice expiatoire d’un être venu d’une autre planète, et tellement désireux de se laisser piétiner. Ça fait assez froid dans le dos. Demeure un sentiment irrécusable d’excès, comme si la corde du pathos résonnait parfois trop fort.
 
 
 
Vincent-Branchet-F-est-un-salaud1.jpgF. est un salaud (1998)
de Marcel Gisler (Suisse)
Avec Vincent Branchet (Béni), Frédéric Andrau (Foggi) et Urs Peter Halter
« Beni tombe amoureux de Fogi, leader et chanteur d'un groupe de rock. L'attitude rebelle de Fogi favorise le désir de liberté de Beni et lui donne la force de vivre hors du milieu social dont il est issu. Il se dévoue corps et âme à son amant à tel point qu'il n'arrive plus à réaliser quel homme est vraiment Fogi. »
Vincent-Branchet-02.jpgCe film raconte la rencontre entre un post-ado naïf (Béni) et un chanteur de rock sombre et brutal (Fogi), à une époque qui pourrait être la fin des années 70 ou le début des années 80. Très vite, Béni s'offre à Fogi, qu'il sait être gay, sans que l'on sache s'il le fait par simple admiration de fan ou par inclination profonde. Leur histoire est celle d'un double enfermement : du chanteur dans une spirale d'autodestruction, de son amant transi dans la dévotion et l'acceptation des tendances dominatrices de son idole. Le film, réussi dans son projet, rebutera qui n'est pas fasciné par l'univers sombre de Fogi (drogues, pulsion de mort, violence). De très belles scènes, parfois à la limite du supportable. L'ensemble est complètement dominé par la figure de Béni, excellemment joué par Vincent Branchet, qui réussit à rendre sensible toutes les contradictions et l'évolution de son personnage. L'interview de l'acteur, en bonus, est extrêmement touchante.
 
 
Paul-Dano-LIE3.jpg
Paul Dano dans Long Island Expressway
L.I.E. (Long Island Expressway) (2003)
de Michael Cuesta (USA)
Avec Paul Dano (Howie blitzer), Brian Cox (big John) et Billy Kay (Gary)
Paul-Dano-LIE2.jpg« A quinze ans, Howie vit une adolescence difficile entre l'absence de sa mère et un père escroc et égocentrique. Pour tromper son ennui, il s'amuse à cambrioler des maisons à Long Island avec des copains aussi paumés que lui. Lors d'un vol avec son meilleur ami Gary, sa route va croiser celle de Big John, un homme étrange d'une cinquantaine d'années, qui semble entretenir une relation ambiguë avec Gary. Howie, intrigué, va partir à la découverte du personnage au risque de se perdre. Grand prix du jury Deauville 2002 »
Ce film est un pur chef d'oeuvre, de délicatesse, de style, de subtilité. Tout est déjà dans le titre abrégé, to lie (mentir), car ce que Howie affronte, autant chez les adultes que chez ses amis, c'est le mensonge et la trahison. D'après moi, c'est là le vrai sujet de cette histoire. Howie a aussi à se découvrir lui-même: orphelin, lâché par son père, mais incroyablement smart et lettré, l'adolescent semble tâtonner dans la définition de son identité sexuelle. L'auteur manie l'ellipse avec une intelligence rare sur ce thème, ainsi que pour traiter un sujet éminemment casse-gueule : la relation d'amitié entre un adolescent paumé, déçu par les mensonges et les abandons de ses proches, et un quinquagénaire pédophile. Toute la réussite de Michael Cuesta tient à son refus d'un traitement complaisant ou dramatisant de ce sujet, sulfureux entre tous. Je tiens à préciser qu'il n'y absolument aucune scène choquante et que l'interdiction au moins de 16 ans me semble hors de proportions. La B.O., sensationnelle, donne un tempo syncopé à cette histoire douce-amère. Les acteurs sont remarquables, tout particulièrement Paul Dano, dans le rôle d'Howie, qu'on a revu depuis dans The King de James Marsh et Little Miss Sunshine et Brian Cox.

 
 
my-own-private-Idaho.jpgMy Own Private Idaho (1990)
de Gus Van Sant (USA) 
Avec River Phoenix (Mike) et Keanu Reeves (Scott)
Scott et Mike sont prostitués et amis. Mais si Scott, dont le père est très riche et qu'il déteste, peut espérer un autre avenir, Mike, quant à lui, traqué par ses souvenirs, sombre dans des crises de narcolepsie. Il est, en outre, secrètement amoureux de son compagnon. Ils voyagent à travers les Etats-Unis, à la recherche de la mère de Mike. Puis, au cours d'un voyage en Italie, Scott tombe amoureux de Carmella et abandonne son compagnon d’errance.
D’après moi, My Own Private Idaho est le film le plus réussi de la carrière de Gus Van Sant, même si c’est plus tard qu’il a reçu une consécration publique. On y retrouve le regretté River Phoenix, étoile filante du cinéma américain, dans un rôle de composition époustouflant. À la différence des récents opus du cinéaste, ce n’est pas un film centré sur une idée unique. Les scènes de théâtre (shakespearien) alternent avec le road movie et les moments d’onirisme. Loin des métaphores totalitaires d’Elephant, des ressassements de Last days ou de l’absurde de Gerry, My Own Private Idaho offre un tout autre cinéma, moins conceptuel, ouvert de tous côtés à diverses brises marines.
 
 
 
Mysterious Skin (2005) mysterious-skin.jpg
de Gregg Araki (Etats-Unis)
Avec Joseph Gordon-Levitt (Neil), Brady Corbet (Brian) et Michelle Trachtenberg
« A huit ans, Brian Lackey se réveille dans la cave de sa maison, le nez en sang, sans aucune idée de ce qui a pu lui arriver. Sa vie change complètement après cet incident : peur du noir, cauchemars, évanouissements... Dix ans plus tard, il est certain d'avoir été enlevé par des extraterrestres et pense que seul Neil Mc Cormick pourrait avoir la clé de l'énigme. Ce dernier est un outsider à la beauté du diable, une petite frappe dont tout le monde tombe amoureux mais qui ne s'attache à personne. Il regrette encore la relation qu'il avait établie avec son coach de baseball quand il avait huit ans. Brian tente de retrouver Neil pour dénouer le mystère qui les empêche de vivre. »
Sur ce film, il a été dit beaucoup de choses. La plus injuste me semble être de l'avoir taxé de "complaisant" envers la pédophilie, ou de noyer son sujet sous un esthétisme de clip. Fidèle à une tradition très anglosaxonne, Gregg Araki a fait un film « behavioriste », c'est-à-dire qu'on ne rentre pas dans la psychologie des personnages, on se contente de les voit agir. Or, il y a encore des gens bien intentionnés pour penser que la seule solution serait de construire ce film comme un procès contre l'affreux entraineur de base ball. Il en est plus encore pour trouver scandaleux le choix d'un personnage d'enfant qui a accepté ce que lui offrait le pédophile. Or, précisément, il me semble que le film d'Araki tend à indiquer à quel point le trauma vécu par Neil (qui se prostitue et fout sa vie en l'air comme un suicide à répétition) est au moins aussi terrible que celui de Brian (qui a « oublié » le viol et s'est cru enlevé par des extraterrestres). En somme, ce que démystifie le cinéaste, c'est le mythe de l'enfant candide et pur. Mais Neil n'est absolument pas acteur de son enfance, il l'a vécue comme un enfant gâté, abandonné à lui-même par sa mère et soumis aux manipulations d'un pervers déguisé en monsieur-tout-le-monde et papa de substitution. Et le pari très difficile du cinéaste est de nous faire assister à ce débauchage sur le fil du rasoir, à cette hypnose des paquets de corn-flakes. En ce sens, il rend beaucoup plus efficace la déconstruction de la pédophilie en évitant l'écueil de la monstruosité à deux balles. On en ressort avec un dégoût profond, pas pour le film, qui est un chef d'oeuvre, mais pour ce gachis de vies, même si la fin est d'une rare élégance. Steve Gordon-Levitt est sublime dans le rôle de Neil adolescent.
 
 
Je rajouterais un film classé « tous publics » de façon tout à fait curieuse, compte tenu de sa thématique et de la crudité de certaines scènes :
Another Gay Movie (2006)
de Todd Stephens
Avec Michael Carbonaro (Andy Wilson), Jonah Blechman (Nico), Jonathan Chase (Jarod) et Mitch Morris (Griff)

« Quatre lycéens gays prennent le pari de perdre leur virginité avant la fin de l'été, synonyme pour eux de rentrée universitaire. Mais le chemin vers la jouissance ne sera pas de tout repos. »
Ce film, à mi-chemin entre la pochade queer et le pur film de genre (le teen movie), est assez drôle, notamment par ses innombrables parodies de scènes d'autres films (ainsi l'évanouissement de Griff regardant dans son slip est un clin d'oeil à une scène de Stand By Me). La plupart des personnages renvoient à un stéréotype : Nico la folle hystérique, Jarod le sportif propre sur lui, Griff le bon élève, Muffler la lesbienne über-masculine, etc. Quant à Andy le seul dont la vie familiale joue un rôle important ses expérimentations « anales » sont l'occasion d'un déluge de situations qui vont du comique de situation au pipi-caca-prout le plus hardcore.
C'est d'un mauvais goût jubilatoire et sans aucune prétention. Le côté artisanal (pour ne pas dire fauché) se sent souvent. L'ensemble est un peu (trop) désarticulé et foutraque, mais dégage une énergie digne des meilleures séries télés américaines de ces dernières années (genre Desperate Housewives et Ugly Betty). Pas la peine d'y rechercher en revanche une recherche artistique.

À venir :
 
Odete (2005) de João Pedro Rodrigues
Tarnation (2005) de Jonathan Caouette

Liste sur amazon
 

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Quelques DVD plus ou moins gay et visibles pour des ados 1

Chic ! encore une liste ! J'ai vraiment fait ce travail pour des lecteurs adolescents et pour leurs parents.

Pour réaliser celle-ci, il m'a fallu tenir compte des autorisations légales et de plusieurs critères de choix. J'ai mis une note allant entre o (mauvais) et ***** (très grand chef d'oeuvre). Je vais en établir deux autres : une concernant les films interdits au moins de 12 ans, et une autre pour ceux interdits au moins de 16 ans. Il n'est pas question pour moi de sortir des clous de la loi.

 

DVD à contenu gay & lesbien pouvant être vus par des adolescents
Films classés « tous publics »

Amiti--s-particuli--res.jpgLes Amitiés particulières (1964)
de Jean Delannoy (Fr)
Avec Francis Lacombrade et Didier Haudepin
Adaptation particulièrement chaste et éthérée du roman éponyme de Roger Peyrefitte. Le ton peut sembler extrêmement désuet aujourd’hui, mais à l’époque le film avait été interdit aux mineurs (alors qu’il n’y a même pas de baiser). Le réalisateur et le scénariste sont ceux-là même que la nouvelle vague vilipendait, notamment dans le célèbre article de François Truffault, "Un certain cinéma français". Avec un recul de 40 ans, on se dit qu'il n'y avait ici rien de si indigne, et même une forme de courage.

 
 
Les Amoureux
de Catherine Corsini (Fr)     
Avec Pascal Cervo (Marc) et Nathalie Richard (Viviane)
Après des années d’absence, Viviane revient dans son patelin des Ardennes. Elle renoue avec son petit frère, Marc, qui est en pleine affirmation de son homosexualité. Le frère et la sœur partent dans une longue escapade où ils vont essayer de se retrouver. Le récit de leur errance, de fête glauque en rencontre improbable avec des ouvriers polonais, confronte intelligemment la fuite en avant de Vivianne et les désillusions de Marc. Pascal Cervo faisait alors ses débuts à l'écran (on l'a revu récemment, magnifique, dans Le Dernier des fous de Laurent Achard). Les Amoureux ressemble étonnament à un film social anglais un peu fauché. Un film attachant, au ton profondément juste.
 
 
beautiful-thing-5.jpgBeautiful Thing (1996)
de Hettie MacDonald (UK) 
Avec Glen Berry (Jamie), Scott Neal (Ste) et Linda Henry (la mère de Jamie)
Un classique du film de coming out. Dans la banlieue de Londres, Jamie subit le harcèlement perpétuel de ses pairs, qui le soupçonnent d’être gay. Seul un garçon, Ste, et une fille, Leah, sont amis avec lui. Sa mère fait tout son possible pour lui rendre la vie plus facile, mais c’est dur pour lui. Jusqu’au jour où quelque chose se passe avec Ste…
Le film ressemble davantage à un bon feuilleton qu’à un grand mélo classieux, mais les acteurs sont irréprochables. Je préfère nettement Get Real (Comme un garçon) dans un genre similaire.
 
 
dragbillye.jpgBilly Elliott (2000)
de Steven Daldry (UK) 
Avec Jamie Bell (Billy), Julie Walters (Mrs Wilkinson), Stuart Wells (Michael)
Est-il besoin de présenter ce film splendide racontant l’histoire d’un garçon de onze ans qui veut devenir danseur ? Billy Elliott est plus qu'un chouette film anglais de plus : grâce au talent et à la grâce de Jamie Bell, les scènes de danse atteignent l'émotion pure. Le réalisateur fait davantage que filmer un gamin qui danse, il capte un rien en plus, joie, transe. Filmer l'art au-delà d'une mise en image un peu plate et suggérer quelque chose est chose rare. L'humanité du point de vue est rassérénante et la chorégraphie finit par déborder les scènes de genre pour donner à l'ensemble la dimension d'un ballet. C’est un poème visuel, qui enlace un destin singulier (celui de Billy) avec l’Histoire (on est en pleine époque thatchérienne). Autre contrepoint, celui qui oppose la vie rude des mineurs en grève et l'univers protégé de la danse. Le meilleur ami de Billy, Michael, est un garçon on ne peut plus sensible, et qui aime mettre des tutus. Les acteurs sont épatants, notamment la grande Julie Walters et Jamie Bell, qui a fait une très belle carrière depuis.
 
Breakfast-on-Pluto.jpgBreakfast on Pluto (2005)
de Neil Jordan (Eire)
Avec Cillian Murphy (Kitten) et Liam Neeson
Irlande du Nord, années 1970 : terrorisme et répression policière s’entremêlent, à la limite de la guerre civile. Dans ce contexte dérangé, Kitten tente de mener sa barque de jeune transsexuel, assez peu concerné par le nationalisme, mais amouraché d’un soldat de l’IRA. On le (la) suit dans des péripéties innombrables, jusqu’à son installation à Londres. Breakfast on Pluto est un film inclassable, mélangeant la comédie camp et un souffle historique. Surtout, le réalisateur a évité les lourdeurs d'un film "sur" de brûlants sujets. A l'image de la légèreté aérienne de Kitten, le film déjoue la tragédie d'un battement d'aile de papillon. La performance d’acteur de Cillian Murphy est absolument à couper le souffle.


Les Chansons d'amour (2007)
de Christophe Honoré (Fr).
Avec Louis Garrel (Ismaël), Ludivine Sagnier (Julie), Clothilde Hesme (Alice) et Grégoire Leprince-Ringuet (Erwann)
J'ai parlé abondamment de ce film dans un post spécifique. Qu'il me suffise de rappeler que cette comédie musicale sur les traces de Demy et de Jeanne et le garçon formidable est sans doute le film le plus abordable à ce jour de Christophe Honoré. La deuxième partie (le deuil) est un peu un ton en-dessous du reste, et d'aucuns ont pu se plaindre des longueurs (au début) ou de l'inspiration inégale. Mais la romance entre Ismaël et Erwann demeure une pure merveille.
 
 
Clara cet été là (2001)
de Patrick Grandperret (France)
Avec Selma Brook (Clara), Stéphanie Sokolinski (Zoé), Salomé Stévenin (Sonia)
Clara et Zoé sont les meilleures amies du monde. Dans le courant de l'été, elles partent faire un stage de voile. Elles font partie d'un groupe qui ne brille pas par son ouverture d'esprit. et qui les traite assez mal. Néanmoins, Zoé se rapproche d'un des garçons, Sébastien, après un épisode ambigu durant lequel elle s'est déclarée amoureuse de Clara. Celle-ci, un peu délaissée, est fascinée de son côté par Sonia, une fille différente, qui se tient soigneusement à l'écart. Mais s'avouer à elle-même qu'elle est plutôt attirée par les filles n'est pas sans lui poser problème...
Ce film inédit en salles est une bonne surprise, par son regard nuancé et sans complaisance sur l'adolescence. Les acteurs sont dans l'ensemble très bons et tout particulièrement le trio de filles.
 
 
CRAZY2.jpgC.R.A.Z.Y. (2005)
de Jean-Marc Vallée (Canada)
Avec : Marc-André Grondin (Zacharie Beaulieu), Michel Côté (Michel Beaulieu), Danièle Proulx (Laurianne Beaulieu)
Phénomène de société au Québec, succès en France, C.R.A.Z.Y. est l’une de ces comédies douces-amères dont les réalisateurs québécois ont le secret, des Plouffes au Déclin de l’empire américain. Comme l’a confié Jean-Marc Vallée, il s’agit plus ou moins d’un film autobiographique, qui raconte comment le quatrième rejeton d’une fratrie québécoise a réussi en un temps très long à s’accepter comme homosexuel et à se faire aimer comme tel par son père.
C.R.A.Z.Y. est un film un peu dingo, au montage ultra-rapide, qui traverse 20 années du Québec et du monde. Le tempo est à la fois à l’origine du comique extravagant de l’histoire et l’une de ses limites, car on est parfois à la limite du foutraque. Le cinéaste a mis un soin tout particulier dans les décors, costumes, musiques, etc., ce qui donne au film un cachet assurément rétro. 
 
 
crustaces-et-coquillages.jpgCrustacés et coquillages (2005)
d’O. Ducastel et Jacques Martineau (Fr) 
Avec Gilbert Melki, Valeria Bruni-Tedeschi, Edouard Collin… 
« C'est l'été. Marc emmène sa famille au bord de la Méditerranée dans la maison où il passait ses vacances quand il était adolescent. Béatrix, son épouse, doit partager son temps entre sa famille et son amant exigeant, venu la rejoindre. Leur fille Laura, 19 ans, attend avec impatience l'arrivée de son petit copain motard qui l'emmènera vers d'autres rivages. Leur fils Charly reçoit Martin, son meilleur ami, dont Béatrix et Marc ne tardent pas à comprendre qu'il est homosexuel. Ils en tirent un peu rapidement des conclusions concernant les préférences sexuelles de leur fils... » (présentation officielle)
Avec cette comédie badine, O. Ducastel et J. Martineau ont réalisé un film plaisant et enlevé. Ils s’ingénient à brouiller toutes les cartes et à jouer avec les codes du vaudeville. À l’arrivée, leur film est un hymne à la liberté sexuelle, servi par une brochette d’acteurs absolument époustouflants. C’est le film qui a révélé Édouard Collin.

 

 

Le Dernier des Fous (2006)

de Laurent Achard (Fr)
Avec : Julien Cochelin (Martin), Pascal Cervo (Didier), Annie Cordy (la grand-mère)

« C'est l'été et le début des vacances pour Martin, onze ans, qui vit dans la ferme de ses parents et observe, désemparé, la désintégration de sa famille. » Ce film de Laurent Achard est un drame extrêmement sombre. Martin le mutique observe ses proches sombrer : sa mère (Dominique Reymond) vit claustrée dans sa chambre, son grand-frère homo (Pascal Cervo) est abandonné par son amant (qui veut se marier), sa grand-mère veut surtout sauver les apparences et vendre la ferme familiale... L'enfant semble stoïque, mais c'est qu'à la façon d'un animal il se blottit dans sa coquille (une gangue de silence ?), incapable d'affronter la peur qui imprène le quotidien.
Bien que n'ayant fait l'objet d'aucune limite d'audience, ce film me semble clairement destiné à un public averti de sa violence terrible (et inexpliquable).

Sur le jeu de Pascal Cervo, le réalisateur Laurent Achard a dit : « [....] je savais que c’était un acteur extraordinaire, mais ce qu’il parvient à faire dans ce film m’a complètement époustouflé. Par son jeu intense, concentré, jamais dans le calcul, et pourtant toujours parfaitement mesuré, il est parvenu à donner à son personnage à la dérive une ampleur si désespérée, si tragique que ma perception du rôle en a été transformée : en devenant le contrepoint parfait de Martin, les deux frères étaient désormais inséparables comme les deux faces d’une même médaille. »

 
Dix-sept fois Cécile Cassard (2002)
de Christophe Honoré (Fr)
Avec Romain Duris (Mathieu) et Béatrice Dalle (Cécile)
Deuxième film de Christophe Honoré, le premier pour le cinéma, Dix-sept fois Cécile Cassard raconte une histoire d’amitié peu ordinaire entre un jeune homosexuel, Mathieu, et une jeune veuve, Cécile Cassard. Dans ce compagnonnage inhabituel, la jeune femme retrouve peu à peu le goût de vivre, tandis que Mathieu trouve un nouveau sens à sa vie.
Nourri par une expérience autobiographique, ce film est un peu maladroit et étouffant. Je n’aime pas trop Romain Duris, donc mon jugement n’est pas non plus très objectif.

L'Éveil de Maximo Oliveiros (2005)
d'Auraeus Solito (Philippines)
Avec : Nathan Lopez (Maxi) et JR Valentin (Victor)
Dans les quartiers populeux de Manille, Maximo (Maxi) vit avec son père et ses frères. Le gamin va à l'école, tandis que ses proches participent à des trafics divers. Il a en quelque sorte pris la place de sa mère dans l'exécution des tâches domestiques, aspect parmi d'autres d'une identité de genre pour le moins féminine. Pour autant, sa gentillesse et enthousiasme (assez queer) en font une figure appréciée du quartier. Le cours du destin change quand Victor, un policier incorruptible, commence à mettre son nez dans les business du quartier. Le gamin tombe amoureux de lui, passion impossible qui va changer son existence, ponctuée de drames.
C'est non seulement un grand film social dans la tradition du néo-réalisme (italien ?!), mais aussi un petit joyau queer au jeu de couleurs explosif, qui joue sur le mélange des genres (comédie, drame, romance). Il n'est réductible à aucune de ses dimensions, pas même à l'aspect "film d'apprentissage" (qu'il a indubitablement). Nathan Lopez est impressionnant de naturel dans le rôle de Maxi.

 
 
Fucking-Amal.jpgFücking Åmål (1998)
de Lukas Moodysson (Suède)
Avec Alexandra Dahlström et Rebecca Liljeberg
« Difficile d'être adolescent à Amal... Pour Elin, la plus populaire et délurée du lycée, les week-ends riment avec cuites répétées et flirts sans lendemains. Agnès elle, n'a pas d'amis car jugée trop "différente". Mais par le jeu d'un mauvais hasard elles vont se rencontrer et leurs vies vont prendre un nouveau virage, jonchées de libertés, de désirs nouveaux et d'amour... Le producteur de Dancer in the dark nous livre avec Fucking Amal un portrait juste, pudique et intelligent sur l'adolescence en évitant avec brio les poncifs inhérents à ce genre de fiction. Succès critique unanime et acclamé par le public, il fait parti de ces films que l'on n'oublie jamais, un peu comme certaines étapes de notre adolescence. » (dossier de presse)
Commentaire personnel toujours pas rédigé (il faudrait que je revisionne le film), mais   

 

 
Furyo-01.jpgFuryo (1983)
de Nagisa Oshima (Japon)
Avec Ryuichi Sakamoto (capitaine Yonoï), David Bowie (Jack Celliers) et Beat Takeshi (Sergent Hara)
Adapté du fabuleux roman de Laurence van der Post, La graine et le semeur (The Seed and the Sawer), Furyo est un très grand film de Nagisa Oshima. Il se passe dans un camp de prisonniers tenu par les japonais pendant la deuxième guerre mondiale. Le capitaine Yonoï fait régner la terreur aussi bien parmi ses propres troupes que sur les centaines de captifs anglais. Mais l’arrivée d’un nouveau détenu, le major Jack Celliers, va changer la donne. Doté d’un courage hors du commun, il tient tête aux geôliers, attirant sur lui la fascination du ténébreux capitaine.
Avec sa musique fascinante, ses images sublimes et son souffle épique, Furyo avait conquis le public français à sa sortie, à un moment où David Bowie était au zénith de sa popularité. C’est devenu un classique du film de guerre.
 
hush2300_203x300.jpgHush (2001)
de Ryosuke Hashiguchi (Japon) 
Avec Seiichi Tanabe (Naoya), Kazuya Takahashi (Katsuhiro) et Reiko Kataoka (Asako)
Naoya est un homosexuel un peu morose, toiletteur pour chiens, à la recherche (évidente) d'une histoire durable. Quand il se réveille avec Katsuhiro à ses côtés, il n'ose y voir plus que l'aventure d'une nuit. Mais ce garçon-là est différent, avec sa candeur désarmante et ses doutes. D'ailleurs, la caméra elle-même l'accompagne dans son existence de laborantin paumé. Naoya est sous le charme, sans trop vouloir espérer. C'est là que survient Asako, une jeune femme instable, pour ne pas dire un peu trash, qui veut concevoir un bébé avec Katsuhiro. Peu à peu, c'est un insolite ménage à trois qui prend forme, non sans remous. Naoya redoute sans cesse que Katsuhiro se détourne, Asako fait des crises et Katsuhiro ne sait comment annoncer à son frère qu'il aime les garçons...
Hush est le troisième film d’un cinéaste japonais intriguant. Alors que les deux précédents avaient un je-ne-sais quoi d'hystérique, celui-ci est d'une splendeur calme, comme si Hashiguchi avait enfin acquis la sérénité. C'est aussi un film drôle, avec des interprètes excellents. J'ai beaucoup aimé.
 
 
Haynes2.jpgLoin du Paradis (2002)
de Todd Haynes (USA)
Avec Julienne Moore (Cathy Whitaker), Dennis Quaid (Frank Whitaker), dennis Haysbert (Raymond Deagan)
États-Unis des années 1950. Les Whitaker forment une famille exemplaire, un modèle de rêve américain. Frank Whitaker est un encore jeune businessman à l’avenir brillant. Mais un jour, Cathy découvre que son mari la trompe… avec des hommes. Bouleversée par cette découverte invraisemblable, mais ne voulant pas détruire son couple, elle se découvre un confident et une attention charitable chez son jardinier noir, Raymond. Mais une telle amitié est-elle tolérable dans une Amérique encore ségrégationniste ? Dès les premières images (la caméra descend en spirales comme une feuille morte), la sensibilité et la beauté de cette oeuvre s'impose. Ce bouleversant mélo, filmé à la manière de Douglas Sirk, est le chef d’œuvre inégalé de Todd Haynes, cinéaste ouvertement gay, et ami de Gus Van Sant. J'ai rarement vu des oeuvres aussi belles, simplement dans le traitement des couleurs, des mouvements de caméra (même si Todd Haynes emprunte des idées à ses prédécesseurs des années 1950). Par ailleurs, s'il s'agit bien d'un mélodrame, à aucun moment le trait n'est forcé pour faire pleurer ceux qui ont la larme facile. C'est un film d'une grande dignité, à l'image du personnage incarné par Julianne Moore. Petite réserve peut-être : Loin du paradis est par excellence ce que l'on pourrait appeler un film "historique", dans la mesure où son propos, ses repères, etc., ne font que nous renvoyer aux années 1950 (et à tout le moins en-deça de la fin des années 1960), sans qu'il soit possible de l'extraire de ce contexte pour interroger notre situation actuelle. Un des plus beaux rôles de Julienne Moore.
 
Ma-vie-en-rose.jpgMa vie en rose (1997)
d’Alain Berliner (Fr)
Avec Georges du Frêne (Ludovic), Michèle Laroque (Elisabeth Fabre), Jean-Philippe Écoffey (Pierre Fabre)
Les Fabre viennent d’emménager dans une nouvelle maison, dans une « splendide » banlieue pavillonnaire de la région parisienne. Pierre a décroché un nouveau job, et vit au milieu de ses collègues, en face de chez son chef. Les Fabre ont quatre enfants, une fille et trois garçons. L’ennui, c’est que le petit dernier, Ludovic, est convaincu d’être une fille dans un corps de garçon. Peu à peu, les idées singulières de Ludo vont semer le trouble, voire la panique, dans tout le quartier.
Ma vie en rose est une comédie absolument délectable et qui ne tombe jamais dans la vulgarité, sur un sujet qui a produit tant de navets stéréotypés. La satire du conformisme et de la bigoterie sournoise fonctionne comme une bombe à retardement.
 
 
Ryan-Kelley-1.jpgMean Creek (2004)
de Jacob Aaron Estes
Avec Scott Mechlowicz (Marty), Ryan Kelley (Clyde), Rory Culkin (Sam)
Six adolescents embarquent sur une rivière, officiellement pour fêter l’anniversaire du plus jeune, Sam, en fait pour punir George (Josh Peck), un gros balourd violent et antipathique. L’expédition prend une tournure étrange et confuse, puis tourne à la tragédie.
Ce film, que l’on a comparé à Stand by Me de Rob Reiner et à Delivrance de John Boorman est un incontestable chef d’œuvre. Les scènes sur la barque sont d’une grande beauté. Le cinéaste a un sens de la nature sauvage qui rappelle incontestablement Rob Reiner. Mais surtout, Mean Creek est un film à contre-courant de ces thèmes à la mode sur l’adolescence dénuée de tout morale, que l’on trouve chez Gus Van Sant ou Larry Clark. Trait d'union entre L.I.E. de Michael Cuesta et L'autre rive de David Gordon Greene, Mean Creek prend à contrepied l'image du teen américain robotisé, dénué de sens moral, seulement livré à ses désirs de sexe et de mort. Qu'on me comprenne bien : les films que j'associe ici ne sont pas des films moralisateurs, mais des réflexions sur l'éveil de la faculté de juger et la perte de l'innocence. Jacob Aaron Estes nous montre exactement cela : des jeunes confrontés à un grave dilemme et qui décident (pour la plupart) d’y faire face. Cette voie alternative est assez rafraîchissante, car elle corrige une vision assez terrifiante de l'Amérique profonde (souvenons-nous aussi de Gummo d'Harmony Korine ou de Tarnation de Jonathan Caouette).
Pour le reste, Mean Creek est un film d'une beauté picturale intense, le digne héritier de Stand by Me de Rob Reiner, avec cette façon inimitable d'enlacer la nature frémissante et l'adolescence. Il n'y a pas le moindre temps mort dans cette tragédie moderne. Le travail sur les non-dits et les échanges de regards est fabuleux. Les acteurs sont beaux et époustouflants, avec une mention particulière pour Rory Culkin (droopy traversé par mille émotions contadictoires), Josh Peck (fabuleux en gros dégueu malheureux) et surtout Ryan Kelley, ado frêle sans cesse houspillé (« faggot ») et qui oppose à cela une humanité, une douceur et une beauté morale qui sonnent plus que juste. Il excelle dans le rôle de l’ado sensible, élevé par deux gay dads (comme le cinéaste le fut). Il me rappelle (toutes proportions gardées) le personnage de Wil Wheaton (Gordie) dans Stand by Me. Très vivemement recommandé.
 
 
Mort----Venise.jpgLa Mort à Venise (1971)
de Luchino Visconti (Italie)
Avec Dirk Bogarde (Gustav von Aschenbach) et Bjorn Andresen (Tadzio)
L’une des rares adaptations au cinéma qui dépasse l’œuvre littéraire dont elle est tirée, en l’occurrence une fastidieuse longue nouvelle de Thomas Mann. De l’œuvre originale, Visconti n’a gardé que le thème de la fascination de l’artiste vieillissant pour un jeune et mystérieux adolescent polonais. Le cinéaste italien a superposé sur cette histoire une évocation de la fin de la vie du compositeur Gustav Mahler. D’ailleurs, l’adagio de sa cinquième symphonie est devenu un gimmick du drame depuis son utilisation dans ce film.
 
 
 My-summer-of-love-copie-1.jpgMy Summer of Love (2004) de Pawel Pawlikowski (UK) Note: ***
Avec Natalie press (Mona), Emily Blunt (Tamsin) et Paddy Considine (Phil)
Mona vivote dans un bled paumé de l’Angleterre profonde, auprès de son frère Phil, qui tient un café. Un beau jour, celui-ci découvre la vraie foi et se mue en prédicateur du Christ. Mona s’évade et rencontre Tamsin, une riche héritière, un peu livrée à elle-même dans la grande maison de ses parents. Une grande histoire d’amour va bientôt unir les deux filles, presque seules pour le temps d’un été.
Cinéaste d’origine polonaise élevé au Royaume-Uni, Pawel Pawlikowski a livré avec My Summer of Love une magnifique romance estivale, d’une grande beauté plastique tout en recueillant l’héritage du cinéma social anglais.

Naissance des pieuvres (2007)
de Céline Sciamma (Fr)
Avec Pauline Acquard (Marie), Adèle Haenel (Floriane) et Louise Blachère
« En assistant à un spectacle de natation synchronisée, Marie, 15 ans, a une véritable épiphanie. Elle développe une obsession pour cette étrange discipline. A moins que ce désir n'en cache un autre, plus souterrain, pour cette fille, la star des nageuses, Floriane... »
Sur ce film plastiquement superbe et tout en émotions rentrées, j'ai écrit un article auquel je vous renvoie.
 
 
Pas de repos pour les braves (2003)
d’Alain Guiraudie (Fr)
Avec Thomas Suire, Laurent Soffiati et Thomas Blanchard
« D’abord, il y a Basile Matin, un jeune gars qui a rêvé de Fafatao-Laoupo, le symbole de l’avant-dernier sommeil. Maintenant, Basile sait que s’il dort encore il va mourir… Ensuite, il y a Igor, un autre jeune gars qui travaille un peu et fait vaguement des études… Ensuite, il y a Johnny Got. Un peu journaliste bénévole, un peu détective et pas mal voyou, il s’intéresse beaucoup aux histoires qui ne le regardent pas… »
En fait, Pas de repos pour les braves est un film irracontable, foutraque et sublime. On a parlé de « western aveyronnais », mais c’est encore trop réaliste, par rapport à ce film complètement hors norme. Jamais Guiraudie n’avait bénéficié d’un tel budget, et hélas le film s’est pris une grosse claque ; c’était trop expérimental. Alain Guiraudie est le plus étrange phénomène de la galaxie des cinéastes gays français.
 
roseaux.jpgLes Roseaux sauvages (1993)
d’André Téchiné (Fr)
Avec Gaël Morel (François), Élodie Bouchez (Maïté), Stéphane Rideau (Serge) et Frédéric Gorny (Henri)
Printemps 1962, dans une petite ville du Sud-Ouest. François, Serge et Henri sont internes au lycée de garçons. La guerre d’Algérie se termine et Henri, jeune pied-noir, est empli de colère. François doit affronter son homosexualité, titillée par les jeux ambigus de Serge, qui lui en pince pour Maïté, laquelle est attirée et dégoûtée à la fois par Henri.
Évidemment, il s’agit d'un des meilleurs films de Téchiné,  aux images d’anthologie, dans lequel le cinéaste a approché au plus près la grâce et les emportements de l’adolescence. Au départ, c’était un film de commande d’Arte, puis c’est devenu ce que Téchiné a fait de plus personnel.
 
 
secret-de-Brokeback-mountain.jpgLe Secret de Brokeback Mountain (2005)
d’Ang Lee (États-Unis)
Avec Jake Gyllenhall (Jack) et Heath Ledger (Ennis)
Été 1963, Wyoming. Deux jeunes cow-boys, Jack et Ennis, sont engagés pour garder ensemble un troupeau de moutons à Brokeback Mountain. Isolés au milieu d'une nature sauvage, leur complicité se transforme lentement en une attirance aussi irrésistible qu'inattendue. A la fin de la saison de transhumance, les deux hommes doivent se séparer. Ennis se marie avec sa fiancée, Alma, tandis que Jack épouse Lureen. Quand ils se revoient quatre ans plus tard, un seul regard suffit pour raviver l'amour né à Brokeback Mountain.
Que n’a-t-on pas écrit sur ce film ? On oublie souvent de préciser qu’il s’agit d’un mélo hollywoodien de facture ultra classique, certes déchirant, mais qui a les limites de ses qualités.


Les Témoins (2007)
d'André Téchiné (Fr)
Avec : Michel Blanc (Adrien), Johan Libéreau (Manu), Emmanuelle Béart (Sarah) et Sami Bouajila (Mehdi)

« Années 1980. Manu débarque à Paris, où il partage la chambre de sa soeur Julie dans un hôtel modeste. Il fait la connaissance d'Adrien sur un lieu de drague homosexuel et noue une amitié chaste avec ce médecin quinquagénaire un rien désabusé. Ce dernier lui fait rencontrer Sarah et Mehdi, un couple qui vient d'avoir son premier enfant. Adrien bouleverse l'existence des uns et des autres, jusqu'au moment où l'épidémie de SIDA tombe comme un couperet au milieu de leur existence. »
Sur cette tragédie faussement réaliste j'ai écrit
ceci.
 
 
Le-Temps-qui-reste.jpgLe Temps qui reste (2006)
de François Ozon (Fr)
Avec Melvil Poupaud (Romain), Valéria Bruni-Tedeschi (Jany) et Jeanne Moreau (Laura)
Romain, jeune photographe trentenaire et homosexuel, apprend un jour qu’il est atteint par un cancer foudroyant et qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. Sans rien dire à personne, il envoie sa vie en chandelle, incapable de cohabiter avec cette idée de la mort imminente. Seule sa grand-mère, Laura, saura l’aider à trouver le chemin de la paix intérieure.
Avec ce film à petit budget, au caractère intimiste, François Ozon a réalisé ce que je considère comme son meilleur film avec Regarde la mer. Ce que je trouve particulièrement fort est que le cinéaste ne cherche jamais à nous apitoyer sur son personnage, qu’il n’a pas hésité à rendre par moments très antipathique. On ne ressort pas indemne d’une telle expérience de cinéma, et je trouve étonnant que cette oeuvre sombre n’ait pas été au moins déconseillée au moins de douze ans.
 
Truman Capote (2006)
de Bennett Miller (Etats-Unis)
Avec Philippe Seymour Hoffman (Capote) et Catherine Keener (Nelle Harper Lee)
Capote raconte ce moment crucial de la vie de l’écrivain Truman Capote, qui a transformé un brillant prodige littéraire en un chroniqueur réaliste d’un horrible crime, relaté dans In Cold Blood, son livre le plus célèbre.
Tout le monde a célébré la performance d’acteur de Philippe Seymour Hoffman, qui campe un Capote ultra proche de l’original. On en a un peu oublié à quel point le film est intéressant dans sa façon de disséquer la relation vampirique entre un écrivain et un meurtrier en attente de l’échafaud. Il y a aussi un vrai travail sur les lumières et les ambiances, qui en fait un film spectral et ténébreux.
 
 

Ville-prince-enfant.jpgLa Ville dont le prince est un enfant (1994)

de Christophe Malavoy (Fr)
Avec Naël Marandin (Servais), Clément Van den Bergh (Souplier) et Christophe Malavoy (l’Abbé de Pradts)

Adapté d’une pièce d’Henri de Montherlant, La Ville dont le prince est un enfant raconte l’amitié passionnée de deux élèves d’un collège catholique, Servais, 14 ans, et Souplier, de deux ans son cadet. Autant Servais est un élève brillant et estimé, autant Souplier est comme en retrait du monde, et dotée d’une nature lascive. Souplier fascine aussi l’Abbé de Pradts, qui ne supporte par l’immixtion de Servais dans sa relation passionnelle pour le jeune écolier. Une lutte s’engage entre le prêtre maléfique et l’adolescent révolté.

Cette adaptation télévisuelle réalisée par Christophe Malavoy est plutôt une bonne surprise, aidée par un beau travail sur les décors et les ambiances, et par des acteurs remarquables. Le DVD dispose d’une richesse de bonus absolument remarquable.

 


 
En attente :
 
Ander (2009) de Roberto Caston
Drôle de Felix (2000) d’O. Ducastel et J. Martineau
J'ai tué ma mère de Xavier Dolan (2009)
Torch Song Trilogy (1988) de Paul Bogart
Et tant d'autres !
 

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